Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Aquind Limited a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 octobre 2019 du ministère de la transition écologique et solidaire portant refus de donner approbation à la réinscription de son projet d'interconnexion sur la liste des projets d'intérêt commun (PIC) annexée au règlement UE n° 347/2013 du 17 avril 2013, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par un jugement avant-dire-droit du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Paris, statuant sur la demande présentée par la société Aquind Limited, a décidé de surseoir à statuer, dans l'attente de la production par le ministère de la transition écologique de sa décision de refus d'approbation du 4 octobre 2019 et, à supposer que cette décision soit seulement orale, de la communication des motifs de celle-ci et le cas échéant tous documents relatifs au projet de la société Aquind Limited transmis à la Commission européenne dans le cadre ou en vue de la réunion du 4 octobre 2019, ainsi que les minutes de cette réunion rédigées ou traduites en langue française, en tant qu'elles concernent le projet Aquind Limited. Par un jugement n° 2013204 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Aquind Limited. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 juin 2023 et 8 octobre 2024, la société Aquind Limited, représentée par Me Savoie, Me Aubert et Me Dezobry, puis par Me Savoie, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2013204 en date du 13 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 4 octobre 2019 du ministre de la transition écologique et solidaire refusant de donner approbation à la réinscription de son projet d'interconnexion sur la liste des projets d'intérêt commun, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux ; 2°) d'annuler ces décisions ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Aquind Limited soutient que : - le jugement est entachée de plusieurs erreurs de droit et d'une contradiction de motifs ; - le jugement est insuffisamment motivé ; - la décision du 4 octobre 2019 est entachée d'un défaut de motivation ; - elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation de la conformité du projet aux critères de qualification de PIC ; - elle méconnaît le principe d'égalité, en l'absence d'une différence de situation entre son projet et les autres projets figurant toujours sur la liste des PIC ; en tout état de cause, la différence de traitement subie est sans rapport avec l'objet de la réglementation européenne concernant les PIC et elle est manifestement disproportionnée ; - elle est constitutive d'un détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2024, le ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Par un mémoire en intervention, enregistré le 24 juin 2024, la commission de régulation de l'énergie conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 347/2013 du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Savoie pour la société Aquind Limited. Considérant ce qui suit : 1. La société Aquind Limited a pour projet d'établir une nouvelle connexion électrique en courant continu à haute tension entre la France et le Royaume-Uni. Ce projet d'interconnexion a été retenu par le règlement (UE) n° 2018/540 de la Commission européenne comme projet d'intérêt commun (PIC), figurant ainsi sur la liste des PIC sous le numéro 1.7.4 au sein du corridor prioritaire " Réseau énergétique des mers septentrionales " (REMS) et du domaine thématique prioritaire " Autoroutes de l'électricité ", en application du règlement (UE) n° 347/2013 du 17 avril 2013. Deux ans plus tard, à la suite de la révision de la liste des PIC par le règlement délégué (UE) n° 2020/389 de la Commission européenne du 31 octobre 2019, le projet présenté par la société Aquind Limited n'a pas été réinscrit sur cette liste. Par un courrier du 20 février 2020, la Commission européenne a indiqué à la société Aquind Limited que cette décision faisait suite au refus de l'Etat français, lors de la réunion des organes de décision du 4 octobre 2019, de donner approbation à la réinscription de son projet d'interconnexion sur la liste des PIC. Par un courrier du 4 décembre 2019, réceptionné le 5 décembre suivant et resté sans réponse, la société Aquind Limited a sollicité auprès du ministère de la transition écologique et solidaire le retrait de cette décision. En parallèle, les sociétés Aquind Limited, Aquind SAS et Aquind Energy ont demandé l'annulation du règlement délégué (UE) n° 2020/389 de la Commission du 31 octobre 2019 modifiant le règlement (UE) n° 347/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la liste des PIC. Le Tribunal de l'Union européenne a rejeté cette demande par une décision du 8 février 2023. Devant le tribunal administratif de Paris, la société Aquind Limited a demandé l'annulation de la décision du ministère de la transition écologique du 4 octobre 2019, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement du 13 avril 2023 dont la société Aquind Limited interjette appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 3. