Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté de la maire de Moissy-Cramayel du 8 juin 2021 portant retrait de ses délégations de fonctions et de signature et la délibération du 28 juin 2021 par laquelle le conseil municipal de cette commune s'est prononcé contre le maintien dans ses fonctions d'adjoint au maire et, d'autre part, de condamner la commune de Moissy-Cramayel à lui verser la somme globale de 54 216,08 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive de ces deux décisions.
Par un jugement n° 2106857 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Riou, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette délibération ;
3°) de condamner la commune de Moissy-Cramayel à lui verser la somme globale de 54 216,08 euros, soit 49 216,08 euros en réparation de son préjudice financier et 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
4°) d'enjoindre à la commune de Moissy-Cramayel de le rétablir dans ses fonctions d'adjoint au maire titulaire des délégations précédemment consenties, sans délai à compter de la notification de la décision à intervenir, le cas échéant sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Moissy-Cramayel la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté portant retrait de ses délégations de fonctions et de signature est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- il est en outre entaché d'un défaut de base légale, l'article L. 2122-20 du code général des collectivités territoriales (CGCT), spécifiquement relatif au retrait de délégations, ne figurant pas dans les visas de cet arrêté, ce qui l'a privé d'une garantie ;
- les faits de violence conjugale qui lui sont imputés, et sur lesquels s'est fondée la maire de la commune pour prendre la décision de retrait attaquée, ne sont pas établis ;
- il n'a pas reconnu être l'auteur de ces faits dans le courriel du 19 avril 2021 adressé à la maire, dès lors notamment qu'il n'a jamais écrit qu'il y aurait " une part de vérité " dans les accusations de violences conjugales portées à son encontre, contrairement à ce qu'a soutenu la commune par une lecture biaisée de ce courriel ;
- sa femme lui a imposé en pleine nuit une dispute de couple et a reconnu l'avoir griffé au visage, ainsi qu'il résulte de la main courante du 4 avril 2021 ;
- la maire a pris l'arrêté de retrait de délégations sur la base de simples rumeurs et de faits non démontrés, basés uniquement sur la main courante déposée par Mme B... ; or
Mme B... est coutumière de déclarations mensongères, notamment à l'occasion de diverses mains courantes et plaintes déposées par elle qui ont systématiquement abouti à des classements sans suite ;
- les constats faits par le médecin qui a prescrit quatre jours d'ITT (incapacité temporaire totale) à Mme B... doivent être remis en cause au regard des déclarations contradictoires faites par cette dernière au sujet de ses blessures ;
- contrairement à ce qu'a soutenu la commune pour les besoins de la cause, les questions liées à la lutte contre les violences faites aux femmes n'ont été ni un thème de campagne principal de la maire ni un élément central de la politique municipale ;
- les accusations portées à son encontre, pour des faits non établis et en violation de la présomption d'innocence, sont insusceptibles de porter atteinte à la bonne marche de l'administration communale ;
- il a fait preuve d'un investissement constant dans ses fonctions électives et son action au service de la commune et de la majorité municipale est exempte de tout reproche ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit ;
- son préjudice financier doit être évalué à 49 216,08 euros, correspondant à 57 mois de privation d'indemnités, sur la base d'une indemnité de fonctions mensuelle de 863,44 euros bruts ;
- son préjudice moral, particulièrement important, doit être évalué à 5 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 5 avril 2024, la commune de Moissy-Cramayel, représentée par la SELARL Landot et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au
19 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Riou, représentant M. B..., et de Me Carbonnel substituant Me Lardot, représentant la commune de Moissy-Cramayel.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été élu au conseil municipal de la commune de Moissy-Cramayel lors des élections municipales de 2014, puis réélu lors des élections municipales de 2020, dans les deux cas sur la liste menée par la maire de Moissy-Cramayel. Lors du conseil municipal du
