Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée ITM Alimentaire International a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du 7 janvier 2022 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités lui a infligé une amende de 19 200 000 euros en application des articlesL. 441-7 et L. 470-2 du code de commerce, et a ordonné la publication de cette décision, sous la forme d'un communiqué et pour une durée de douze mois, sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou, à titre subsidiaire, de réformer la décision du 7 janvier 2022 en réduisant l'amende à 375 000 euros ou, à titre encore plus subsidiaire, à un montant proportionné. Par un jugement n° 2205984 du 7 novembre 2023 le tribunal administratif de Paris a rejeté l'ensemble de sa demande.
Procédure devant la Cour : Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 décembre 2023, 12 juin et 11 octobre 2024 la société ITM Alimentaire International, représentée par Me Utzschneider et Me Champy, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2205984 du 7 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités en date du 7 janvier 2022 lui infligeant une amende, et ordonnant la publication de cette décision, sous la forme d'un communiqué et pour une durée de douze mois, sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier au motif que la réponse apportée par le tribunal au moyen tiré du défaut de communication de l'entièreté du dossier d'enquête de la DGCCRF est insuffisamment motivée pour permettre d'en comprendre le raisonnement, faute de mentionner les éléments marquant les étapes du raisonnement suivi par les premiers juges ; - le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit ; - le jugement attaqué est entaché de plusieurs erreurs d'appréciation des faits notamment d'erreurs dans la caractérisation des manquements et d'appréciation du caractère proportionné de la sanction ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, dans la mesure où le tribunal a inversé la charge de la preuve ; - la procédure ayant mené à la décision attaquée a méconnu le principe de loyauté de l'enquête, dès lors que l'administration a fait usage de procédés illicites en lui demandant de créer des documents qui lui sont aujourd'hui opposés et en lui posant des questionsauto-incriminantes en méconnaissance des dispositions de l'article L. 450-3 du code de commerce ; - cette procédure a méconnu le principe des droits de la défense, garanti par la Constitution, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code des relations entre le public et l'administration, dès lors que l'administration a refusé de lui communiquer l'intégralité du dossier d'enquête ; - la décision est fondée sur des dispositions législatives postérieures aux faits sanctionnés, en méconnaissance du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ; - les dispositions du 2° du I de l'article L. 441-7 du code de commerce dans leur version alors en vigueur ne pouvaient en tout état de cause être appliquées pour des services négociés dans le cadre d'accords internationaux, dans la mesure où elles ne constituent pas une loi de police et où leur champ d'application se limite aux contrats conclus en France ; - la décision attaquée repose sur des appréciations factuelles erronées ; - l'administration ne rapporte pas la preuve des manquements qui lui sont reprochés ; - l'amende est disproportionnée. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de commerce ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-452 QPC du 8 juillet 2016 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-984 QPC du 25 mars 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - les observations de Me Utzschneider et Me Patrimonio pour la société ITM Alimentaire International. Considérant ce qui suit : 1. La société ITM Alimentaire International (ci-après " ITM AI "), filiale de la société ITM Entreprises en charge de la définition de la stratégie et de la politique commerciale des enseignes Intermarché et Netto, ainsi que de la sélection et de l'approvisionnement de produits à destination des points de vente de ces enseignes en France, a fait l'objet d'une enquête menée par la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Île-de-France de juin 2018 à septembre 2020, portant en particulier sur le respect des règles de loyauté et de transparence des relations commerciales fixées par l'article L. 441-7 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019. Par un courrier du 18 février 2021, la DRIEETS d'Île-de-France a notifié à la société ITM AI un procès-verbal de constat de manquements, clos le même