La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/2025 | FRANCE | N°24PA03132

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 16 avril 2025, 24PA03132


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat des copropriétaires du 12 rue des Gravilliers 75003 Paris a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté de la maire de Paris du 18 janvier 2022 portant mise en sécurité des immeubles situés 2 rue des Vertus/14 rue des Gravilliers et 12 rue des Gravilliers, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et la décision expresse confirmative du 15 juin 2022.



Par un jugement n° 2213466/3-2 du 10 mai 2024, le tribu

nal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 18 janvier 2022 de la maire de Paris ainsi que l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires du 12 rue des Gravilliers 75003 Paris a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté de la maire de Paris du 18 janvier 2022 portant mise en sécurité des immeubles situés 2 rue des Vertus/14 rue des Gravilliers et 12 rue des Gravilliers, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et la décision expresse confirmative du 15 juin 2022.

Par un jugement n° 2213466/3-2 du 10 mai 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 18 janvier 2022 de la maire de Paris ainsi que les décisions de rejet du recours gracieux formés contre cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2024, la ville de Paris, représentée par Me Falala, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 mai 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat des copropriétaires du 12 rue des Gravilliers à Paris devant le tribunal administratif de Paris.

3°) de mettre à la charge de ce dernier la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure contradictoire régulière dès lors que, conformément aux dispositions de l'article R. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, les syndicats des copropriétaires ont été informés par courriers du 18 janvier 2018, de ce que la maire de Paris envisageait d'engager une procédure de péril imminent, à laquelle elle a en définitive renoncé ; cette procédure contradictoire a ensuite été relancée et actualisée, après la mise en œuvre d'une procédure de péril ordinaire, par l'envoi de courriers le 15 février 2019 sans qu'il ait été nécessaire de réitérer l'intégralité de la procédure et sans que le délai écoulé entre l'engagement de la procédure contradictoire initiée en février 2019 et l'arrêté litigieux lui soit opposable ; à supposer même que ce délai puisse lui être opposé, cela ne saurait caractériser une irrégularité de nature à justifier l'annulation de la décision contestée, un tel vice n'ayant pas privé l'intimé d'une garantie ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que la mesure n°4 prescrite, relative à la reprise des souches de cheminée, était entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les désordres affectant celle située en limite séparative des immeubles ont été analysés comme des menaces de ruine par l'experte désignée par le juge des référés ;

- les autres moyens invoqués par le syndicat des copropriétaires en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2024, le syndicat des copropriétaires du 12 rue des Gravilliers à Paris, représenté par le cabinet AARPI Tejas Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le décret n° 2020-1711 du 24 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de Me Falala pour la ville de Paris,

- et les observations de Me Basset pour le syndicat des copropriétaires du 12 rue des Gravilliers à Paris.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite du constat d'importantes fissures affectant les façades extérieures d'immeubles attenants situés au 12 rue des Gravilliers, à l'angle de la rue des Gravilliers et de la rue des Vertus et au 2 rue des Vertus/14 rue des Gravilliers dans le 3ème arrondissement de Paris, le préfet de police alors compétent a, au cours de l'année 2016, mis en demeure les syndicats des copropriétaires des immeubles concernés de procéder aux travaux nécessaires pour remédier aux désordres. En raison de leur aggravation, la ville de Paris, devenue compétente, a engagé le 18 janvier 2018 une procédure de péril ordinaire puis, après le constat d'un risque pour les usagers de la voie publique induit par le basculement de l'immeuble du 14 rue des Gravilliers vers la rue des Vertus, a mis en œuvre une procédure de péril imminent. Les travaux d'étaiement et de confortement de l'immeuble ordonnés pour mettre fin au péril imminent ayant été réalisés en urgence, la ville de Paris a décidé le 11 février 2019 d'engager une procédure de péril ordinaire qui n'a pas été menée à son terme compte tenu de l'avancement des travaux, ce dont les syndics des copropriétés ont été informés le 23 octobre suivant. Un rapport du service des architectes de sécurité de la préfecture de police du 29 avril 2021 ayant néanmoins conclu à la persistance de désordres, la ville de Paris a en définitive édicté un arrêté de mise en sécurité le 18 janvier 2022, et mis en demeure les deux syndicats de copropriétaires concernés d'effectuer, dans un délai d'un an, les travaux de réparation relatifs aux éléments de structure défaillants du mur séparatif des immeubles et de rénovation totale de la souche de cheminée située en limite séparative. La ville de Paris relève appel du jugement du 10 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté du 18 janvier 2022.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version issue de l'ordonnance du 16 septembre 2020 relative à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations : " La police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations est exercée dans les conditions fixées par le présent chapitre et précisées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 511-2 du même code : " La police mentionnée à l'article L. 511-1 a pour objet de protéger la sécurité et la santé des personnes en remédiant aux situations suivantes : / 1° Les risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants ou des tiers ; (...) ". L'article L. 511-8 de ce code prévoit notamment que la situation mentionnée au 1° de l'article L. 511-2 est constatée par un rapport des services municipaux ou intercommunaux compétents, ou de l'expert désigné en application de l'article L. 511-9.