25 mai 2020, il a été élu en qualité de neuvième adjoint au maire, auquel l'autorité précitée a consenti deux délégations, en matière de sports, par un arrêté du 16 juin 2020 et en matière d'admission en soins psychiatriques sans consentement en cas de danger imminent, par un arrêté du 30 juin 2020. Par un arrêté du 8 juin 2021, la maire de Moissy-Cramayel a abrogé ces deux arrêtés, mettant fin aux deux délégations consenties à M. B.... Par une délibération du
28 juin 2021, le conseil municipal de Moissy-Cramayel s'est prononcé contre le maintien en fonctions de M. B... en sa qualité de neuvième maire-adjoint. Par lettre en date du
20 juillet 2021, reçue le 22 juillet 2021 par la commune de Moissy-Cramayel, M. B... a demandé à la maire de la commune de l'indemniser, à hauteur de la somme globale de
54 216,08 euros, des préjudices qu'il estimait avoir subis à raison de l'illégalité de ces décisions. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé sur cette demande. M. B... relève appel du jugement du 6 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux décisions des 8 juin 2021 et 28 juin 2021 et à la condamnation de la commune de Moissy-Cramayel à lui verser la somme précitée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de la maire de Moissy-Cramayel du 8 juin 2021 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 2° Infligent une sanction / (...) /
4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision par laquelle le maire met fin à la délégation consentie à un adjoint ou à un autre membre du conseil municipal n'a pas le caractère d'une sanction. En outre, une telle décision abroge un acte de nature réglementaire. Par conséquent, l'arrêté attaqué n'entre dans aucune des catégories de décisions qui, en vertu des dispositions précitées de l'article
L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, doivent être motivées. Au demeurant, cet arrêté comporte les considérations de droit et les considérations de fait qui en constituent le fondement, à savoir, s'agissant notamment de ces dernières, " une perte de confiance quant au respect de certaines valeurs portées par la municipalité " et un souci de préservation de l'image de la commune. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En second lieu, si M. B... soutient que les dispositions de l'article L. 2122-20 du code général des collectivités territoriales ne sont pas mentionnées dans les visas de l'arrêté attaqué, cette circonstance est par elle-même sans incidence sur la légalité de l'arrêté. Il ressort au demeurant de l'arrêté du 8 juin 2021 que ces visas mentionnent le code général des collectivités territoriales ainsi que, spécifiquement, l'article L. 2122-18 de ce code, relatif au régime des délégations de fonctions consenties par le maire à ses adjoints. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale du fait de l'absence de visa des textes applicables doit être écarté.
5. Enfin, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal. / Lorsque le maire a retiré les délégations qu'il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions ". Aux termes de l'article L. 2122-20 du même code : " Les délégations données par le maire en application des articles L. 2122-18 et L. 2122-19 subsistent tant qu'elles ne sont pas rapportées. ". Il résulte de ces dispositions qu'il est loisible au maire d'une commune, sous réserve que sa décision ne soit pas inspirée par des motifs matériellement inexacts ou étrangers à la bonne marche de l'administration communale, de mettre un terme, à tout moment, aux délégations de fonctions qu'il avait données à l'un de ses adjoints ou à un autre membre du conseil municipal.
6. Il ressort des pièces du dossier que la décision de la maire de Moissy-Cramayel d'abroger les deux délégations de fonctions consenties à M. B... a été prise en considération, d'une part, d'une main courante déposée par l'épouse de ce dernier le 4 avril 2021 à
10 heures 10, faisant état de ce que, vers 5 heures de ce même 4 avril, M. B... aurait exercé des violences physiques à son encontre et, d'autre part, d'un certificat médical du médecin traitant de Mme B..., également du 4 avril 2021, mentionnant que cette dernière présentait une plaie cutanée au niveau de la lèvre inférieure droite, un hématome récent de trois centimètres de la face antérieure de l'avant-bras droit, une douleur au poignet gauche ainsi qu'une " douleur cervicale gauche ", et prescrivant à l'intéressée une ITT (interruption temporaire totale) de quatre jours. La maire a ainsi considéré que le comportement de M. B..., désigné comme l'auteur de violences conjugales, était en opposition complète avec les thématiques relatives aux droits des femmes et à la prévention des violences conjugales et intrafamiliales portées par l'équipe municipale, tant à l'occasion des campagnes électorales de 2014 et de 2020 que dans son action quotidienne, et de nature à rompre le lien de confiance qu'elle entretenait avec son adjoint.