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés à l'appui des moyens soulevés, a suffisamment répondu aux moyens de la société Aquind Limited. 4. En second lieu, la circonstance, à la supposer établie, que le tribunal ait commis des erreurs de droit ou ait entaché d'une contradiction les motifs de son jugement est par elle-même sans incidence sur la régularité de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 5. En premier lieu, la société Aquind Limited soutient que la décision attaquée est entachée d'un vice de forme tenant à l`'insuffisance de sa motivation au regard des dispositions de l'article 3, paragraphe 3, a) du règlement (UE) n° 347/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes. 6. Aux termes de l'article 172 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Les orientations et projets d'intérêt commun qui concernent le territoire d'un État membre requièrent l'approbation de l'Etat membre concerné ". Aux termes de l'article 3 du règlement du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes, dit A... : " Lorsqu'un groupe dresse sa liste régionale : a) chaque proposition individuelle de projet d'intérêt commun requiert l'approbation des Etats membres dont le territoire est concerné par le projet ; si un Etat membre refuse de donner son approbation, il présente les motifs de ce refus au groupe concerné ". 7. Il résulte des dispositions précitées qu'en cas de refus d'un projet soumis au groupe, l'Etat membre présente les motifs de refus au groupe concerné et l'organe de décision du groupe peut examiner, à la demande d'un Etat membre du groupe, les motivations avancées par un Etat membre en vertu de l'article 3, paragraphe 3, pour justifier son refus d'approuver un projet d'intérêt commun concernant son territoire. Les motifs du refus n'ont pas à être notifiés à la société dont le projet n'est pas retenu pour figurer dans la liste des PIC. 8. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la minute de la réunion du 4 octobre 2019 que la France a motivé son refus auprès du groupe régional, conformément aux dispositions précitées de l'article 3 du règlement du 17 avril 2013, par l'existence d'un risque de surcapacité en raison de l'existence de plusieurs projets dans la même région et par le fait que le projet d'interconnexion Aquind était considéré comme le projet le plus incertain. Les motifs de ce refus ont été communiqués à la société Aquind Limited, avant la publication des réserves exprimées par la France sur le projet d'interconnexion Aquind par un courriel émanant de la Commission en date du 11 juillet 2019 où il lui a été suggéré de prendre attache avec l'administration française afin d'obtenir de plus amples détails. Par ailleurs, il résulte des motifs de l'arrêt T-295/20 Aquind LTD e. a. contre Commission européenne du 8 février 2023 que la société requérante a également pris connaissance le jour même de la réunion du 5 décembre 2019 de la réponse apportée par le membre de la Commission chargé de l'énergie à une question posée par deux membres du Parlement ressortissants du Royaume-Uni relative aux motifs du retrait du projet d'interconnexion Aquind de la liste des PIC de l'Union dans laquelle il a été indiqué, premièrement, que la France considérait que les quatre projets reliant le Royaume-Uni et la France entraîneraient une surcapacité, deuxièmement, qu'elle estimait que le projet d'interconnexion Aquind était le projet le plus incertain et, troisièmement, que la France avait demandé de ce fait que le projet en cause ne figure pas sur la nouvelle liste des PIC. A cette occasion, le membre de la Commission chargé de l'énergie a précisé que les États membres avaient le droit d'approuver les projets qui concernaient leur territoire et que la Commission était tenue de respecter ce droit. En outre, en réponse à une question écrite du Tribunal dans l'instance précité, la société a indiqué que, en réponse à leur courrier du 24 octobre 2019, le directeur général adjoint de la direction générale (DG) "'Énergie'" de la Commission lui a indiqué, par un courrier du 20 février 2020, d'une part, que la Commission n'était pas habilitée à inclure des projets dans la liste des PIC de l'Union après que les décisions des groupes régionaux aient été prises, et, d'autre part, que la France avait émis une objection à l'encontre du projet d'interconnexion Aquind. 