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15/04/2025 | FRANCE | N°23PA04809

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 15 avril 2025, 23PA04809


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... I... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2213563 du 25 octobre 2023, le tribunal administratif de Montr

euil a annulé l'arrêté du 17 août 2022 et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... I... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2213563 du 25 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 17 août 2022 et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. I... dans un délai de trois mois.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2023 sous le numéro 23PA04809, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. I....

Il soutient que :

- la commission du titre de séjour s'est réunie de manière régulière dès lors que les membres de la commission ont été désignés par un arrêté préfectoral du 23 juin 2022 ;

- les autres moyens soulevés par M. I... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 janvier 2024, M. I..., représenté par Me De Sa-Pallix, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens de la requête d'appel du préfet ne sont pas fondés, dès lors que le préfet ne démontre pas que la commission du titre du séjour était régulièrement composée ;

- les décisions ont été prises par une autorité incompétente ;

- elles sont insuffisamment motivées, en particulier la décision fixant le pays d'éloignement ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elles méconnaissent son droit d'être entendu ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en raison de l'absence de saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'absence de remise au requérant du dossier prévu à l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 et de l'absence de prise en considération de sa pathologie dont les services préfectoraux avaient nécessairement connaissance ;

- elle est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis a irrégulièrement consulté le fichier de traitement des antécédents judiciaires ;

- elle est entachée d'erreurs de fait ;

- elle est entachée d'une erreur de droit d'appréciation quant à la menace pour l'ordre public ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas examiné d'office s'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions des 3° et 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas examiné d'office s'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 18 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2024 à 12 heures.

II. Par une requête enregistrée le 22 novembre 2023 sous le numéro 23PA04810, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement attaqué en tant qu'il lui est défavorable et de rejeter la demande de M. I....

Il soutient que :

- la commission du titre de séjour s'est réunie de manière régulière dès lors que les membres de la commission ont été désignés par un arrêté préfectoral du 23 juin 2022 ;

- les autres moyens soulevés par M. I... en première instance ne sont pas fondés ;

- l'exécution du jugement du 25 octobre 2023 entraînerait des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2023, M. I..., représenté par Me De Sa-Pallix, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois,

- et les observations de Me De Sa-Pallix, représentant M. I....

Considérant ce qui suit :

1. M. I..., ressortissant nigérian né le 11 mai 1975, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 17 août 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la requête n° 23PA04809, le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement n° 2213563 du 25 octobre 2023, par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. I... dans un délai de trois mois. Par la requête n° 23PA04810, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 432-14 du même code : " La commission du titre de séjour est composée : 1° D'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles-ci et, à Paris, du maire, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris ; 2° De deux personnalités qualifiées désignées par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police. Le président de la commission du titre de séjour est désigné, parmi ses membres, par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police (...) ". Aux termes de l'article R. 432-14 du même code : " Devant la commission du titre de séjour, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé ". Il résulte de ces dispositions que l'avis motivé de la commission doit être transmis à l'intéressé et au préfet avant que ce dernier ne statue sur la demande dont il a été saisi. Une telle communication constitue une garantie instituée au profit de l'étranger qui doit connaître le sens et les motifs de l'avis de la commission avant que le préfet ne prenne sa décision.

4. Pour annuler l'arrêté du 17 août 2022, le tribunal administratif de Montreuil a estimé qu'il n'était pas établi que les membres de la commission du titre de séjour aient été régulièrement désignés par un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis et qu'ainsi, la commission devait être regardée comme s'étant réunie de manière irrégulière. Toutefois, il ressort des pièces produites en appel par le préfet de la Seine-Saint-Denis que la commission du titre de séjour, qui a émis un avis défavorable le 7 juillet 2022 sur la situation de M. I..., était composée, d'une part, de M. Vincent Sarguet, président, d'autre part, de M. B... F... et de Mme A... K..., représentante de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, personnalités qualifiées. Les deux premiers membres ont été expressément désignés par le préfet de la Seine-Saint-Denis, par un arrêté n° 2022-1353 du 23 juin 2022 mettant en place cette commission. Si M. I... fait valoir que cet arrêté n'a pas désigné nominativement Mme A... K..., mais seulement M. C... D..., directeur général de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France " ou son représentant ", il n'apporte aucun commencement de preuve de ce que Mme A... K... n'aurait pas eu qualité pour représenter le directeur général de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la commission du titre de séjour était irrégulièrement composée et qu'ainsi son arrêté était entaché d'un vice de procédure.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. I... devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. I... :

