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15/04/2025 | FRANCE | N°23PA04119

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 15 avril 2025, 23PA04119


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2204394 du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil

a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2204394 du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2023, M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois et de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour sous une astreinte de même montant ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros hors taxe à verser à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales compte tenu de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dubois a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M. A..., ressortissant malien né le 31 décembre 1995, a sollicité, le 7 octobre 2021, la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 février 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 2204394 du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel, sans apporter d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 16 février 2022 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

4. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. A... au motif qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions précitées pour se voir délivrer un titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur l'avis émis, le 30 décembre 2021, par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a estimé que si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. Au soutien de ses conclusions, M. A... fait valoir qu'il souffre d'une épilepsie pour laquelle il est suivi par son médecin généraliste. Il soutient que les trois médicaments qui lui sont prescrits, la Depakine Chrono 500 mg, qu'il prend quotidiennement matin et soir, le Tegretol LP 400, qu'il prend le soir, et l'Urbanyl 10 mg, qu'il utilise en cas de crise, ne sont pas disponibles au Mali. Toutefois, le certificat médical du 13 novembre 2021 qu'il produit au soutien de cette affirmation, émis par son médecin généraliste, se borne à mentionner qu'il " est suivi de façon très régulière au cabinet médical depuis mi-2019 jusqu'à ce jour ". S'il produit également en appel, comme il l'avait déjà fait en première instance, un certificat médical d'un médecin neurologue en date du 28 mars 2022 faisant état de ce que " la prise en charge et le traitement ne sont pas possibles dans son pays d'origine, le retour dans son pays d'origine l'exposera à des complications potentiellement sévères ", un tel document compte tenu de son caractère particulièrement peu précis et circonstancié ne permet pas d'établir que le traitement qui lui est prescrit ne serait pas disponible au Mali. Au demeurant,

M. A... reconnaît lui-même que la Depakine Chrono et le Tegretol sont disponibles au Mali " dans les hôpitaux et les centres de santé référents, soit dans des grandes villes ", sans démontrer qu'il ne pourrait accéder à ces médicaments en cas de retour dans son pays d'origine en raison de l'éloignement de son domicile de ces centres de santé référents. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le coût de ces deux médicaments les lui rendrait inaccessibles, M. A... se bornant à faire état de ce coût sans le préciser ni le rapporter à ses revenus et ressources. Relativement à l'Urbanyl, s'il fait valoir que le principe actif, le clobazam, ne figurerait pas sur la liste des médicaments essentiels au Mali établie en août 2019, soit deux ans et demi avant l'édiction de l'arrêté attaqué, cette seule circonstance ne permet pas de faire regarder comme établie l'impossibilité d'accéder à cette molécule dans ce pays. En outre, et ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, à supposer que le principe actif de l'Urbanyl ne serait pas disponible au Mali, M. A... n'établit ni même ne fait valoir qu'un autre traitement alternatif aux effets similaires ne pourrait lui être administré en cas de crise. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, et eu égard à ce qui a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. A....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. D'une part, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, M. A... n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

8. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Seine-Saint-Denis aurait entaché la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une incompétence négative en raison de ce qu'il se serait senti tenu de prendre une telle obligation de quitter le territoire français. L'erreur de droit ainsi alléguée ne peut dès lors qu'être écartée.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. D'une part, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, M. A... n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration du délai de trente jours qui lui a été accordé pour exécuter la mesure d'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.

10. D'autre part, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, que le traitement nécessité par l'état de santé de M. A... ne serait pas disponible au Mali, celui-ci n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir qu'un renvoi au Mali l'exposerait à subir un traitement inhumain ou dégradant. Par ailleurs, si le requérant fait valoir de manière générale que l'épilepsie est une maladie mal considérée au Mali car associée à des croyances archaïques potentiellement stigmatisantes, la seule production d'un article médical portant sur la dimension socioculturelle de cette maladie ne suffit pas à établir que M. A... serait personnellement et sérieusement concerné par un risque d'être soumis à un traitement inhumain ou dégradant d'une gravité telle qu'elle s'opposerait à son renvoi au Mali. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant le pays de destination, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs de fait, la décision fixant le pays de destination n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copies en seront adressées au préfet de Seine-Saint-Denis et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président de chambre,

Mme Milon, présidente assesseure,

M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2025.

Le rapporteur,

J. DUBOISLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 23PA04119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04119
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : BREMAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;23pa04119 ?
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