9. En outre, il ressort des pièces du dossier que la Commission a satisfait à son obligation de motivation en mentionnant le refus de la France de donner son approbation à l'inscription du projet d'interconnexion Aquind sur la liste des PIC de l'Union. Il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir demandé à la France des explications supplémentaires sur les motifs dudit refus, au regard des dispositions de l'article 3, paragraphe 3, second alinéa, sous a), et de l'annexe III, partie 2, point 10, du règlement no 347/2013 mentionnées précédemment, celle-ci ne pouvant interférer, d'une quelconque façon, sur les motifs avancés par la République française. Enfin, l'insuffisance de motivation ne doit pas se confondre avec le bien-fondé des motifs. 10. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société Aquind Limlited, l'inscription d'un projet sur la liste des PIC ne constitue ni une autorisation, ni un avantage dont l'attribution constituerait un droit pour les entreprises candidates au sens des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, tel que cela ressort des dispositions de l'article 3, § 4 du règlement (UE) n° 347/2013 précité, qui précise que la Commission est habilitée à adopter des actes délégués fixant la liste des PIC de l'Union et prévoit que cette liste doit être mise à jour tous les deux ans, sur la base des listes adoptées par les groupes régionaux institués par le règlement. Enfin, la décision du 4 octobre 2019 du ministère de la transition écologique et solidaire portant refus de donner approbation à la réinscription de son projet d'interconnexion sur la liste des projets d'intérêt commun (PIC) annexée au règlement UE n° 347/2013 du 17 avril 2013 n'appartient à aucune autre catégorie d'actes qui doivent être motivés en vertu de ces dispositions ou d'un autre texte. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée n'est pas motivée doit par suite être écarté. 11. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement du 17 avril 2013 : " La Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l'article 16, qui fixe la liste des projets d'intérêt commun de l'Union (...). Dans l'exercice de ses compétences, la Commission veille à ce que la liste de l'Union soit dressée tous les deux ans, sur la base des listes régionales adoptées par les organes de décision des groupes (...) ". Aux termes de l'article 4 du règlement du 17 avril 2013 : " 1. Les projets d'intérêt commun satisfont aux critères généraux suivants : a) le projet est nécessaire au minimum à l'un des corridors ou domaines prioritaires en matière d'infrastructures énergétiques ; b) les avantages globaux potentiels du projet évalués conformément aux critères spécifiques respectifs du paragraphe 2 l'emportent sur les coûts qu'il représente, y compris à long terme ; et c) le projet satisfait à l'un des critères suivants : i) il concerne au minimum deux Etats membres en traversant directement la frontière de deux ou plusieurs Etats membres ; ii) il est situé sur le territoire d'un Etat membre et a une incidence transfrontalière importante, comme il est énoncé à l'annexe IV, point 1) ; iii) il traverse au minimum la frontière d'un Etat membre et d'un Etat de l'Espace économique européen ". 12. La société Aquind Limited soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'application de la qualification de PIC au projet Aquind. Elle fait valoir que, lors de son inscription sur la liste des PIC en 2017, il a nécessairement été admis que celui-ci remplissait l'ensemble de ces conditions définies à l'article 4, paragraphe 1, du règlement A.... Aucune modification dans les circonstances de droit ou de fait affectant spécifiquement le projet n'étant intervenue, l'appréciation portée sur le projet n'aurait pas dû être modifiée. 13. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article 3 du règlement du 17 avril 2013 que la liste est révisée tous les deux ans. Par conséquent, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'il existerait une garantie de réinscription, dès lors que le projet remplissait lors de son inscription en 2017 les critères définis à l'article 4 du règlement précité. Par ailleurs, en application des dispositions de l'article 172, alinéa 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les orientations et projets d'intérêt commun qui concernent le territoire d'un Etat membre requièrent l'approbation de l'Etat membre concerné qui dispose, par conséquent, d'un pouvoir discrétionnaire pour accorder ou refuser son approbation à l'inscription d'un projet sur la liste des PIC de l'Union. En outre, il ne ressort pas de l'article 3, paragraphe 3, second alinéa, sous a), du règlement no 347/2013, ni d'autres dispositions du même règlement, que les "'motifs'" sur le fondement desquels l'Etat membre peut refuser de donner son approbation seraient limités aux cas dans lesquels est constatée une absence de conformité à ce règlement ou au droit de l'Union en général. 