Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Melun :
1°) d'annuler l'arrêté n° 191/2019 du 15 juillet 2019 par lequel le maire de Crécy-la-Chapelle les a mis en demeure, dans un délai d'un mois, de mettre fin durablement à l'état de péril de leur bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section B n°180, située 9, rue Serret sur le territoire de la commune de Crécy-la-Chapelle, par la démolition complète de ce bâtiment ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 35/2019 du 7 novembre 2019 par lequel le maire de Crécy-la-Chapelle les a mis en demeure d'exécuter, dans un délai d'un mois, les mesures prescrites à l'article 1er de l'arrêté de péril ordinaire n° 191/2019, mentionné ci-dessus ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise judiciaire sur les risques présentés par le bâtiment et sur les auteurs des dégradations qu'il a subies ;
4°) de condamner la commune de Crécy-la-Chapelle à leur verser deux sommes d'un euro symbolique en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n°s 1911603, 2000443 du 14 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2023, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 20 juin 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Vernon, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun du 14 décembre 2022 ;
2°) de faire droit à leurs conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Crécy-la-Chapelle une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les procédures administratives mises en œuvre par la commune sont entachées d'un détournement de pouvoir, la démolition du bâtiment ayant seulement pour but de les empêcher d'apporter la preuve de l'origine de la dégradation du bâtiment annexe qui doit être recherchée dans les actes de malveillance de leurs voisins et de leurs complices ;
- les arrêtés du maire sont entachés d'une erreur d'appréciation puisque les cinq architectes qui sont intervenus pour les conseiller sur la rénovation de leur bien immobilier, n'ont aucunement signalé que le bâtiment, qui avait été rénové en 1977, était en état de péril, et que ses murs porteurs devaient être reconsolidés ; de plus, le bureau d'études Ginger CEBTP, qui a procédé à une étude sur les causes du sinistre frappant le mur séparatif, a exclu l'hypothèse d'un phénomène de retrait-gonflement du sol ; la seule hypothèse possible réside donc dans des chocs violents portés à leur bien par des individus malveillants, ce dont ils avaient alerté les services de la gendarmerie le matin même du sinistre ;
- le maire de Crécy-la-Chapelle a lancé une procédure de péril imminent, puis a pris l'arrêté de péril ordinaire du 15 juillet 2019, en refusant de tenir compte des plaintes qu'eux-mêmes et les autres témoins avaient adressées aux autorités municipales, policières et judiciaires, et des expertises complémentaires qu'ils avaient demandées, et en s'abstenant de mettre en œuvre l'article 40 du code de procédure pénale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2024, la commune de Crécy-la-Chapelle, représentée par Me Dokhan conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, car insuffisamment motivée au regard de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- subsidiairement, les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 mars 2025.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 17 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Vernon, pour M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... sont propriétaires, sur la parcelle cadastrée section B n° 180 située 9, rue du Serret à Crécy-la-Chapelle, d'un ensemble immobilier composé d'une maison d'habitation et de deux bâtiments annexes donnant sur cour, dont l'un jouxte, côté Est, le fond voisin, correspondant à la parcelle cadastrée section B n°182. Par une ordonnance du 19 février 2016 prise à la demande de la commune de Crécy-la-Chapelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a nommé un expert ayant notamment pour mission de décrire la nature et l'étendue des désordres affectant cet immeuble afin, le cas échéant, de permettre au maire de prendre l'arrêté de péril imminent prévu par ces dispositions. Par un arrêté du 7 avril 2016, le maire de Crécy-la-Chapelle a mis en demeure M. et Mme A... d'exécuter les mesures d'urgence préconisées par l'expert dans son rapport déposé le 7 mars précédent, consistant en la démolition du bâtiment annexe jouxtant la propriété de leur voisin, dans un délai de deux mois, en leur précisant, qu'à défaut, il serait procédé d'office à ces travaux à leurs frais. Cet arrêté n'ayant pas été exécuté, le maire a pris à leur encontre, le 15 juillet 2019, un arrêté de péril ordinaire n° 191/2019 sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation. Par un nouvel arrêté n° 35/2019 du 7 novembre 2019, le maire les a mis en demeure d'exécuter, dans un délai d'un mois, les mesures prescrites à l'article 1er de l'arrêté de péril ordinaire du 15 juillet 2019. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler ces deux derniers arrêtés et de condamner la commune de Crécy-la-Chapelle à leur verser deux sommes d'un euro symbolique en réparation de leurs préjudices. M. et Mme A... font appel du jugement du 14 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté leurs demandes.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L. 511-3 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1-1 du même code, alors en vigueur : " Tout arrêté de péril pris en application de l'article L. 511-1 est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, tels qu'ils figurent au fichier immobilier (...) ". Selon l'article L. 511-2 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. - Le maire, par un arrêté de péril pris à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine, et le cas échéant les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 511-1-1, en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus. / (...) V. - Lorsque l'arrêté de péril n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure le propriétaire de procéder à cette exécution dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. A défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti par la mise en demeure, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande (...) ". L'article L. 511-3 de ce code, dans sa rédaction applicable en l'espèce prévoyait : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. / Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. "