7. M. B... soutient que les violences conjugales qui lui sont reprochées ne sont pas établies, dès lors notamment qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation ni de quelconques poursuites pénales au regard de tels faits. Il soutient par ailleurs que, contrairement à ce que soutient la commune de Moissy-Cramayel sur la base d'un courriel du 19 avril 2021 qu'il a adressé à la maire, dont la lecture a été, selon lui, biaisée, il n'a pas reconnu être l'auteur de telles violences. A cet égard, si M. B... fait valoir, par un " témoignage " daté du 25 août 2023, soit postérieur de plus de deux ans aux faits litigieux, que le 4 avril 2021, son épouse l'aurait agressé, notamment en le griffant au visage, avant qu'il ne tente de la maîtriser et que celle-ci se serait infligée elle-même des blessures ou contusions en lui résistant violemment, il ne produit aucune pièce de nature à établir qu'il aurait été victime de violences de la part de son épouse, la seule photographie de son visage insérée dans un courriel adressé à cette dernière le jour des faits étant insuffisante à le démontrer. Par suite et quelles que soient les circonstances précises des faits survenus le 4 avril 2021, M. B..., qui se borne à soutenir que son épouse serait coutumière de déclarations mensongères et à invoquer une prétendue contradiction entre les constatations du médecin de Mme B... et les déclarations faites par elle dans sa main courante au sujet de ses blessures ou douleurs ressenties, ne peut être regardé comme justifiant qu'il a été étranger aux faits de violence conjugales et que les décisions attaquées auraient été prises sur le fondement de " rumeurs " ou d'accusations diffamatoires.
8. En outre, il ressort des pièces du dossier que la lutte contre les violences faites aux femmes et les discriminations, ainsi que, d'une manière plus générale, celle pour l'égalité entre les hommes et les femmes, constituent des éléments centraux de l'action politique de la majorité municipale depuis 2014, ainsi qu'en attestent, notamment, les nombreuses manifestations organisées par la ville sur ce thème, les nombreux éditoriaux et dossiers qui leur sont consacrés dans le bulletin communal ainsi que la désignation d'un élu délégué à l'égalité entre les femmes et les hommes à l'occasion du renouvellement de l'équipe municipale en 2020. Par suite, en retirant à M. B... ses délégations au motif d'une " perte de confiance quant au respect de certaines valeurs portées par la municipalité et pour préserver l'image de la commune ", la maire de Moissy-Cramayel, qui pouvait se fonder sur les violences dans lesquelles était impliqué son adjoint, alors même qu'il s'agit de faits purement privés, dès lors qu'ils étaient de nature à porter atteinte à la cohésion et à l'image de l'équipe municipale dans le contexte précité, a pris une décision qui ne repose pas sur des motifs matériellement inexacts et n'a pas été inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l'administration communale. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
En ce qui concerne la délibération du 28 juin 2021 du conseil municipal de Moissy-Cramayel :
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8, le conseil municipal de Moissy-Cramayel n'a entaché la délibération du 28 juin 2021 par laquelle il s'est prononcé contre le maintien de M. B... dans ses fonctions d'adjoint au maire ni d'une erreur de droit ni d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. M. B... ne pouvant se prévaloir d'aucune illégalité fautive concernant tant l'arrêté du maire de Moissy-Cramayel du 8 juin 2021 portant retrait de ses délégations de fonctions et de signature que la délibération du 28 juin 2021 par laquelle le conseil municipal de cette commune s'est prononcé contre son maintien dans ses fonctions d'adjoint au maire, ses conclusions indemnitaires ne peuvent être que rejetées.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande à fin d'annulation des décisions en litige et de condamnation de la commune de Moissy-Cramayel à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Moissy-Cramayel, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... le versement à la commune de Moissy-Cramayel de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens de la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Moissy-Cramayel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Moissy-Cramayel.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme Bruston, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2025.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
M. DOUMERGUELa greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23PA03920