Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 90 000 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification de sa demande préalable. Par un jugement n° 2103292 du 8 juin 2023 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juillet 2023 et 16 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Mairat, puis Me Guenezan, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2103292 du 8 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 45 000 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi, du fait d'une situation de harcèlement moral ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens. Elle soutient que : - l'Etat est responsable des fautes commises par l'administration à son égard, toute illégalité fautive étant de nature à engager la responsabilité de l'Etat dès lors qu'elle génère un préjudice direct et certain ; - elle a été contrainte de saisir le tribunal à plusieurs reprises pour que celui-ci annule les décisions illégales prises à son encontre et qui ne lui ont pas permis de travailler dans des conditions normales et ont eu des effets sur sa vie privée ; - les agissements de l'administration lui ont causé un préjudice moral ainsi que des troubles dans les conditions d'existence qu'il convient d'indemniser à hauteur de 20 000 euros ; - les agissements de l'administration lui ont causé un préjudice matériel qu'il convient d'indemniser à hauteur de 25 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Chenet, substituant Me Guenezan, pour Mme A....
Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., gardienne de la paix affectée à l'unité des transmissions et des diffusions (UTD) de l'état-major de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP) de la préfecture de police, était précédemment affectée, du 1er mars 2012 au 3 mai 2015, au sein du groupe 2 de nuit du service local de transmission (SLT) du commissariat central du 4ème arrondissement de Paris, en qualité d'adjointe au chef de l'unité d'appui de proximité. Par un courrier du 6 mars 2018, Mme A... a sollicité l'octroi de la protection fonctionnelle. Cette demande a été implicitement rejetée le 6 mai 2018. Par une demande préalable du 28 octobre 2020, Mme A... a demandé à l'État de l'indemniser, à hauteur de 90 000 euros, des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral. Cette demande a été implicitement rejetée. Par un jugement n° 2103292 du 8 juin 2023 dont elle interjette appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de faits de harcèlement moral. Sur les conclusions indemnitaires : 2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (....) ". 3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 4. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 5. Il résulte des dispositions précitées que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de l'agent, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
6. Pour établir la réalité du harcèlement dont elle dit avoir été l'objet, Mme A... invoque plusieurs faits et agissements destinés, selon elle, à dégrader ses conditions de travail. Elle indique également que ces agissements ont eu des répercussions importantes sur son état de santé. 7. En premier lieu, Mme A... soutient que sa supérieure hiérarchique directe aurait tenu des propos déplacés à son encontre. Il résulte de l'instruction, et notamment des retranscriptions des messages échangés entre la requérante et sa supérieure hiérarchique annexées à l'enquête administrative diligentée à l'encontre du groupe nuit n° 1 du SLT n° 4 en réponse au rapport transmis par la requérante à sa hiérarchie, où elle dénonçait des irrégularités commises au sein de son service d'affectation qui auraient permis à certains agents de bénéficier de l'octroi de jours de congés de manière irrégulière mais également la consommation de cigarettes et d'alcool dans le service pendant le temps de travail, que sa responsable d'unité a reconnu avoir parfois tenu " des réflexions déplacées ou parfois vexantes " à l'encontre de Mme A... et indiqué lui avoir présenté des excuses qu'elle a acceptées. Par ailleurs, il ressort de la lecture de l'ensemble des messages échangés entre la requérante et sa supérieure directe que les relations entre les deux intéressées étaient cordiales et ce jusqu'au mois de janvier 2015 mais qu'une dégradation s'est produite lorsque la supérieure hiérarchique de la requérante a souhaité mettre fin à l'absence de décompte des jours de congés sur GEOPOL. Enfin, si Mme A... fait valoir qu'en dépit de son changement d'affectation, son ancienne responsable d'unité aurait continué à l'invectiver de manière régulière, elle ne le démontre pas. Dans ces conditions, cet incident isolé ne révèle ni que Mme A... était couramment victime de propos dénigrants, ni que sa hiérarchie a toléré pareils agissements, l'administration ayant pris en compte la situation conflictuelle existant entre ces deux agents en accordant à Mme A... la mutation sollicitée le 17 mars 2015 à compter du mois de mai 2015. 8. En deuxième lieu, Mme A... fait valoir qu'après son retour de congé de maternité, l'administration a multiplié les agissements contraires à ses intérêts en adoptant à son endroit plusieurs sanctions disciplinaires déguisées. 9. D'une part, si le blâme qui lui a été infligé le 24 novembre 2016 a été annulé par le tribunal administratif de Paris par un jugement n° 1702322 en date du 21 juin 2018 au motif qu'il avait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, l'intéressée n'ayant pas reçu communication de l'intégralité de son dossier personnel, en méconnaissance des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il n'en demeure pas que la sanction était justifiée. Mme A... a, en effet, reconnu, lors de l'enquête administrative, avoir bénéficié de 16 jours de repos non décomptés pour la période d'août 2014 à janvier 2015. Si l'intéressée a précisé, au cours de l'enquête administrative, qu'elle aurait été contrainte de les accepter au regard de la pression morale et psychologique exercée par les autres membres de l'unité, les pièces produites, en particulier celles annexées à l'enquête, ne démontrent pas l'existence d'une telle pression. De même, la requérante n'apporte aucun élément permettant de démontrer que l'effacement tardif du blâme de son dossier