14. D'autre part, selon le point 1 de l'annexe II au règlement RTE relative à la procédure d'établissement des listes régionales, les promoteurs de projets éventuellement susceptibles d'être sélectionnés en tant que projets d'intérêt commun désireux d'obtenir la qualité de projets d'intérêt commun soumettent au groupe une demande de sélection en tant que projet d'intérêt commun qui comprend notamment une évaluation de la contribution apportée par leurs projets à la mise en œuvre des priorités prévues à l'annexe I, une analyse du respect des critères pertinents définis à l'article 4, pour les projets ayant atteint un degré de maturité su'sant, mais également une analyse des coûts et avantages spécifiques du projet conformément aux articles 21 et 22, fondée sur les méthodologies développées par le REGRT pour l'électricité et le REGRT pour le gaz en vertu de l'article 11, ainsi que toute autre information utile pour l'évaluation du projet. Le point 7 de cette même annexe précise que pour les propositions de projets relevant des catégories prévues à l'annexe II, points 1) et 2), les autorités de régulation nationales et, si nécessaire, l'Agence, s'assurent, si possible dans le cadre de la coopération régionale (article 6 de la directive 2009/72/CE, article 7 de la directive 2009/73/CE), de l'application homogène des critères / de la méthodologie d'analyse des coûts et avantages et évaluent l'importance de leur dimension transfrontalière et présentent leur évaluation au groupe. 15. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier que les perspectives d'évolution économique du projet Aquind se sont considérablement détériorées entre 2016 et 2018 comme en atteste la délibération publiée par la commission de régulation de l'énergie, le 11 juillet 2019, portant communication sur l'évaluation de la capacité d'interconnexion électrique optimale et sur les nouveaux projets d'interconnexion avec le Royaume-Uni qui a été établie sur la base d'une étude réalisée par un cabinet de conseil dont la mission était de déterminer le niveau d'interconnexion électrique entre la France et le Royaume-Uni pertinent du point de vue de la collectivité, c'est-à-dire pour lequel les bénéfices de la dernière interconnexion construite dépassent les coûts associés à cette interconnexion. Il ressort de cette étude que, si par le passé, les projets d'interconnexion avec le Royaume-Uni semblaient porteurs de bénéfices importants pour la collectivité, la multiplication des projets et la mise à jour des scenarios prospectifs conduisent à revoir cette analyse. Il est, en effet, apparu que les bénéfices apportés par les projets actuellement à l'étude ne sont pas suffisants pour justifier de nouveaux investissements au-delà des projets déjà en construction, et ce alors même que les conséquences potentielles négatives du Brexit sur la valeur des interconnexions n'ont pas été prises en compte lors de la réalisation de cette étude, les bénéfices se sont révélés inférieurs aux coûts liés à la construction, à l'exploitation et la maintenance. 16. Par ailleurs, s'agissant du second motif retenu par la France à savoir l'absence de maturité du projet, il ressort des pièces du dossier et notamment des courriers en date des 16 août 2018 et 12 juillet 2019 émanant du ministère de la transition écologique et solidaire à la suite de l'envoi par la société Aquind Limited d'un dossier de notification officielle du projet de création d'une interconnexion électrique souterraine et sous-marine en courant continu entre la France et la Grande Bretagne en application des dispositions de l'article 10 du règlement RTE, que la société Aquind Limited n'a pas présenté de volet économique permettant d'évaluer sérieusement les bénéfices de l'interconnexion Aquind pour le système électrique et que le scénario développé ne répondait pas aux standards définis par les méthodes d'ENTSO-E, ce qui n'a pas permis d'opérer une comparaison fiable avec les scénarios développés par cet organisme européen. 