jour, et lui a indiqué son intention de prononcer à son encontre soixante-six amendes administratives pour un montant total de 20 400 000 euros, assorties d'une double mesure de publication, sur les sites internet de la société et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Après examen des observations formulées par la société, la DRIEETS d'Île-de-France a finalement prononcé, par une décision du 7 janvier 2022, une amende administrative d'un montant de 19 200 000 euros au titre de soixante-et-un manquements aux dispositions de l'article L. 441-7 du code de commerce, assortie d'une publication sur le site de l'administration pour une durée de douze mois. Par un jugement n° 2205984 du 7 novembre 2023 dont la société ITM Alimentaire International interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Île-de-France en date du 7 janvier 2022 précité. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". La société ITM Alimentaire International soutient que la réponse apportée par le tribunal au moyen tiré du défaut de communication de l'entièreté du dossier d'enquête de la DGCCRF est insuffisamment motivée pour permettre d'en comprendre le raisonnement, faute de mentionner les éléments marquant les étapes du raisonnement suivi par les juges. Il ressort cependant des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen précité et que les termes dans lesquels ils se sont exprimés sont suffisamment intelligibles pour permettre de saisir le sens et la portée de la réponse apportée. En outre, l'existence de la motivation ne dépend pas du bien-fondé des motifs retenus. Par suite, le moyen doit être écarté. 3. En second lieu, si la société requérante soutient que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve s'agissant de l'établissement des manquements qui lui sont reprochés et qu'ils ont commis des erreurs de droit ainsi qu'une erreur d'appréciation, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Sur le bien-fondé du jugement : 4. En premier lieu, la société ITM AI soutient que l'administration a excédé les limites de ses pouvoirs d'enquête en exigeant la création de documents pour les besoins de son enquête sur la base d'informations venant de plusieurs sources, n'existant pas sous la forme demandée et qui ont dû être collectées et renseignées dans des tableaux qui lui sont aujourd'hui opposées en méconnaissance de l'article L. 450-3 du code de commerce et du principe de loyauté dans la recherche de la preuve. Elle ajoute que le principe de loyauté qui s'impose aux autorités administratives dans le cadre de leurs enquêtes a été méconnu par les agents de la DGCCRF, qui ont eu ainsi recours à des procédés déloyaux. 5. Aux termes de l'article L. 450-1 du code de commerce : " (...) / II. - Des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'économie peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l'application des dispositions du présent livre (...) ". Aux termes de son article L. 450-3, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Les agents peuvent exiger la communication et obtenir ou prendre copie, par tout moyen et sur tout support, des livres, factures et autres documents professionnels de toute nature, entre quelques mains qu'ils se trouvent, propres à faciliter l'accomplissement de leur mission. Ils peuvent exiger la mise à leur disposition des moyens indispensables pour effectuer leurs vérifications. Ils peuvent également recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, document ou toute justification nécessaire au contrôle. / Pour le contrôle des opérations faisant appel à l'informatique, ils ont accès aux logiciels et aux données stockées ainsi qu'à la restitution en clair des informations propres à faciliter l'accomplissement de leurs missions. Ils peuvent en demander la transcription par tout traitement approprié des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle ". 6. Dans le cadre d'une enquête visant à contrôler le respect par le groupe de distribution Intermarché, et plus spécifiquement sa centrale d'achat ITM Alimentaire International, des règles de loyauté et de transparence des relations commerciales fixées par le code de commerce, et plus particulièrement l'article L. 441-7 de ce code, les agents de la DIRECCTE ont demandé à la société ITM AI, par deux courriels en date des 13 mars 2019 et 8 janvier 2020, de leur fournir, en plus de la copie des conventions annuelles signées avec ses fournisseurs, un tableau récapitulant les dates de signature convention par convention mais également de renseigner plusieurs tableaux (un tableau relatif aux relations commerciales et contractuelles avec ses fournisseurs, deux autres tableaux sur les volumes commandés par semaine depuis septembre 2016 et le nombre de points de vente diffusant chaque référence depuis septembre 2016 et enfin un tableau sur les références en arrêt de commande). 