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 511-10 dudit code dans sa version applicable à la date du présent arrêt : " L'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité est pris à l'issue d'une procédure contradictoire avec la personne qui sera tenue d'exécuter les mesures : le propriétaire ou le titulaire de droits réels immobiliers sur l'immeuble, le local ou l'installation, tels qu'ils figurent au fichier immobilier (...). Lorsque les travaux prescrits ne concernent que les parties communes d'un immeuble en copropriété, la procédure contradictoire est valablement conduite avec le seul syndicat de copropriétaires représenté par le syndic qui en informe immédiatement les copropriétaires. (...) ". En vertu de l'article R. 511-3 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 24 décembre 2020 relatif à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations, applicable aux arrêtés notifiés à compter du 1er janvier 2021 : " Dans le cadre de la procédure contradictoire mentionnée à l'article L. 511-10, l'autorité compétente mentionnée à l'article L. 511-4 informe les personnes désignées en application de l'article L. 511-10 des motifs qui la conduisent à envisager de mettre en œuvre la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations et des mesures qu'elle compte prendre. / Le rapport mentionné à l'article L. 511-8 et, le cas échéant, les autres éléments sur lesquels l'autorité compétente se fonde sont mis à disposition des personnes susmentionnées qui sont invitées à présenter leurs observations dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois, ou à quinze jours dans les cas mentionnés à l'article L. 1331-23 du code de la santé publique. (...) ". Selon l'article 7 du décret précité du 24 décembre 2020 : " (...) / Lorsqu'une procédure a commencé avant le 1er janvier 2021 en conformité avec les dispositions alors en vigueur, sans qu'un arrêté ait été notifié, elle se poursuit après le 1er janvier 2021 selon les règles applicables à compter de cette date. / (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que, suite à la persistance des désordres constatés par l'architecte de sécurité et l'experte désignée par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, par un courrier du 11 février 2019, la ville de Paris a informé notamment le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 12 rue des Gravilliers à Paris des mesures nécessaires devant être mises en œuvre pour assurer la sécurité de ses occupants et des tiers, et l'a invité à présenter, dans un délai de deux mois, ses observations écrites ainsi qu'un calendrier opérationnel relatif à l'état d'avancement des travaux.

5. Ainsi que l'a estimé à bon droit le tribunal, les dispositions précitées de l'article 7 du décret du 24 décembre 2020 font toutefois obligation à l'autorité de police qui poursuit, après le 1er janvier 2021, une procédure de péril engagée avant cette date sans avoir notifié un arrêté de mise en sécurité, d'informer les personnes tenues d'exécuter les mesures prescrites des motifs qui la conduisent à envisager de mettre en œuvre la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, des mesures qu'elle compte prendre, et de leur transmettre le rapport des services municipaux ou intercommunaux compétents ou celui de l'expert désigné par la juridiction administrative, en application des dispositions citées ci-dessus du code de la construction et de l'habitation. Or, il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté par l'appelante, que le rapport établi par le service des architectes de sécurité de la préfecture de police du 29 avril 2021 complété le 16 juin suivant, constitutif d'un élément nouveau et déterminant sur lequel se fonde l'arrêté attaqué, n'a pas été transmis au syndicat des copropriétaires concerné, afin que ce dernier puisse en discuter les conclusions. Par suite, ce syndicat a été effectivement privé de la garantie prévue par l'article R. 551-3 du code de la construction et de l'habitation et la procédure d'édiction de la décision contestée est viciée.

6. Il résulte de ce qui précède que, pour ce seul motif, la ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté de sa maire du 18 janvier 2022.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires du 12 rue des Gravilliers à Paris, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la ville de Paris demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'intimé et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ville de Paris est rejetée.

Article 2 : La ville de Paris versera au syndicat des copropriétaires du 12 rue des Gravilliers 75003 Paris la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Paris et au syndicat des copropriétaires du 12 rue des Gravilliers 75003 Paris.

Copie en sera adressée au syndicat des copropriétaires du 2 rue des Vertus/14 rue des Gravilliers 75003 Paris.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 avril 2025.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA03132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03132
Date de la décision : 16/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : FALALA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-16;24pa03132 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award