17. Si la société requérante fait également valoir que, contrairement à ce que soutient l'Etat français, le projet présente un degré de maturité suffisant dès lors qu'elle dispose des accords de raccordement avec les gestionnaires de réseau de transport d'électricité des deux pays concernés, du statut de projet d'importance nationale au Royaume-Uni et que les investigations sur le tracé de l'interconnexion (aussi bien sur mer que sur terre) sont achevés ou sur le point de l'être, la maturité d'un projet ne se limite pas à l'appréciation de son avancement réel mais elle doit également s'apprécier au regard de l'intérêt économique, intérêt qui fait défaut en l'espèce comme en attestent les motifs présentés au point 15. En outre, la société requérante n'apporte au soutien de ses allégations aucun élément pertinent de nature à remettre en cause l'analyse faite par l'administration française sur la viabilité économique ou la maturité du projet Aquind. Par ailleurs, la circonstance que l'étude Artelys de 2019 repose sur l'hypothèse selon laquelle la technologie de conversion d'électricité en gaz (Power to Gas ou " P2G ") serait en concurrence directe avec les interconnexions électriques serait erronée au motif que ce même cabinet a reconnu, dans un rapport de septembre 2019 produit à la demande de l'association des gestionnaires de réseau ENTSO-E, qu'il peut exister des " synergies " entre ces deux technologies est sans influence sur la légalité de la décision attaquée au regard notamment de l'insuffisance de maturité du projet. De même, est également sans influence la circonstance qu'une étude réalisée en 2021 soit postérieurement à la décision attaquée démontre les avantages sociaux et économiques de l'interconnexion Aquind. Il en va de même de la circonstance que les pertes objectivées par l'étude Artelys serait en réalité quatre fois moins élevé que le montant avancé par Artélys, le modèle économique proposé par Aquind restant déficitaire.
18. Enfin, si la commission de régulation de l'énergie est une autorité indépendante qui ne représente pas les autorités françaises, il n'en demeure pas moins que la France pouvait prendre en compte les éléments présentés par cette autorité pour arrêter sa position et tenir compte des incertitudes fortes au regard des impacts macro-économiques du Brexit sur les relations commerciales entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ou sur l'évolution des politiques économiques, énergétiques ou environnementales au Royaume-Uni pour considérer que le projet présentait un caractère incertain et n'était pas économiquement viable. 19. En quatrième lieu, la société Aquind Limited soutient que la décision attaquée méconnaît le principe d'égalité dès lors que seul le projet Aquind a été retiré de la liste adoptée en 2017 alors qu'aucune spécificité de ce projet en rapport avec le statut des PIC ne justifiait qu'il soit exclu tandis que les autres projets candidats y étaient maintenus. 20. Toutefois, dans le cadre d'une procédure de sélection de candidatures, le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que les entreprises candidates soient traitées différemment dès lors qu'elles portent des projets distincts et qu'elles sont placées dans des situations différentes. En l'espèce, la société Aquind Limited ne démontre pas que les projets retenus seraient identiques au sien. Il ressort des pièces du dossier que les projets sélectionnés sur la liste de 2019 disposaient soit de toutes les autorisations, comme le projet ElecLink, soit de presque toutes les autorisations à l'exception de la déclaration d'utilité publique pour le projet FAB. Par ailleurs, la sélection sur la liste des PIC ne constitue pas un appel d'offres, et l'inscription dans un corridor de projets " potentiellement concurrents " implique, conformément aux termes du point 4 de l'article 3 du règlement, que certains projets puissent ne pas être sélectionnés ou retirés de la liste, celle-ci étant révisée tous les deux ans. 21. En dernier lieu, la société requérante fait valoir qu'en l'absence de motivation utile donnée par l'Etat français et de tout motif pouvant légalement justifier la décision du 4 octobre 2019, la décision attaquée a été prise dans un but étranger de celui qui devait diriger l'action de l'Etat en l'espèce. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui vient d'être exposé, que la décision en litige serait entachée de détournement de pouvoir. 22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Aquind Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Aquind Limited France demande au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E :Article 1er : La requête de la société Aquind Limited est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aquind Limited, au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la commission de régulation de l'énergie.Délibéré après l'audience du 11 avril 2025, à laquelle siégeaient :- M. Lemaire, président assesseur,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 30 avril 2025. La rapporteure,S. BOIZOTLe président,O. LEMAIRELa greffière,E. LUCELa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA02631 2