Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, en fixant le pays de renvoi, et lui a interdit d'y retourner pendant une année.
Par un jugement n° 2401848 du 5 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2024, M. A..., représenté par Me Kornman, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 8 février 2024 mentionné ci-dessus ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, de retirer son signalement dans le " système d'information Schengen " ;
4°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent, sous astreinte, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil Me Kornman sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une inexacte application de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une inexacte application de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien, né le 29 décembre 1985, entré en France courant juin 2023 selon ses déclarations, a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire sans délai, en fixant le pays de destination, et lui a interdit d'y retourner pendant une année. Par un jugement du 5 avril 2024, dont M. A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la fille mineure de M. A... s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée par e une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 juillet 2024. Si cette décision est postérieure à l'arrêté litigieux, M. A... est fondé à s'en prévaloir du fait du caractère recognitif de la reconnaissance du statut de réfugié. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a d'ailleurs pas présenté de mémoire en défense, ne contestant pas les liens effectifs de M. A... avec sa fille, ce dernier est fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français litigieuse a méconnu les stipulations précitées de l'article3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, son annulation et, par voie de conséquence, celle des décisions fixant le pays de destination, refusant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique nécessairement que l'administration retire le signalement de M. A... dans le " système d'information Schengen et qu'elle réexamine sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout préfet territorialement compétent, d'une part, de retirer le signalement de M. A... dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt, d'autre part, de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de trois mois, sans qu'il soit nécessaire en l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1du code de justice administrative :
6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à Me Kornman sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'État.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2401848 du 5 avril 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 8 février 2024 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout préfet territorialement compétent, d'une part, de retirer le signalement de M. A... dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt, d'autre part, de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Kornman, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'État, ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Saint-Denis et à Me Kornman.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.
Le rapporteur,
D. PAGES La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA02857