Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Optical Center a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 juillet 2022 par laquelle la directrice départementale de la protection des populations de Paris lui a infligé une amende de 23 200 euros et a ordonné la publication de cette sanction, sous la forme d'un communiqué et pour une durée de trente jours, sur son site internet et sur ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la préfecture de police de Paris.
Par un jugement n° 2219906 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 janvier 2024 et 16 juillet 2024, la SAS Optical Center, représentée par la SCP Nicolas Boullez, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement contesté est entaché d'erreurs de droit et repose sur des faits matériellement inexacts ;
- la décision en litige a été prise en méconnaissance du respect du principe du contradictoire et du principe de loyauté qui doit présider à sa mise en œuvre ;
- l'administration ne pouvait faire application des dispositions des articles L. 521-1 et L. 522-1 du code de la consommation sans méconnaître l'intention du législateur visant à un usage alternatif des mesures qu'elles proposent ;
- la décision attaquée reposant sur les seules constatations opérées lors du contrôle du magasin situé boulevard Saint-Germain à Paris réalisé le 4 juin 2021, l'administration ne pouvait retenir une situation de récidive constituée par un défaut d'exécution de l'injonction prononcée à son encontre le 18 février 2022 ;
- le manquement à l'obligation de mention des coordonnées du médiateur de la consommation qui lui est reproché manque en fait et repose sur une interprétation inexacte des dispositions des articles L. 616-1 et R. 616-1 du code de la consommation ;
- en l'absence de caractère fautif de l'ensemble des griefs retenus à son encontre, la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Optical Center ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la consommation ;
- l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix ;
- l'arrêté du 28 avril 2017 relatif à l'information de l'assuré social ou de son ayant droit sur les conditions de vente des produits et prestations d'appareillage des déficients de l'ouïe et d'optique-lunetterie ;
- l'arrêté du 29 août 2019 modifiant l'arrêté du 28 avril 2017 relatif à l'information de l'assuré social ou de son ayant droit sur les conditions de vente des produits et prestations d'appareillage des déficients de l'ouïe et d'optique-lunetterie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Optical Center a fait l'objet d'une procédure de contrôle de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de Paris entre le 4 juin 2021 et le 10 février 2022. Des manquements au code de la consommation ont été constatés et consignés dans un procès-verbal dressé le 10 février 2022. Par un courrier du 14 avril 2022, la société a été informée de ces manquements et des sanctions envisagées sur le fondement des articles L. 522-1 et L. 522-6 du code de la consommation. A l'issue d'une procédure contradictoire, la directrice départementale de la protection des populations de Paris a, par une décision du 25 juillet 2022, prononcé à son encontre une sanction financière de 23 200 euros, assortie d'une mesure de publication de la décision prise sur la page d'accueil du site internet de la société et sur le site de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pendant une durée de trente jours. Par la présente requête, la SAS Optical Center relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé de la décision en litige. Par suite, la SAS Optical Center ne peut utilement soutenir que le jugement serait entaché d'erreurs de droit ou reposerait sur des faits matériellement inexacts pour en obtenir l'annulation.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 522-4 du code de la consommation : " Une copie du procès-verbal constatant les manquements passibles d'une amende administrative en est transmise à la personne mise en cause ". Aux termes de l'article L. 522-5 du même code : " Avant toute décision, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans un délai précisé par le décret mentionné à l'article L. 522-10, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales. / Passé ce délai, elle peut, par décision motivée, prononcer l'amende ". Enfin, s'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense implique que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande.
