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29/04/2025 | FRANCE | N°23PA04764

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 29 avril 2025, 23PA04764


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Klarine a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 26 novembre 2021 de l'instructeur activité partielle de l'unité régionale de la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision, ou

à titre subsidiaire, d'annuler ces décisions en tant qu'elles portent sur la période de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Klarine a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 26 novembre 2021 de l'instructeur activité partielle de l'unité régionale de la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision, ou à titre subsidiaire, d'annuler ces décisions en tant qu'elles portent sur la période de mars à juillet 2020 ou, plus subsidiairement, sur la période de mars à avril 2020.

Par une ordonnance n° 2208929 du 13 septembre 2023, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 novembre 2023 et le 12 juillet 2024, la société Klarine, représentée par Me Limarola, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2208929 du 13 septembre 2023 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision du 26 novembre 2021 de l'instructeur activité partielle de l'unité régionale de la DRIEETS d'Ile-de-France, ainsi que la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle rejetant son recours hiérarchique ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 26 novembre 2021 en tant qu'elle procède à la régularisation de sa situation pour la période de mars à juillet 2020 ou, plus subsidiairement, pour la seule période de mars à avril 2020, ainsi que la décision implicite rejetant son recours hiérarchique, dans cette mesure.

Elle soutient que :

- le courriel du 26 novembre 2021 de la DRIEETS constitue une décision faisant grief susceptible de recours dès lors que l'agence de services et de paiement, uniquement chargée de la mise en œuvre du recouvrement, s'est fondée sur cette seule décision pour procéder au recouvrement du prétendu trop-perçu de 75 068,95 euros, que les termes du courriel du 26 novembre 2021 démontrent que la DRIEETS a entendu lui conférer la valeur d'une décision, qu'il mentionne les voies et délais de recours et que la DRIEETS ne lui a pas adressé de nouvelle décision dans les formes légales ;

- la décision du 26 novembre 2021 a été prise par une personne incompétente ;

- le contrôle effectué par la DRIEETS méconnaît le principe du contradictoire dès lors qu'elle n'a pas été valablement informée de l'ouverture d'un nouveau contrôle, qu'elle n'a pas reçu le courriel du 9 août 2021 par lequel l'instructeur du dossier aurait porté à sa connaissance les anomalies constatées lors de son contrôle et qu'elle n'a pas pu présenter ses observations avant que la décision du 26 novembre 2021 ne soit prise ;

- la notification d'une décision par courriel méconnaît les droits des administrés ;

- la décision du 26 novembre 2021 n'est pas motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ; elle n'est pas en mesure de connaître les motifs de la régularisation effectuée par la DRIEETS, ni le mode de calcul des sommes qui lui sont réclamées ;

- elle porte sur la période de mars à juillet 2020, laquelle a déjà donné lieu à un contrôle de l'administration, et contredit la position de la DRIEETS prise en juillet 2020 selon laquelle sa situation était en règle ; la DRIEETS ne peut pas lui notifier avoir procédé à des régularisations rétroactives sur des pratiques qu'elle avait préalablement validées ;

- pour la période postérieure à juillet 2020, la DRIEETS ne pouvait que formuler des observations et non procéder à une régularisation assortie d'une mise en recouvrement du fait de sa validation antérieure de ses déclarations d'activité partielle ;

- la DRIEETS devra produire le dossier de contrôle opéré sur pièces en juin et juillet 2020 ;

- elle a commis une erreur de droit dès lors que M. A... B... peut légalement cumuler un mandat de co-gérant associé minoritaire et un contrat de travail pour un poste d'acheteur ; en application des ordonnances n° 2020-346 du 27 mars 2020 et n° 2020-1681 du 24 décembre 2020, le dispositif d'activité partielle a été étendu entre mars 2020 et décembre 2021 à tous les salariés, notamment aux cadres précédemment exclus de ces aides ; M. A... B... a connu une baisse significative de son activité salariée d'acheteur ;

- l'administration n'a pas procédé à un examen sérieux et attentif de sa situation ;

- en tout état de cause, le calcul du montant des sommes réclamées manque de transparence et ce montant est incohérent ; à titre d'exemples, la DRIEETS sollicite une régularisation de 1 958,89 euros pour le mois de mars 2020 et de 829,51 euros pour le mois d'avril 2020 alors que M. B... n'était pas en activité partielle mais en arrêt maladie ;

- elle connaît de graves difficultés financières.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 juin 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Limarola, avocate de la société Klarine.