7. Il ressort des dispositions légales précitées que les agents de l'administration habilités à procéder aux enquêtes peuvent, de manière non coercitive, demander la communication de documents professionnels ainsi que de renseignements et documents nécessaires à l'accomplissement de leurs missions et que ce droit ne saurait, en lui-même, méconnaître les droits de la défense (décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016). Par ailleurs, si l'administration ne peut imposer à une entreprise une obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à l'administration d'établir la preuve, le droit de ne pas s'auto-incriminer n'implique pas le droit de faire obstacle aux pouvoirs d'enquête en retenant par devers soi des documents susceptibles de fonder sa propre mise en cause. En effet, le droit reconnu aux agents habilités d'exiger la communication d'informations et de documents tend à l'obtention non de l'aveu de la personne contrôlée, mais de documents nécessaires à la conduite de l'enquête de concurrence. Enfin, le principe de loyauté dans la conduite des enquêtes et des contrôles impose que ceux-ci se déroulent dans des conditions garantissant qu'il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes mises en cause. 8. Il résulte des mentions du procès-verbal en date du 18 février 2021 que les demandes mentionnées au point 6 s'inscrivaient dans le cadre des prérogatives dévolues à la DIRECCTE afin d'assurer l'exécution de ses missions. En outre, il apparaît que les demandes de communication étaient formulées de façon précise et portaient sur des documents dont les enquêteurs connaissaient l'existence et qu'ils étaient en mesure d'identifier, aucune pièce du dossier d'enquête ne permettant de confirmer les allégations de la société selon lesquelles les agents n'avaient pas connaissance des informations sollicitées. De plus, les documents mentionnés ci-dessus, dont les agents de l'administration ont demandé la communication, ont été évoqués par la société requérante au cours de la procédure contradictoire et ont été remis en dehors de toute contrainte. L'administration a, par ailleurs, joint à chacune de ses demandes de renseignements un cadre dans lequel la société ITM AI a pu formuler ses réponses et réserves. Dès lors, le fait de demander à la société requérante de reporter dans un tableau les dates et signatures des conventions conclues avec 154 fournisseurs, les sommes qui lui ont été rétrocédées par les sociétés AgeCore et ITM Belgique au titre de ses engagements de prestation de services envers les fournisseurs, ainsi que les données relatives aux volumes des commandes hebdomadaires des produits de fournisseurs et le nombre de points de vente les distribuant, ne saurait être assimilé à une création de documents dans la mesure où la société disposait de l'ensemble des informations sollicitées, qui ne constituaient que des données purement factuelles et auxquelles l'administration avait légalement accès. Par ailleurs, la demande présentée en application des dispositions de l'article L. 450-3 du code de commerce peut nécessiter un retraitement de l'information par l'entreprise pour la rendre accessible et lisible par les enquêteurs. En outre, la société est tenue de répondre de manière diligente, complète et exacte à toute demande d'informations des services en fournissant tous les renseignements demandés en sa possession, même si ces renseignements peuvent être obtenus d'une autre manière par les services. Ainsi, la seule circonstance que les tableaux demandés n'existaient pas à la date des demandes et que certaines des informations qu'elle a fournies au service aient ensuite été utilisées pour fonder la décision litigieuse sont sans incidence sur la régularité de la procédure de sanction. Dans ces conditions, la société ITM AI n'est pas fondée à soutenir que la sanction en litige a été prise en méconnaissance des droits de la défense et des principes de loyauté dans la recherche des preuves et de non-incrimination En outre, contrairement à ce que soutient la société et pour les mêmes motifs, les principes posés par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont en tout état de cause pas été méconnus. 