4. Il résulte de l'instruction que la société Optical Center a été informée des manquements relevés par la DDDP de Paris au cours du contrôle et des sanctions que l'administration envisageait de prendre par un courrier du 14 avril 2022 auquel était annexé le procès-verbal de constat établi le 10 février 2022. En réponse à l'invitation faite par l'administration, elle a présenté ses observations par un courrier du 17 mai 2022 reçu le 19 mai suivant. Si elle a omis de joindre à ce courrier les pièces justificatives auxquelles elle faisait référence, aucune disposition législative ou règlementaire, ni aucun principe n'imposait à l'administration d'en solliciter la production. Il est par ailleurs constant que les observations présentées par la société ont elles-mêmes été prises en considération avant que la directrice départementale de la protection des populations de Paris ne prenne la décision de sanction attaquée du 25 juillet 2022. La procédure contradictoire préalable à l'édiction de cette décision s'est ainsi déroulée dans des conditions régulières. La SAS Optical Center, qui ne précise d'ailleurs aucunement la nature des pièces qu'elle entendait joindre à ses observations et leur éventuelle incidence sur la décision prise, n'est pas fondée à soutenir que la procédure contradictoire aurait été conduite irrégulièrement ou que l'administration aurait méconnu le principe de loyauté en ne sollicitant pas la production de ces pièces.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de la consommation : " Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite (...) En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut procéder, dans les conditions prévues à l'article L. 522-5, à la liquidation de l'astreinte (...) ". Aux termes de l'article L. 522-1 du même code : " L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l'autorité compétente pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements aux dispositions mentionnées aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 et l'inexécution des mesures d'injonction relatives à des manquements constatés avec les pouvoirs mentionnés aux mêmes articles ".
6. Ces dispositions se rapportant, d'une part, aux mesures d'injonction et, d'autre part, aux sanctions financières susceptibles d'être prononcées à raison des manquements constatés au code de la consommation, ne sont pas de même nature et ne poursuivent pas le même objectif. Contrairement à ce que soutient la société Optical Center, aucune disposition du code de la consommation n'interdit à l'administration de mettre en œuvre l'une et l'autre de ces procédures et en particulier de sanctionner par une amende des manquements qui auraient préalablement fait l'objet d'une mesure d'injonction, alors même qu'aucun défaut d'exécution de cette injonction n'aurait été constaté. En l'espèce, la circonstance que, par un courrier du 18 février 2022, la directrice départementale de la protection des populations de Paris ait, sur le fondement des manquements constatés notamment dans le magasin situé sur le boulevard Saint-Germain à Paris le 4 juin 2021 et sur son site internet, enjoint à la société de se conformer à ses obligations légales dans un délai de deux mois, ne la privait pas de la possibilité de sanctionner, postérieurement à ce délai, ces mêmes manquements dans le cadre de la procédure distincte de sanction prévue par les dispositions de l'article L. 522-1 du code de la consommation.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée du 25 juillet 2022 que la directrice départementale de la protection des populations de Paris ait entendu sanctionner une situation de récidive qui résulterait de la persistance de manquements constatés le 4 juin 2021 dans le magasin parisien Optical Center du boulevard Saint-Germain. Si le courrier du 14 février 2022 par lequel l'administration a informé la société de la sanction envisagée et l'a invitée à présenter ses observations mentionne que " l'établissement a précédemment fait l'objet de constat d'infractions ", cette seule formulation retenue dans ce courrier, qui au demeurant ne présente aucun caractère décisoire, ne permet pas de démontrer que la décision en litige viserait à sanctionner une situation de récidive. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la décision attaquée serait fondée sur l'inexécution de l'injonction prononcée le 18 février 2022.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 616-1 du code de la consommation : " Tout professionnel communique au consommateur, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève. / Le professionnel est également tenu de fournir cette même information au consommateur, dès lors qu'un litige n'a pas pu être réglé dans le cadre d'une réclamation préalable directement introduite auprès de ses services ". Aux termes de l'article R. 616-1 de ce code : " En application de l'article L. 616-1, le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou, en l'absence de tels supports, par tout autre moyen approprié. Il y mentionne également l'adresse du site internet du ou de ces médiateurs ".
9. Contrairement à ce que soutient la SAS Optical Center, les dispositions précitées impliquent nécessairement que les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève soient communiquées au consommateur sur l'ensemble des supports écrits existants et utilisés dans les actes de vente. Si la SAS Optical Center, qui ne démontre aucunement que l'intention du législateur aurait été différente de celle énoncée clairement dans ce texte, fait valoir que cette information est mise à disposition des clients dans les conditions générales de vente disponibles en magasin, elle ne conteste pas qu'elle ne figurait sur aucun autre support visé par les dispositions précitées. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que ce grief ne serait pas constitué.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 112-1 du code de la consommation : " Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l'exécution des services, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation ". Aux termes de l'article L. 131-5 de ce code : " Tout manquement aux dispositions de l'article L. 112-1 définissant les modalités d'information sur le prix et les conditions de vente ainsi qu'aux dispositions des arrêtés pris pour son application est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 3 décembre 1987 : " Le prix de tout produit destiné à la vente au détail et exposé à la vue du public, de quelque façon que ce soit, notamment en vitrine, en étalage ou à l'intérieur du lieu de vente, doit faire l'objet d'un marquage par écriteau ou d'un étiquetage ".
