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29/04/2025 | FRANCE | N°24AP04626

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 29 avril 2025, 24AP04626


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour et de mettre

à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Par un jugement n° 2307208 du 17 octobre 2024, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions du 23 mai 2023 portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 novembre 2024, Mme A... C... épouse B..., représentée par Me Le Gloan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 mai 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai maximum de deux mois à compter du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant, signée le 26 janvier 1990 ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba ;

- et les observations de Me Le Gloan, avocate de Mme A... C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C... épouse B..., ressortissant tunisienne née le 21 novembre 1987, est entrée sur le territoire français le 20 décembre 2019 sous couvert d'un visa C valable du 15 décembre 2019 au 14 janvier 2020. Le 22 août 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 mai 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme A... C... épouse B... relève appel du jugement du 17 octobre 2024 du tribunal administratif de Montreuil en tant que, par ce jugement, le tribunal, après avoir, en son article 1er, annulé les décisions fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français a, en son article 2, rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une mesure d'éloignement, ainsi que contre toute décision qui a pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, la situation d'enfants mineurs, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... C..., entrée sur le territoire français en 2019, sous couvert d'un visa de court séjour, a épousé, le 25 septembre 2021, M. D... B..., ressortissant marocain résidant régulièrement sur le territoire français sous couvert d'une carte de résident, et avec lequel elle justifie d'une communauté de vie. Le couple a eu un enfant, né le 1er décembre 2022. Il n'est pas contesté par le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit d'observations en défense, que M. B... réside régulièrement en France depuis plus de quinze ans et qu'il y a le centre de ses intérêts. Par ailleurs, Mme A... C... soutient, là encore sans être contredite, que son époux, de nationalité marocaine, ne pourrait pas être admis à demeurer sur le territoire tunisien. Dans ces conditions, les décisions attaquées auront pour effet de séparer l'enfant de son père s'il suit sa mère en Tunisie ou de sa mère s'il devait rester en France avec son père. Par suite, Mme A... C... épouse B... est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 mai 2023 par lesquelles le préfet de Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation des décisions ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à Mme A... C... épouse B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou au préfet devenu territorialement compétent, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer à Mme A... C... épouse B... une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... C... épouse B... de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2307208 du 17 octobre 2024 du tribunal administratif de Montreuil et les décisions du 23 mai 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de délivrance à Mme A... C... épouse B... d'une carte de séjour et obligation de quitter le territoire français sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou au préfet devenu territorialement compétent, de délivrer à Mme A... C... épouse B... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer pendant cette période une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... C... épouse B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... C... épouse B..., au ministre d'État, ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de Bobigny.

.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

La rapporteure,

C. Vrignon-Villalba La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA04626


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24AP04626
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LE GLOAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;24ap04626 ?
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