En ce qui concerne le moyens communs à l'ensemble des décisions :

6. En premier lieu, par un arrêté du 21 juillet 2022, régulièrement publié le même jour au bulletin d'informations administratives de la préfecture, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné, en cas d'absence ou d'empêchement, délégation à Mme H... J..., préfète déléguée pour l'égalité des chances, en vue de signer toute décision et tout document relevant des attributions de l'Etat en Seine-Saint-Denis, à l'exception des arrêtés de conflit et des réquisitions du comptable. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions attaquées manque en fait et doit être écarté.

7. En deuxième lieu, les décisions contestées visent le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8. En outre, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de M. I..., a notamment indiqué qu'il était célibataire, père de quatre enfants nés en France et qu'il a été condamné le 12 mars 2020 à six ans d'emprisonnement pour proxénétisme aggravé. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, l'arrêté vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que l'intéressé n'établit pas être exposé dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans, à des peines ou traitements contraires à cette convention. Dès lors, les décisions comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions seraient insuffisamment motivées doit être écarté.

8. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté ni des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. I.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen préalable de sa situation personnelle doit être écarté.

9. En dernier lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. À l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Il suit de là que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'interdiction de retour sur le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. M. I..., qui a été reçu en préfecture pour procéder au dépôt de sa demande de titre de séjour, et a de surcroit été auditionné par la commission du titre de séjour le 7 juillet 2022, ne peut donc utilement soutenir que les décisions attaquées auraient été prises en méconnaissance de son droit à être entendu.

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

10. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni de la décision contestée que M. I... aurait présenté une demande d'admission au séjour pour raisons médicales, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que l'administration aurait procédé d'office à un examen de la possibilité de l'admettre au séjour à ce titre. Dès lors, M. I..., qui a uniquement sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et se borne à faire état pour la première fois au contentieux de " problèmes de santé le touchant ", ne peut utilement soutenir que la décision serait entachée d'un vice de procédure, d'une part, en raison de l'absence de saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, au regard de l'absence de remise au requérant du dossier prévu à l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016, ni se prévaloir de l'absence de prise en considération de sa pathologie. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

11. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, (...) les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : 1° Les personnels de la police et de la gendarmerie habilités selon les modalités prévues au 1° et au 2° du I de l'article R. 40-28 ; / (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code (...) ". Aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers et des demandes de visa ou d'autorisation de voyage prévus aux articles L. 312-1, L. 312-2 et

L. 312-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux ".

12. L'arrêté contesté relève que M. I... est connu au fichier de traitement des antécédents judiciaires pour des faits de faux et usage de faux document administratif ainsi que pour l'entrée ou le séjour irrégulier sur le territoire français. Dès lors que les dispositions citées

ci-dessus prévoient la possibilité que certains traitements automatisés de données à caractère personnel soient consultés au cours de l'enquête conduite par l'administration dans le cadre de ses pouvoirs de police, préalablement à la décision portant refus de titre de séjour, la circonstance que l'agent ayant procédé à cette consultation n'aurait pas été, en application des dispositions du code de procédure pénale, individuellement désigné et régulièrement habilité à cette fin, si elle est susceptible de donner lieu aux procédures de contrôle de l'accès à ces traitements, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la décision prise sur la demande de titre de séjour. En outre, au surplus, la décision portant refus de titre de séjour est également fondée sur la condamnation dont M. I... a fait l'objet le 12 mars 2020 à six ans d'emprisonnement pour proxénétisme aggravé, qui présente un caractère public et dont il ne ressort au demeurant pas des pièces du dossier que cette information procèderait de la consultation du fichier des antécédents judiciaires. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché la décision litigieuse d'un vice de procédure en consultant le fichier précité pour prononcer le refus de titre de séjour contesté, la circonstance que l'arrêté en cause prononce ensuite une obligation de quitter le territoire français ne s'opposant pas à ce que l'autorité administrative puisse consulter les fichiers en cause pour se prononcer sur la demande de titre de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit dès lors être écarté.

13. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté, que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de M. I..., aurait entaché sa décision d'erreurs de fait relatives à sa situation. Par suite, le moyen doit être écarté.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". L'article L. 432-1 du même code dispose que : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

15. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. I..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance que son comportement était constitutif d'une menace pour l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier que M. I... a été condamné, le 12 mars 2020, à six ans d'emprisonnement, 40 000 euros d'amende et une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant cinq ans et confiscation par le tribunal correctionnel de Paris pour des faits, commis entre septembre 2015 et novembre 2018, de proxénétisme aggravé par pluralité d'auteurs ou complices et de victimes. Ces faits, dont l'exactitude matérielle n'est pas sérieusement contestée, et à propos desquels la commission du titre de séjour a pu relever qu'ils faisaient l'objet de la part du requérant d'une " absence de prise de conscience de leur extrême gravité ", sont, eu égard à leur nature et à leur caractère récent, de nature à caractériser une menace pour l'ordre public, alors au surplus que l'intéressé s'est rendu coupable au cours de sa détention de violences sur détenu, ainsi que cela ressort de l'ordonnance du juge d'application des peines du 16 octobre 2020 produite par le requérant. Dans ces conditions, c'est sans entacher sa décision d'une erreur de droit ou d'appréciation que le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un titre de séjour à M. I....

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

17. M. I... déclare être entré en France au mois de juin 2010 et résider habituellement et régulièrement sur le territoire français depuis le mois de juin 2012, sous couvert de plusieurs titres et autorisations provisoires de séjour. Il soutient qu'à la date de l'arrêté attaqué, il entretenait une relation de concubinage avec une compatriote nigériane, Mme E..., titulaire d'une carte de résident portant la mention " réfugié " avec laquelle il a eu deux enfants nés le 17 juin 2018 et le 17 juillet 2021. Il se prévaut également de la circonstance qu'il travaille en qualité d'agent d'entretien depuis le mois de novembre 2020. Toutefois, il n'apporte pas d'élément suffisamment probant pour établir l'existence d'une communauté de vie matérielle et affective avec cette dernière à la date de l'arrêté attaqué, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le couple formé par le requérant et Mme E... s'est séparé dès avant le 19 juillet 2021, date à laquelle cette dernière a saisi le juge aux affaires familiales aux fins de voir fixer les modalités d'exercice de l'autorité parentale. A la date de l'arrêté attaqué, l'intéressé ne résidait pas avec ses enfants, pas plus qu'il ne résidait avec ses deux autres enfants, nés de deux précédentes relations, respectivement le 12 mai 2011 et le 3 février 2015. Les quelques photographies non datées, les billets de bus et de train et les preuves de virements adressés épisodiquement à Mme E... ne suffisent pas à établir que M. I... participerait à l'entretien et à l'éducation de ses quatre enfants issus de trois relations différentes ou même seulement de ceux issus de sa relation avec Mme E.... En outre, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où résident son père et sa mère ainsi que son frère. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 15 du présent arrêt, le comportement de M. I..., qui a été condamné, le 12 mars 2020, à six ans d'emprisonnement, 40 000 euros d'amende et une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant cinq ans par le tribunal correctionnel de Paris pour proxénétisme aggravé par pluralité d'auteurs ou complices et de victimes, est constitutif d'une menace pour l'ordre public. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit de M. I... au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Il s'ensuit que c'est sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que cette autorité a refusé de délivrer un titre de séjour à M. I....

18. En sixième lieu, aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

19. Ainsi qu'il a été dit au point 17 du présent arrêt, M. I... est le père de quatre enfants mineurs, nés en France, de trois mères différentes. Toutefois, il ne réside pas avec ses enfants et n'établit pas de manière suffisamment probante qu'il subviendrait à leur éducation et à leur entretien. Dans ces conditions, et compte tenu en outre de la menace que son comportement représente pour l'ordre public, la décision contestée n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de ces derniers au sens de ces stipulations. Par suite, le moyen doit être écarté.