Considérant ce qui suit :

1. La société Klarine, qui exerce une activité de commerce de détail de la chaussure, a bénéficié du dispositif d'activité partielle pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire due à l'épidémie de covid-19. Son dossier a fait l'objet d'un contrôle sur pièces par les services de la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France, initié le 29 juin 2020. Par un courriel du 26 novembre 2021, la DRIEETS a notamment informé la société Klarine qu'elle avait procédé à " la correction de ses demandes d'indemnisation et au recouvrement du trop-perçu ". Par un courrier en date du 25 janvier 2022, la société Klarine a formé un recours hiérarchique contre cette décision, lequel a été implicitement rejeté. Par une ordonnance du 13 septembre 2023, dont la société Klarine relève appel, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation du courriel du 26 novembre 2021 et de la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 5122-1 du code du travail, dans sa version applicable en l'espèce : " I. - Les salariés sont placés en position d'activité partielle, après autorisation expresse ou implicite de l'autorité administrative, s'ils subissent une perte de rémunération imputable : / soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d'établissement ; / soit à la réduction de l'horaire de travail pratiqué dans l'établissement ou partie d'établissement en deçà de la durée légale de travail. (...). II. - Les salariés reçoivent une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure dont le pourcentage est fixé par décret en Conseil d'Etat. L'employeur perçoit une allocation financée conjointement par l'Etat et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage. Une convention conclue entre l'Etat et cet organisme détermine les modalités de financement de cette allocation. (...) ". Aux termes de l'article R. 5122-1 du même code : " L'employeur peut placer ses salariés en position d'activité partielle lorsque l'entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l'un des motifs suivants : (...) / 5° Toute autre circonstance de caractère exceptionnel ". Aux termes de l'article R. 5122-10 du même code, dans sa version applicable en l'espèce : " L'autorité administrative demande à l'employeur le remboursement à l'Agence de service et de paiement, dans un délai ne pouvant être inférieur à trente jours, des sommes versées au titre de l'allocation d'activité partielle en cas de trop perçu ou en cas de non-respect par l'entreprise, sans motif légitime, des engagements mentionnés au II de l'article R. 5122-9. / Le remboursement peut ne pas être exigé s'il est incompatible avec la situation économique et financière de l'entreprise ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, par un courriel du 20 juillet 2021, l'instructeur activité partielle de la DRIEETS a informé la société Klarine que le contrôle sur pièces de son dossier avait mis en évidence des " anomalies " lors de la mise en œuvre du dispositif d'activité partielle pour faire face aux conséquences économiques liées à la crise du coronavirus, résultant du fait que " le dirigeant de la société ne cotise pas à l'activité partielle ", que le trop-perçu avait été estimé à un montant total de 13 669,12 euros au titre de la période comprise entre mai 2020 et septembre 2020 et lui a demandé de rembourser cette somme. Il ressort des termes du courriel du 26 novembre 2021, dont l'objet mentionné est " régularisation de demande d'indemnisation et recouvrement ", adressé à la société requérante par l'instructeur activité partielle de la DRIEETS, qu'il mentionne un courriel du 9 août 2021 qui portait à la connaissance de la société les " anomalies " relevées dans le cadre du contrôle et lui accordait un délai de quinze jours pour présenter ses observations et indique que, sans réponse de sa part, le service de la DRIEETS a procédé à la correction de ses demandes d'indemnisation et au recouvrement du trop-perçu dont le montant n'est pas précisé et qui couvre, selon les tableaux insérés dans le corps de ce courriel, la période comprise entre mars 2020 et octobre 2021. Dans ces conditions, quand bien même la seconde partie de ce courriel comporte une demande de pièces complémentaires portant sur le chiffre d'affaires mensuel de la société Klarine au titre de 2020 et 2021, eu égard à la procédure contradictoire mise en œuvre par l'administration le 9 août 2021 préalablement à l'envoi du courriel du 26 novembre 2021, à l'objet et à la teneur de ce courriel, qui, au surplus, mentionne les voies et délais de recours, le courriel du 26 novembre 2021 doit être regardé comme une décision faisant grief à la société Klarine susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ou, à tout le moins, comme révélant la décision de la DRIEETS d'ordonner le recouvrement d'une somme correspondant au trop-perçu qui aurait été mis en évidence lors du contrôle du dossier de la société requérante. Ainsi, les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 novembre 2021 et de la décision implicite rejetant le recours formé contre cette décision, présentées par la société Klarine devant le tribunal administratif de Montreuil, étaient recevables. Par suite, la société Klarine est fondée à soutenir que l'ordonnance du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Montreuil, rejetant sa demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, comme manifestement irrecevable est entachée d'irrégularité. Il s'ensuit que cette ordonnance doit être annulée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la société Klarine devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ".

7. Il ressort de la lecture de la décision du 26 novembre 2021 qu'elle n'indique pas les motifs pour lesquels la DRIEETS a estimé que la société Klarine aurait reçu un trop-perçu lors de la mise en œuvre du dispositif d'activité partielle pour faire face aux conséquences économiques liées à la crise du coronavirus, ni le mode de calcul de ce trop-perçu, ni même son montant. Dans ces conditions, la société Klarine est fondée à soutenir que la décision du 26 novembre 2021 est insuffisamment motivée.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, que la société Klarine est fondée à soutenir que la décision du 26 novembre 2021 de l'instructeur activité partielle de l'unité régionale de la DRIEETS d'Ile-de-France et la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision sont illégales et à en demander l'annulation. Par suite, il y a lieu d'annuler ces décisions.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2208929 du 13 septembre 2023 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 2 : La décision du 26 novembre 2021 de l'instructeur activité partielle de l'unité régionale de la DRIEETS d'Ile-de-France et la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision sont annulées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Klarine et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04764 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04764
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LIMAROLA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;23pa04764 ?
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