9. En deuxième lieu, la société ITM AI soutient qu'en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense, garantis notamment par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par le code des relations entre le public et l'administration, l'administration a refusé de lui communiquer l'intégralité des documents auxquels les pièces communiquées font elles-mêmes référence, notamment ceux figurant en annexe aux procès-verbaux d'audition des fournisseurs entendus dans le cadre de l'enquête. 10. Tout d'abord, ni la Constitution, ni la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du code de commerce et du code des relations entre le public et l'administration, ni le principe général des droits de la défense n'impliquent que soit communiquée à la personne intéressée l'intégralité du dossier établi dans le cadre d'une procédure répressive administrative débouchant sur une sanction de même nature. Le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. 11. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, par un courriel en date du 30 mars 2021, la société Intermarché Alimentaire International a sollicité la communication de l'intégralité des pièces constituant le dossier d'enquête. En réponse, par un courriel en date du 2 avril 2021, l'administration a avisé la société que la clé USB qui accompagnait le courrier du 18 février 2021 l'informant qu'elle était susceptible de se voir infliger une amende d'un montant de 20 040 000 euros pour non-respect des règles de formalisme des conventions annuelles contenait déjà l'ensemble des pièces du dossier au vu desquelles les manquements ont été retenus notamment les pièces établissant pour les années 2017 à 2019 que les fournisseurs mentionnés par la décision attaquée ont bénéficié de services de coopération commerciale en France dans le réseau de points de vente Intermarché, ainsi que celles établissant pour chacun des fournisseurs cités par la décision le paiement pour ces services des sommes reversées par AgeCore à ITM AI mais également les contrats au vu desquels les manquements aux règles fixées par l'article L. 441-7 du code de commerce ont été retenus, lesquels contrats ne mentionnent ni les sommes versées par les fournisseurs, ni les services que ces sommes viennent financer et enfin divers documents qui ne fondent pas les manquements sanctionnés mais qui permettent de contextualiser les éléments décrits dans le procès-verbal de manquement clos le 18 février 2021. Si ces pièces complémentaires renvoient aux procès-verbaux d'audition des fournisseurs entendus dans le cadre de l'enquête, il n'apparaît pas que les documents comporteraient des éléments dont la société requérante n'aurait pas eu connaissance par les autres pièces communiquées et des éléments autres que ceux rappelés dans le procès-verbal, dont les manquements qu'ils relèvent ont été retenus pour fonder la sanction en litige. La société ITM AI qui a eu connaissance des griefs qui lui étaient reprochés et des éléments qui motivaient la sanction administrative envisagée, a ainsi pu prendre connaissance des pièces utiles à sa défense et a été mise en mesure d'en contester le contenu. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à se plaindre du caractère incomplet du dossier qui lui a été transmis et, par voie de conséquence, à soutenir que le principe des droits de la défense a été méconnu. 12. En troisième lieu, la société ITM AI soutient que c'est en méconnaissance des principes de légalité des délits et des peines et de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères que l'administration l'a sanctionnée. Elle relève qu'à l'époque des faits, il n'existait pas de textes permettant de la poursuivre pour les prétendus manquements qui lui sont reprochés et considère que l'administration lui a appliqué rétroactivement les dispositions du 4° de l'article L. 441-3 du code de commerce issues de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique qui imposent de nouvelles obligations aux distributeurs en matière de formalisme contractuel avec les fournisseurs pour sanctionner des faits antérieurs à cette loi. Elle fait également valoir que l'administration ne pouvait lui appliquer les dispositions de l'article L. 441-7, I, 2° du code de commerce au motif que ces dispositions ne concernent que les services de coopération commerciale convenus dans le cadre des négociations commerciales nationales annuelles entre le fournisseur et le distributeur ayant pour finalité la fixation du prix convenu avant la date butoir du 1er mars, et non les accords internationaux conclus par des entités situées à l'étranger. 