20. En septième lieu, pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés aux points 17 et 19 du présent arrêt, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

21. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. I... aurait dû se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur un autre fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que celui sur lequel il a présenté sa demande. Notamment, s'il soutient qu'il aurait dû se voir attribuer un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 424-3 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le

bien-fondé, alors en outre que la menace pour l'ordre public que représente son comportement est de nature à justifier un refus de délivrance de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit faute pour le préfet de

Seine-Saint-Denis d'avoir examiné d'office s'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

22. En premier lieu, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre doit être écarté.

23. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté ni des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. I... préalablement à l'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

24. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

25. D'une part, M. I... fait valoir qu'il réside régulièrement sur le territoire français depuis le 22 juin 2012, date de première délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", au 17 août 2022, date de l'annulation de son récépissé de demande de titre de séjour et de son remplacement par l'arrêté présentement contesté du préfet de la Seine-Saint-Denis. Toutefois il ne verse au soutien de cette allégation que le premier titre de séjour qui lui a été délivré en juin 2012, deux autres titres de séjour délivrés en juin 2016 et juin 2017 pour une durée d'un an, ainsi que, de manière éparse, plusieurs récépissés de demandes de titres pour la période postérieure. La seule production de ces pièces ne permet pas d'établir une résidence habituelle et régulière d'une durée de dix ans à la date à laquelle est intervenue la décision attaquée. De surcroit, il ressort des pièces du dossier qu'une partie de la résidence en France du requérant s'est accomplie en détention en exécution du jugement du tribunal correctionnel de Paris du 12 mars 2020 le condamnant à une peine de six ans d'emprisonnement. Or, les années passées en détention ne sont pas susceptibles d'être prises en compte au titre de la durée de résidence régulière prévue par les dispositions précitées. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

26. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 10 du présent arrêt, M. I..., qui n'a pas présenté de demande d'admission au séjour pour raisons médicales sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se borne à faire état pour la première fois au contentieux de " problèmes de santé le touchant ", sans toutefois soutenir que la pathologie dont il se dit atteint nécessiterait un traitement dont la privation entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne serait pas disponible dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

27. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés précédemment, en particulier au point 21 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur de droit entachant la décision attaquée en raison de ce que M. I... aurait dû se voir attribuer un titre de séjour de plein droit doit être écarté.

28. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 17 du présent arrêt, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit de M. I... au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

29. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19 du présent arrêt, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants de M. I.... Le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit dès lors être écarté

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

30. En premier lieu, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachées d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

31. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

32. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait application des dispositions précitées de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et accordé à M. I... le délai de trente jours de droit commun pour qu'il exécute la décision d'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée, alors qu'il aurait pu priver l'intéressé de tout délai de départ volontaire compte tenu de la menace à l'ordre public que représente le comportement de ce dernier. En lui accordant ce délai de trente jours, le préfet de la Seine-Saint-Denis a ainsi entendu tenir compte des circonstances propres à la situation de M. I... et n'a, ce faisant, compte tenu des éléments de fait exposés au point 17 du présent arrêt, pas porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

33. En premier lieu, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachées d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

34. En second lieu et en tout état de cause, pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés au point 17 du présent arrêt, en fixant comme pays de renvoi de M. I... celui dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit de M. I... au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts notamment d'ordre public en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

35. En premier lieu, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachées d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre et de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

36. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au présent litige : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

37. Il résulte de ce qui a été dit au point 15 du présent arrêt que le comportement de M. I... représente une menace à l'ordre public compte tenu des faits pour lesquels il a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 12 mars 2020 à une peine de de six ans d'emprisonnement pour proxénétisme aggravé par pluralité d'auteurs ou complices et de victimes. Le moyen tiré de ce que le préfet de Seine-Saint-Denis aurait entaché sa décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans d'une erreur d'appréciation quant à la menace à l'ordre public susceptible de justifier une telle mesure doit dès lors être écarté.

38. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 17 du présent arrêt, et compte tenu particulièrement de la menace à l'ordre public que représente le comportement du requérant, les moyens tirés de ce que la décision serait, compte tenu de sa durée de présence et de ses attaches sur le territoire français, entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce qu'elle aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés

39. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés au point 19 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

40. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'une méconnaissance des stipulations de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier la portée et le bien-fondé.

41. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 17 août 2022.

Sur la demande de sursis à exécution du jugement :

42. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2213563 du tribunal administratif de Montreuil du 25 octobre 2023, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais liés au litige :

43. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée M. I... au titre des frais par lui exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2213563 du tribunal administratif de Montreuil du 25 octobre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de M. I... présentée devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus de ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel dans la requête n° 23PA04809 sont rejetés.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23PA04810 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 25 octobre 2023.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. I... présentées dans la requête n° 23PA04810 est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. G... I....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2025.

Le rapporteur,

J. DUBOISLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 23PA04809, 23PA04810 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04809
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : DE SA - PALLIX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;23pa04809 ?
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