11. La SAS Optical Center soutient que le grief tiré de la méconnaissance des dispositions précitées a été observé uniquement sur le magasin du boulevard Saint-Germain à Paris au moment où la disposition des produits venait d'être modifiée et avant que l'affichage des prix n'ait été réinstallé. Toutefois, ce manquement constaté par le procès-verbal produit à l'instance et qui fait foi jusqu'à preuve contraire conformément aux dispositions de l'article L. 512-2 du code de la consommation, n'est pas utilement contredit par les seules allégations de la société. Par ailleurs, la circonstance que ce grief ne concernerait qu'un nombre limité de produits est sans incidence sur la matérialité des faits et sur le caractère fautif de ce manquement.
12. En sixième lieu, ainsi qu'il a été énoncé au point 9, il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 616-1 du code de la consommation que les coordonnées du médiateur de la consommation doivent être communiquées au consommateur sur le site internet de la société, sur ses conditions générales de vente ou de service et sur ses bons de commande. Pour contester le caractère fautif de ce manquement dont la matérialité est établie, la société Optical Center ne peut utilement soutenir qu'il résulterait d'une interprétation erronée de ce texte.
13. En septième lieu, aux termes de l'article L. 223-2 du code de la consommation : " Lorsqu'un professionnel est amené à recueillir auprès d'un consommateur des données téléphoniques, il l'informe de son droit à s'inscrire sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique. / Lorsque ce recueil d'information se fait à l'occasion de la conclusion d'un contrat, le contrat mentionne, de manière claire et compréhensible, l'existence de ce droit pour le consommateur ".
14. Pour contester le caractère fautif du défaut d'information de sa clientèle, de son droit à s'inscrire sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique, la SAS Optical Center soutient qu'elle ne procède pas à ce type de pratique. Toutefois, les dispositions précitées conditionnent l'obligation d'information du consommateur au seul recueil de ses données téléphoniques. Par suite, alors qu'il est constant que la SAS Optical Center recueille les coordonnées téléphoniques de ses clients, la circonstance qu'elle ne procèderait à aucun démarchage en ligne reste sans incidence sur le caractère fautif de ce manquement.
15. En huitième lieu, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 28 avril 2017 modifié par l'arrêté du 29 août 2019 : " Le devis normalisé prévu au premier alinéa de l'article L. 165-9 du code de la sécurité sociale est fixé conformément aux modèles en annexe I pour les produits d'appareillage des déficients de l'ouïe, en annexe II. 1 pour les lunettes correctrices et en annexe II. 2 pour les lentilles oculaires correctrices (...) ". Les annexes à cet arrêté précisent la forme et les mentions obligatoires sur les devis normalisés en optique et audition, parmi lesquelles figure notamment, s'agissant de l'offre 100 % Santé, les montants pris en charge par l'assurance maladie obligatoire et par l'organisme complémentaire d'assurance maladie, si connu.
16. La SAS Optical Center soutient que l'absence de mention sur certains devis des informations relatives à l'offre " 100 % Santé " a été relevée uniquement au sein du magasin situé boulevard Saint-Germain à Paris, le gérant ayant omis d'activer le logiciel Cosium qui permettait d'accéder à l'information requise. En se bornant à soutenir que cette omission était purement accidentelle, la société Optical Center ne conteste pas utilement le caractère fautif de ce manquement dont la matérialité est établie et n'est d'ailleurs pas contestée.
17. Il résulte de ce qui a été énoncé aux points 10 à 16 que la sanction financière prononcée à hauteur de 23 200 euros, n'apparaît pas disproportionnée compte tenu de la nature des manquements relevés à l'occasion des contrôles réalisés et du faible montant des amendes appliquées pour chacun des griefs retenus à l'encontre de la SAS Optical Center.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Optical Center n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la directrice départementale de la protection des populations de Paris du 25 juillet 2022. Sa requête doit par suite être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Optical Center est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SAS) Optical Center et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le11 avril 2025.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA00432