13. Aux termes de l'article L. 441-7 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur du 11 mars 2017 au 26 avril 2019 : I. - Une convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties, dans le respect des articles L. 441-6 et L. 442-6, en vue de fixer le prix à l'issue de la négociation commerciale. Elle indique le barème de prix tel qu'il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses conditions générales de vente, ou les modalités de consultation de ce barème dans la version ayant servi de base à la négociation. Etablie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre annuel et des contrats d'application, elle fixe : (...) 2° Les conditions dans lesquelles le distributeur ou le prestataire de services rend au fournisseur, à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d'achat et de vente, en précisant l'objet, la date prévue, les modalités d'exécution, la rémunération des obligations ainsi que les produits ou services auxquels elles se rapportent ; (...) II. - Le fait de ne pas pouvoir justifier avoir conclu dans les délais prévus une convention satisfaisant aux exigences du I est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 470-2. Le maximum de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ".
14. Il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de constatation précité que la société de droit Suisse AgeCore et la société de droit belge ITM Belgique ont signé, pour le compte de la société ITM AI, avec ses fournisseurs ou leurs sociétés mères, en préalable à la conclusion des contrats-cadres annuels prévues à l'article L. 441-7 du code de commerce, des accords de coopération à l'achat dans lesquels sont contractualisées les contreparties proposées par la société ITM AI à ses fournisseurs à l'occasion de la commercialisation des produits de fournisseurs dans les points de vente du groupe Intermarché situés sur le territoire national, qui consistent essentiellement en des opérations de promotion des produits comme mise en avant ou la publicité sur les lieux de vente ou dans les prospectus ainsi que le niveau de rémunération. Or, les contrats-cadres annuels conclus entre les fournisseurs et les distributeurs s'appliquent à tous les opérateurs exerçant leur activité sur le marché français et ces derniers doivent obligatoirement inclure les services propres à favoriser la commercialisation des produits, qu'ils soient ou non effectivement rendus par le distributeur à ses fournisseurs sur le territoire national. Enfin, les dispositions du code de commerce n'imposent pas que la négociation et la conclusion d'un accord aux fins de définir notamment les services de coopération commerciale aient lieu en France. 15. A cet égard, l'administration produit l'ensemble des conventions annuelles pour lesquelles la société ITM AI a été sanctionnée, à l'exception de celles concernant Barilla et Foods International, où ne figurent aucune mention des conditions financières des services de coopération commerciale, ainsi que les factures sur le fondement desquelles la société s'est vu reverser les sommes payées par ses fournisseurs à ces deux centrales, faute pour l'administration de disposer de l'intégralité des accords signés par les fournisseurs ou leurs maisons-mères avec AgeCore et/ou ITM Belgique. Par ailleurs, si comme le soutient la société requérante, il existe des discordances ou différences entre les personnes morales représentant les fournisseurs, d'une part lors de la conclusion d'accords avec les sociétés AgeCore et/ou ITM Belgique, d'autre part lors de la conclusion des conventions annuelles avec la société ITM AI, cette circonstance est sans incidence sur la détermination de l'identité du fournisseur telle que définie par l'article L. 441-7 du code de commerce, dès lors qu'il ressort de l'enquête administrative, comme il a été indiqué, que les engagements financiers résultant des contrats conclus avec les sociétés AgeCore et ITM Belgique sont refacturés, pour ce qui concerne les services visant à favoriser leurs ventes sur le territoire français, auprès de leurs filiales françaises, et sont pris en compte dans les coûts de commercialisation de ces produits sur le territoire français, auprès des distributeurs français. Il résulte de ce qui précède, et alors que la société ne conteste pas avoir contracté ces accords de coopération commerciale, que les conditions dans lesquelles le distributeur rend au fournisseur, à l'occasion de la revente de ses produits, des services de coopération commerciale, devaient figurer dans la convention annuelle prévue par les dispositions de l'article L. 441-7 du code de commerce. 16. En quatrième lieu, la société ITM AI soutient que l'administration n'a pas rapporté la preuve des manquements qui lui sont reprochés fournisseur par fournisseur. 