Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2304267 du 24 juillet 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, des pièces complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 août 2024, 18 décembre 2024 et 20 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Guillou, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 24 juillet 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 7 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement de première instance est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de base légale ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- cette décision et celle lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les observations de Me Dabbech, substituant Me Guillou, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 26 octobre 1987, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale ou, à défaut, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Par un arrêté du 7 mars 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par la présente requête, M. A... relève régulièrement appel du jugement du 24 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une erreur manifeste d'appréciation, qui remet en cause le bien-fondé du jugement, constitue un moyen relevant du contrôle de cassation et est inopérant en tant que tel devant le juge d'appel. Par suite, le moyen doit par suite être écarté comme étant inopérant.
Sur le bien-fondé du jugement :
S'agissant de la légalité externe de l'arrêté attaqué :
3. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 du même code, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. En l'espèce, la décision portant refus de titre de séjour comporte, de manière suffisante, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent en précisant notamment les motifs justifiant le refus de délivrance du titre de séjour sollicité par M. A... au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ou en qualité de salarié. Par suite, la mesure d'éloignement contestée qui vise les dispositions légales applicables, est suffisamment motivée. D'autre part, la décision fixant le pays de destination, prise au visa des articles L. 721-3 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relève que M. A... n'établit pas être exposé à des peines et traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine ou tout autre pays où il est effectivement ré-admissible. Enfin, l'arrêté attaqué vise l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les éléments de fait relatifs à la situation personnelle de l'intéressé en rappelant la durée de son séjour en France depuis 2013, la circonstance qu'il s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement du territoire prises en 2015 et 2016, qu'il est célibataire et sans charge de famille et ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, alors qu'aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère, cette décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'étant pas tenu de motiver cette mesure au regard du critère tiré de la menace à l'ordre public dont il n'a pas entendu faire application. Le moyen tiré de l'insuffisance de ces décisions doit ainsi être écarté.
S'agissant de la légalité interne de l'arrêté attaqué :
4. En premier lieu, la circonstance que les deux mesures d'éloignement du territoire prises en 2015 et 2016 n'ont pas été communiquées au requérant, à la supposer même établie, ne permet pas d'établir l'absence de fondement légal de l'arrêté attaqué.
5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté attaqué rappelés ci-dessus, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement. Ce moyen doit par suite être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. S'il est constant que M. A... justifie de sa résidence habituelle en France depuis plus de neuf ans à la date de l'arrêté attaqué et de son insertion professionnelle par l'exercice de la profession de pneumaticien puis de mécanicien au sein de la même entreprise depuis le mois de novembre 2019, il n'établit pas par ces seules circonstances avoir durablement établi le centre de ses intérêts privés et familiaux sur le territoire français. M. A... est célibataire et sans charge de famille et s'il fait valoir que son frère réside régulièrement en France sous couvert d'un titre de séjour, que la famille de ce dernier est de nationalité française et que sa mère est elle-même décédée en France, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale au Maroc où réside son père, où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 25 ans et disposait d'une activité salariée au sein d'une entreprise de climatisation et d'installation de chauffage central. Par ailleurs, s'il justifie avoir obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé depuis 2016, il ne démontre pas que son handicap justifierait une prise en charge particulière sur le territoire français. Enfin, l'unique attestation de bénévolat auprès d'une association produite à l'instance, datée du 3 juin 2021, si elle révèle un engagement auprès de personnes démunies, n'est pas, à elle seule, de nature à caractériser l'existence de liens sociaux significatifs sur le territoire français. Dans ces conditions, en rejetant sa demande de titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En quatrième lieu, M. A... n'invoque aucun argument distinct de ceux énoncés
ci-dessus, susceptible de retenir que les décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour et d'obligation de quitter sans délai le territoire français seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle. Ce moyen doit par suite être écarté.
9. En cinquième lieu, il résulte ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de ces décisions, doit être écarté.
10. En sixième lieu, M. A... ne peut utilement soutenir que la décision fixant le pays de destination porterait atteinte au respect de sa vie privée et familiale.
11. En septième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 de ce code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
12. Contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort de ce qui a été énoncé au point 4 du présent arrêt que le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris en considération l'ensemble des critères justifiant la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, en particulier la durée de son séjour en France comme la nature et l'ancienneté des liens dont il peut se prévaloir sur le territoire français et la circonstance qu'il s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement du territoire prises en 2015 et 2016. Par ailleurs, le préfet, qui n'était pas tenu de prendre en considération la menace à l'ordre public dont il n'entendait pas faire application, n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit.
13. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont cette décision serait entachée doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 7 et 8 du présent arrêt.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles relatives aux frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 avril 2025.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03801