personnel aurait obéré ses chances d'avancement. Il résulte à cet égard de l'instruction, et notamment du rapport de non proposition au grade de brigadier de police pour l'année 2019, que cette absence de proposition est la conséquence, d'une part, de ses absences multiples, qui ont désorganisé le service, ainsi que de son absence de prise en compte de l'intérêt du service lors de la prise de ses congés et, d'autre part, de la procédure disciplinaire dont elle a fait l'objet en 2016 dont la matérialité des faits reprochés est établie comme il a été indiqué ci-dessus, Mme A... ne démontrant pas au demeurant qu'elle possédait l'ensemble des connaissances nécessaires pour pouvoir utilement accéder au grade supérieur, alors même qu'elle remplissait les conditions d'ancienneté. Ainsi, l'illégalité du refus d'avancement, non établie, ainsi qu'il a été dit, n'est pas davantage de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 10. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'enquête administrative précité, que diverses tensions perturbaient les relations de travail et le bon fonctionnement du groupe 2 de nuit du service local de transmission du commissariat central du 4ème arrondissement de Paris à la suite des dénonciations de Mme A... sur l'organisation interne de cette unité, ce qui a conduit sa hiérarchie, pour préserver le bon fonctionnement du service, à l'affecter, le 2 août 2017, à la brigade de jour de l'unité des transmissions et diffusions. S'il est vrai que cette mesure a été irrégulièrement prise le 2 août 2017, en l'absence de notification d'une décision écrite et motivée, et qu'elle a été annulée pour ce motif par un jugement n° 1715280 du 12 septembre 2019, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à établir, dès lors que la mesure est intervenue dans le contexte de dégradation du fonctionnement du service, l'existence d'une situation de harcèlement moral, nonobstant le délai pris par l'administration pour exécuter ce jugement et réaffecter l'intéressée au service de nuit de l'unité des transmissions et diffusions. 11. Enfin, si la notation pour l'année 2015 a été annulée par le tribunal administratif de Paris par un jugement n° 1603713 du 25 avril 2017, au motif que la notice de renseignements et appréciations de Mme A... avait été établie à l'issue d'une procédure irrégulière, l'intéressée n'ayant pas bénéficié d'un entretien préalable, il n'est pas contesté que la procédure liée à sa notation a été reprise avec le même niveau de note et les mêmes appréciations. 12. En troisième lieu, si la requérante allègue avoir fait l'objet de multiples humiliations et d'une dévalorisation professionnelle, elle n'apporte aucun élément de nature à l'établir. Mme A... affirme notamment, sans toutefois le démontrer, que le commandant B... aurait refusé de lui parler et qu'elle aurait été victime d'un isolement de la part de son entourage professionnel. A cet égard, il ressort de l'enquête administrative que la requérante a choisi elle-même de s'isoler de son entourage professionnel. En outre, la seule circonstance qu'elle se soit sentie dévalorisée dans son exercice professionnel n'est pas, à elle seule, de nature à démontrer une dégradation des conditions de travail et, par suite, à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 13. De même, les tensions rapportées par Mme A... relatives à l'utilisation de cigarettes électroniques dans les locaux du commissariat central du 4ème arrondissement, ou encore liées à la consommation d'alcool de certains collègues lors du service, ne sauraient faire présumer une situation de harcèlement moral à son encontre. 14. Si Mme A... soutient que l'administration s'est abstenue de toute diligence pour assurer sa protection et que sa hiérarchie cherche toujours à lui nuire, il est constant que l'administration a diligenté une enquête administrative afin de vérifier la véracité de ses dénonciations et a sanctionné les manquements constatés, qu'elle a obtenu dès le mois de mai 2015 sa mutation et que sa hiérarchie a émis un avis favorable à l'ensemble de ses demandes de mutation. De même, si l'intéressée insiste sur l'opposition de son administration à lui transmettre la fiche de déclaration de blessure que doivent solliciter les fonctionnaires de leur hiérarchie pour obtenir la reconnaissance du caractère professionnel d'un accident, il résulte de l'instruction que sa hiérarchie s'est contentée de lui indiquer la démarche à suivre pour déposer un dossier de reconnaissance d'imputabilité au service d'une maladie en l'invitant à se rapprocher du service médical afin d'obtenir les pièces nécessaires à la constitution du dossier et a reconnu imputable au service sa maladie le 3 juin 2020. De même, la seule circonstance que la maladie dépressive affectant Mme A... ait été reconnue imputable au service n'est pas à elle seule de nature à accréditer son affirmation qu'elle a été victime d'une série d'agissements de harcèlement moral. 15. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les refus opposés à ses demandes d'absence ou de congés aient revêtu un caractère systématique ou aient été pris pour des motifs étrangers à l'intérêt du service. Ainsi, il n'apparaît pas que Mme A... aurait été, à ces occasions, victime d'un comportement vexatoire et que ces refus auraient excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. De même, le refus de lui accorder la protection fonctionnelle était justifié, aucun des éléments présentés par Mme A... n'étant susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 16. Dans ces conditions, Mme A... ne peut être regardée comme apportant les éléments de fait susceptibles de faire présumer que les actes et faits reprochés constitueraient des agissements répétés de harcèlement moral. 17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur les dépens : 18. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions présentées par Mme A... en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.Délibéré après l'audience du 11 avril 2025, à laquelle siégeaient :- M. Lemaire, président assesseur,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 30 avril 2025. La rapporteure,S. BOIZOTLe président,O. LEMAIRELa greffière,E. LUCELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA03431 2