17. Il ressort des termes de la décision attaquée et du procès-verbal en date du 18 février 2021 que l'administration a sanctionné la société ITM AI pour ne pas avoir indiqué, soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par le contrat-cadre annuel et des contrats d'application conclus avec ses fournisseurs, toutes les obligations auxquelles les parties se sont engagées en vue de fixer les prix en méconnaissance des dispositions de l'article L 441-7 du code de commerce et plus particulièrement celles relatives aux services de coopération commerciale négociés. La société ITM Alimentaire International a négocié et contractualisé avec ses fournisseurs par l'intermédiaire des entités Agecore et ITM AB dans le cadre de contrats conclus à l'échelle internationale, des services de coopération commerciale en vue de leur exécution sur le marché français dont ni le contenu, ni la rémunération n'étaient mentionnés dans les contrats nationaux. En l'espèce, les éléments mentionnés au point 15 et plus particulièrement les factures sur le fondement desquelles la société ATM AI s'est vu reverser les sommes payées par ses fournisseurs à AgeCore et ITM AI permettent, contrairement aux allégations de la société requérante, d'établir la matérialité des manquements constatés par l'administration nonobstant la circonstance que cette dernière ne produise que six contrats signés par les sociétés AgeCore et ITM AB, une seule fiche de suivi des services et qu'aient été établis seulement vingt-sept procès-verbaux de déclarations sur les soixante-et-un fournisseurs ainsi que la contractualisation, ces éléments n'ayant pas servi à caractériser les manquements mais à comprendre le schéma suivi par la société dans ses relations commerciales avec ses fournisseurs. Par suite, le moyen doit être écarté. 18. En dernier lieu, pour la détermination du montant de l'amende, l'administration est fondée à prendre en considération la nécessité de garantir à celle-ci un effet suffisamment dissuasif. Elle doit à cet effet prendre en considération la gravité du comportement reproché à la société mise en cause à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, de la valeur des engagements de la société ITM AI absents des conventions-cadres annuelles, et plus généralement, de ses conséquences sur l'ordre public économique, que l'administration a pour mission de préserver. Il résulte à cet égard de l'instruction que la valeur totale de ces services s'élevait à près de 290 000 000 euros en 2018 et 210 000 000 euros en 2017 et que ces engagements étaient reconductibles d'année en année. Par ailleurs, l'administration n'a retenu qu'un seul manquement par fournisseur, et ce, alors même qu'il y a, le plus souvent, plusieurs conventions conclues par la société ITM AI avec le même fournisseur, et qu'aucune de ces conventions ne respectait les prescriptions de l'article L. 441-7 du code de commerce, de sorte que l'administration aurait pu retenir autant de manquements que de contrats non conformes. De plus, elle a modulé le montant des amendes en fonction des sommes versées aux entités AgeCore et ITM Belgique. Pareillement, la société requérante ne peut utilement faire valoir qu'elle aurait été sanctionnée plus sévèrement que d'autres entreprises, le montant de l'amende infligée par l'administration au titre des dispositions de l'article L. 441-7 du code commerce étant déterminé en fonction de la situation propre à chaque entreprise contrôlée. Dès lors, eu égard au caractère répété des manquements constatés, l'application cumulative des différentes amendes infligées pour un montant total de 19 200 000 euros n'a pas pour effet de les rendre disproportionnées. 19. Il résulte de tout ce qui précède que la société ITM AI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent dès lors être rejetées, ainsi que, pour les mêmes motifs et en tout état de cause, ses conclusions tendant à la réduction du montant total des sanctions qui lui ont été infligées et au retrait du communiqué publié sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société ITM AI demande au titre des frais qu'elle a exposés. D E C I D E : Article 1er : La requête de la société ITM Alimentaire International est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée ITM Alimentaire International et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Délibéré après l'audience du 11 avril 2025, à laquelle siégeaient :- M. Lemaire, président assesseur,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 30 avril 2025. La rapporteure,S. BOIZOTLe président,O. LEMAIRELa greffière,E. LUCELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA05349 2