Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 août 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2326511 du 14 février 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 juin 2024, M. B..., représenté par Me Brémaud, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros hors taxes au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment au regard de l'indisponibilité au Mali des " dosages PCR " et du Ténofovir ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- elles sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au
4 février 2025 à 12 heures.
Par une décision du 15 mai 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mantz, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malien né le 31 décembre 1989, est entré en France le 10 avril 2016, selon ses déclarations. Le 20 avril 2023, il a sollicité un titre de séjour pour soins, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 août 2023, le préfet de police lui a refusé la délivrance du titre sollicité et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 14 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...). ".
3. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
4. Le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), par un avis du 31 juillet 2023, a considéré que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, son état de santé pouvant lui permettre en outre de voyager sans risque vers ce pays.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est atteint d'une hépatite B, laquelle nécessite un traitement à base de Ténofovir disoproxil 250 mg sous forme de monothérapie. Pour contester l'appréciation portée par le préfet sur la disponibilité de son traitement dans son pays d'origine, le requérant a produit en première instance une attestation d'un médecin malien en date du 7 septembre 2022, concernant une personne dénommée " M. B... ", dont le prénom et la date de naissance ont été occultés, faisant état de ce que le Ténofovir subirait occasionnellement des ruptures de stocks et serait " financièrement inabordable " au prix de 125 000 francs CFA, un certificat médical du 13 septembre 2022 émanant d'un praticien attaché à l'hôpital Avicenne (AP-HP), concernant une tierce personne de nationalité malienne, mentionnant que les " dosages PCR " et les traitements antiviraux ne seraient pas disponibles au Mali, ainsi que deux certificats en date des 9 février et 21 septembre 2023 d'un praticien du groupe hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière (AP-HP), indiquant, pour le premier, que le Ténofovir ne serait pas disponible en permanence au Mali, et, pour le second, que le suivi et les analyses nécessaires à une prescription adaptée à M. B... ne seraient pas disponibles au Mali, tandis que le traitement médicamenteux de l'intéressé ne le serait que de façon intermittente. Toutefois, eu égard aux termes généraux dans lesquels ils sont rédigés, ces certificats ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII, tant en ce qui concerne la disponibilité continue du médicament précité, qu'en ce qui concerne le suivi nécessaire à la détermination et à l'adaptation de son traitement. Le préfet, quant à lui, a produit en première instance la liste nationale des médicaments essentiels au Mali, sur laquelle figure le Ténofovir, qui est répertorié comme étant disponible dans les diverses structures médicales du pays. Si, selon cette liste, ce médicament n'est disponible qu'au dosage de 300 mg et non au dosage de 250 mg, tel qu'il est prescrit au requérant, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé, alors même que le préfet fait valoir par ailleurs, sans être contesté sur ce point, qu'il existe au Mali des structures hospitalières en mesure de prendre en charge la pathologie de M. B.... Enfin, si ce dernier invoque le coût très élevé du médicament précité, il n'apporte aucune précision concernant sa situation sociale et professionnelle au Mali où il a vécu jusque l'âge de 26 ans, et n'apporte aucun élément de nature à établir que ses ressources financières ne lui permettraient pas d'accéder effectivement à ce traitement dans son pays d'origine. Dans ces conditions,
M. B... ne peut être regardé comme justifiant de ce qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans ce pays. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En second lieu, M. B... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est parfaitement inséré en France et y dispose de nombreuses attaches familiales. Il fait valoir en outre qu'à supposer qu'un titre de séjour pour soins ne lui soit pas accordé, la nécessité d'un suivi médical n'en constituerait pas moins un " motif humanitaire ". Toutefois, et d'une part, à supposer que par les éléments qui précèdent, M. B... doive être regardé comme invoquant les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celui-ci, qui n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, ne saurait utilement s'en prévaloir dès lors que le préfet n'était pas tenu d'examiner sa demande sur ce fondement, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. D'autre part, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet a pris en compte, avant de prendre sa décision, la situation familiale et professionnelle de l'intéressé qui, s'il se prévaut notamment d'une activité professionnelle, ne l'établit par aucune pièce. Enfin, quand bien même résideraient en France ses cinq frères et sœurs et sa belle-mère, lesquels seraient soit en situation régulière, soit de nationalité française, l'intéressé est célibataire sans charges de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment encore sa mère et où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
7. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français d'une part, et fixant le pays de destination d'autre part, doit, en conséquence, être écarté.
8. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en obligeant M. B... à quitter le territoire français et en fixant le pays de destination, le préfet de police aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
A. GASPARYANLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02806 2