Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2307734 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 janvier et 6 décembre 2024,
M. C..., représenté par Me Azogui, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle ou à défaut une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière au regard de l'article L.432-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 51 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle aurait dû être précédée d'un nouvel avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant de l'admettre au séjour ;
- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été abrogée par la délivrance d'autorisations provisoires de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2024, le préfet de la
Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ont perdu leur objet compte tenu de leur abrogation implicite par la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour le 2 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Saint-Macary a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant congolais né le 14 septembre 1970, est entré en France le 25 septembre 2011 selon ses déclarations. Il a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étranger malade valables du 27 septembre 2013 au 20 avril 2018. Le renouvellement de ce titre de séjour lui a été refusé par un arrêté du 14 août 2019. A la suite de l'annulation, par un jugement du 30 août 2021, de cet arrêté, le préfet de la Seine-Saint-Denis a réexaminé la situation de M. C.... Par un arrêté du 17 janvier 2023, il a rejeté à nouveau sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le requérant relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, M. C... ayant formé une demande d'admission exceptionnelle au séjour et justifiant résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative, qui envisageait son rejet, a soumis sa demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme elle y était tenue par l'article L. 435-1 du même code. Aux termes de l'article L. 432-15 de ce code : " L'étranger est convoqué par écrit au moins quinze jours avant la date de la réunion de la commission qui doit avoir lieu dans les trois mois qui suivent sa saisine ; il peut être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et être entendu avec l'assistance d'un interprète. / Il peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, cette faculté étant mentionnée dans la convocation. L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par le président de la commission (...) ".
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été convoqué le 26 août 2022 devant la commission du titre de séjour pour y paraître le 1er décembre 2022, et que sa convocation l'informait de ce qu'il pouvait demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il n'a formé une demande d'aide juridictionnelle que le 14 novembre 2022, n'a sollicité le report de la commission en raison de sa demande d'aide juridictionnelle que le 29 novembre 2022 et n'a pas comparu devant la commission sans justifier en avoir été empêché. Compte tenu du délai qui s'est écoulé entre sa convocation et sa demande d'aide juridictionnelle, et de ce qu'il n'a informé la commission du titre de séjour de sa demande que le 29 novembre 2022, alors que son président pouvait prononcer son admission à titre provisoire, la commission du titre de séjour a pu régulièrement rendre un avis sans qu'il ait été statué, au préalable, sur la demande d'aide juridictionnelle de l'intéressé.
4. D'autre part, les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas applicables aux avis de la commission du titre de séjour, qui revêt le caractère d'une commission administrative et ne peut être regardée comme un tribunal au sens de ces stipulations. Dès lors, leur méconnaissance ne peut être utilement invoquée par M. C... à l'encontre de l'avis rendu par cette commission.
5. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision contestée que le préfet, qui n'avait pas à y mentionner la pathologie dont souffre M. C..., a examiné sa situation médicale au regard tant de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que des éléments produits par l'intéressé, ainsi que sa vie privée et familiale et son insertion professionnelle. Il a, ce faisant, procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que pour refuser le renouvellement du titre de séjour de M. C..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 17 décembre 2018 estimant que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. En se bornant à se prévaloir d'un certificat médical du
17 novembre 2020 faisant état d'un amoindrissement de ses symptômes psychiatriques,
M. C... ne justifie pas de ce que le préfet aurait dû consulter à nouveau le collège de médecins de l'OFII.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre de troubles psychiatriques pour lesquels il est suivi par le centre du Psychotrauma depuis 2013. S'il soutient que son état implique un traitement à base de neuroleptique, anxiolytique et somnifère, il ne produit aucune prescription postérieure à celle du mois mars 2021, relative alors, à des médicaments à prendre en cas d'angoisse et en cas d'insomnie. Par ailleurs, les deux attestations stéréotypées et non circonstanciées qu'il produit sur les conséquences qu'entraînerait un retour dans son pays d'origine ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII. S'il ressort également des pièces du dossier que M. C... souffre d'un diabète de type 2, il ne produit aucun élément personnalisé de nature à établir qu'un défaut de traitement serait de nature à avoir, pour lui, des conséquences d'une extrême gravité. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. C... était encore atteint d'une tuberculose pulmonaire. Dans ces conditions, le préfet de la
Seine-Saint-Denis n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant le renouvellement, sur ce fondement, de son titre de séjour.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
10. D'une part, si M. C... se prévaut de sa présence en France depuis 2011, dont neuf années en situation régulière, de ce qu'il parle français, de ce qu'il vit en concubinage avec la mère de sa fille, née en 2019, de la présence en France de son fils né en 2005, et de ce qu'il souffre d'une tuberculose pulmonaire et de diabète de type 2, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré en France à l'âge de 41 ans et y a vécu régulièrement sous couvert de titres de séjour ou de récépissés en qualité d'étranger malade, pour lui permettre de se soigner. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. C... a trois enfants au A... et qu'à supposer même qu'il partage la vie de la mère de la fille qu'il a eue en France, celle-ci est une ressortissante congolaise qui était en situation irrégulière à la date de la décision contestée. D'autre part, si M. C... justifie avoir occupé plusieurs emplois depuis 2015, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a travaillé à temps plein tout au plus qu'en 2017 et 2018. La variété des emplois occupés, tels agent d'entretien, agent de sécurité, préparateur de commandes ou transporteur, ne révèle en outre pas une insertion professionnelle stable. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre à titre exceptionnel au séjour, ni n'a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 17 janvier 2023 par laquelle le préfet de la
Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
14. Par une ordonnance du 23 août 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a suspendu l'arrêté contesté du 17 janvier 2023. A la suite de cette suspension, et en application de l'injonction prononcée par le juge des référés, le préfet de la Seine-Saint-Denis a délivré à M. C... le 6 octobre 2023 une autorisation provisoire de séjour. Il ressort toutefois des pièces du dossier que malgré le rejet, au fond, de la demande de
M. C..., par le jugement attaqué du 19 décembre 2023, le préfet de la
Seine-Saint-Denis a délivré une nouvelle autorisation provisoire de séjour à l'intéressé le
2 avril 2024. Cette autorisation provisoire de séjour a eu pour effet d'abroger implicitement l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. C... le
17 janvier 2023. Dès lors, les conclusions du requérant dirigées contre cette décision, ainsi que, par voie de conséquence, contre celle fixant le pays de destination, ont perdu leur objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
15. Le présent arrêt n'implique le prononcé d'aucune mesure d'injonction.
Sur les frais du litige :
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. C... demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2025.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00280