3. Il ressort du rapport de l'expert, déposé le 7 mars 2016, que la façade du bâtiment annexe de la propriété des requérants, en prolongation de la maison principale et donnant sur le fond voisin, qui était protégé par une bâche en plastique fortement dégradée, était affectée par des dégradations de la maçonnerie, importantes et anciennes, telles que des décollements et des chutes d'enduit de façade, la mise à nu de linteaux de bois, l'affaissement des linteaux du rez-de-chaussée, des fissures structurelles et des maçonneries "en tête" non protégées. L'expert a également constaté, à l'intérieur du bâtiment, un effondrement quasi complet du mur gouttereau du côté des voisins, des mises à nu des maçonneries restantes, la réalisation d'étaiements constituant une solution provisoire de sécurisation, des fissures structurelles, la présence au sol de gravois divers et d'étais tombés depuis 1'étage et l'absence de protection, du côté des voisins. Dans la cour, l'expert a constaté la présence de nombreux matériaux, en particulier des tuiles mécaniques et des gravois divers. Enfin, l'expert a pu observer la dégradation du bâtiment annexe à partir de la propriété voisine, située 3 place Camus, et constater l'effondrement de 1'ensemblc des maçonneries anciennes en façade, la présence de gravois divers au pied du bâtiment, sur la terrasse en bois et à proximité immédiate des baies du logement voisin, la présence d'une bâche en toiture dégradée et non efficace, la présence de tuiles mécaniques désolidarisées, des maçonneries et métalleries mises à nu, des moellons en sustentation, en porte à faux, des fissures structurelles, des charpentes en bois mal protégées, l'absence de protection de la zone des gravois et de sécurisation de la façade. Selon l'expert, les glissements et chûtes de produits de couverture allaient perdurer et s'aggraver de façon inexorable. Les charpentes en bois hydrophiles n'étaient plus parfaitement protégées, et risquaient, à court terme, de perdre tout ou partie de leur résistance mécanique. Les linteaux en bois étaient gravement affectés, et présentaient des affaissements structurels, leur cohérence n'étant plus assurée. Les maçonneries, en particulier du côté du n° 3, place Camus, n'étaient plus protégées depuis 1'effondrement du mur gouttereau, et allaient donc continuer de se dégrader, ce qui risquait de provoquer des chutes de moellons et d'autres éléments de maçonnerie dans la propriété voisine, d'autant qu'aucune protection sérieuse n'était mise en place au droit du mur effondré. L'expert a donc conclu à des risques imminents de chutes de gravois et d'effondrement généralisé du bâtiment, ainsi qu'à un risque important pour la sécurité des personnes et des biens, en particulier pour les voisins immédiats, et à un risque d'ordre sanitaire. Pour faire cesser ces risques, l'expert a préconisé d'instituer, sans délai, un périmètre de sécurité et un " barriérage " entre les deux propriétés, de ne pas utiliser les jardins et terrasses et de remplacer la bâche existante. Il a également préconisé des travaux d'urgence consistant en la démolition préventive du bâtiment avant son effondrement complet, en précisant que, compte tenu de sa dégradation trop avancée, une solution de sécurisation destinée à conforter la construction n'était plus concevable.
4. En premier lieu, les requérants n'allèguent pas avoir effectué des travaux de confortation du bâtiment annexe après le dépôt du rapport d'expertise. Dans ces conditions, ni la circonstance, à la supposer établie, que les architectes qui se sont succédés entre 2005 et 2010, n'ont pas déclaré ce bâtiment en péril, ni les constatations du bureau d'études Ginger CEBTP qui est intervenu en 2014, ne sont de nature à remettre en cause les constatations plus récentes de l'expert, confortées par les photographies qu'il a prises lors de la visite des lieux, quant à l'extrême délabrement de cette construction. La circonstance que des dégradations auraient été commises par des tiers, qui ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier, est en tout état de cause sans incidence sur la réalité de cette situation. Dans ces conditions, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que le maire de Crécy-la-Chapelle aurait commis une erreur de fait ou une erreur d'appréciation en les mettant en demeure de démolir ce bâtiment.
5. En deuxième lieu, les requérants ne fournissent à la Cour aucun élément de nature à démontrer que les arrêtés attaqués seraient entachés de détournement de pouvoir.
6. En troisième lieu, les requérants ne sauraient utilement soutenir que le maire de Crécy-la-Chapelle aurait refusé de tenir compte des plaintes qu'eux-mêmes et certains autres témoins des dégradations commises par des tiers auraient adressées aux autorités municipales, policières et judiciaires, et d'expertises complémentaires qu'ils auraient demandées, et s'est abstenu de mettre en œuvre l'article 40 du code de procédure pénale.
7. En dernier lieu, les arrêtés attaqués n'étant entachés d'aucune illégalité fautive, les conclusions indemnitaires de M. et Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Crécy-la-Chapelle, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Crécy-la-Chapelle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Crécy-la-Chapelle sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Crécy-la-Chapelle, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et à la commune de Crécy-la-Chapelle.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 avril 2025.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00674