Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis, d'une part, au titre des années 2014 et 2015, et d'autre part, au titre de l'année 2016.
Par un jugement nos 2003992, 2004046/9 du 28 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes après les avoir jointes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 janvier, 10 mai et 30 mai 2024, et 7 mars 2025, M. et Mme B..., représentés par Me Marchesseau, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2003992, 2004046/9 du 28 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'avis rendu le 23 septembre 2019 par la commission départementale des impôts directs l'a été au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que la commission a écouté le représentant de l'administration en l'absence du représentant de la société FR Bâtiment, en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;
- la commission, en estimant le 23 septembre 2019 que le premier avis qu'elle avait rendu en septembre 2017 l'avait été au terme d'une procédure irrégulière, a porté sans compétence une appréciation sur un point de procédure, sur la base d'une information qui n'a pas été communiquée au représentant de la société, en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;
- le représentant de l'entreprise n'a présenté lors de cette séance aucune observation orale sur le bien-fondé des rehaussements, contrairement à ce qui est indiqué dans l'avis ;
- en émettant un second avis en septembre 2019 sur le bien-fondé des rehaussements en litige, la commission a violé l'autorité de la chose jugée attachée au premier avis rendu en septembre 2017 ;
- la nullité du second avis de 2019 amenant à constater l'absence de notification au contribuable du premier avis de septembre 2017, les impositions en litige ont été mises en recouvrement en méconnaissance des articles L. 59, R. 59-1, R. 60-3, et R. 61 A du livre des procédures fiscales ;
- les premiers juges se sont dispensés à tort d'examiner la régularité du second avis de 2019 conditionnant la réponse à leur moyen visant le premier avis de septembre 2017 ;
- le montant des bénéfices industriels et commerciaux arrêté au titre de l'année 2016 est exagéré ;
- le tribunal s'est mépris sur la portée de leurs écritures en considérant qu'ils ne contestaient que la méthode d'évaluation du résultat et non son caractère exagéré, et qu'ils visaient le résultat de 2015 et non celui de 2016 ;
- la majoration pour non-adhésion à une association de gestion agréée appliquée sur le fondement du 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts méconnaît l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conformément à la jurisprudence " Waldner " de la Cour européenne des droits de l'homme, et doit entraîner la décharge de l'ensemble du rehaussement auquel le coefficient a été appliqué ;
- le montant du dégrèvement prononcé le 28 mai 2024 est erroné, s'agissant de l'année 2015, et devrait être augmenté de 3 332 euros en droits, 67 euros en intérêts et 1 332 euros en pénalités.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 mai 2024 et 5 mars 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer partiel, à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 21 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Segretain,
- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... était l'associé unique de l'EURL FR Bâtiment dont l'objet social est la maçonnerie générale, la rénovation de l'habitat, l'électricité, la plomberie, la peinture et la plâtrerie. A la suite de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet et de l'examen de leur situation fiscale personnelle relatif à l'année 2016, M. et Mme B... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2014 à 2016. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 28 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des impositions en litige, en droits et pénalités.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 28 mai 2024, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a prononcé le dégrèvement partiel, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, à concurrence d'un montant total de 122 702 euros. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, si les requérants font valoir que les premiers juges se sont mépris sur la portée de leurs écritures en considérant qu'ils ne contestaient que la méthode d'évaluation du résultat et non son caractère exagéré, et qu'ils visaient le résultat de 2015 et non celui de 2016, et doivent être regardés comme soutenant ainsi que le tribunal aurait omis de répondre à ce moyen opérant, il ressort du jugement attaqué, et en particulier de son point 29, pourtant cité dans leurs écritures d'appel, relatif à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2016, que le tribunal a jugé que les requérants n'établissaient pas le caractère exagéré de l'imposition mise à leur charge, en écartant les arguments soulevés au soutien de ce moyen. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.
4. En second lieu, il ressort du jugement attaqué que le tribunal a répondu, au point 11, aux moyens tirés de l'irrégularité de l'avis rendu le 23 septembre 2019 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges se seraient dispensés à tort d'examiner la régularité de l'avis de 2019 doit être écarté comme manquant en fait.
Sur la régularité de la procédure :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission (...) ". Il résulte de ces dispositions que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications soumises à l'examen de la commission. Par suite, les moyens tirés de ce que la commission départementale des impôts direct a rendu son avis du 23 septembre 2019 au terme d'une procédure irrégulière, qu'elle y a porté sans compétence une appréciation sur un point de procédure, qu'elle y indique à tort que le représentant de l'entreprise a présenté des observations orales sur le bien-fondé des rehaussements, et qu'en le rendant, elle a violé l'autorité de la chose jugée attachée au premier avis rendu en septembre 2017, n'affectent pas, en tout état de cause, la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la société FR Bâtiment comme de M. et Mme B..., et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition en litige.
6. En second lieu, dès lors que M. et Mme B... ont bénéficié de la garantie tirée de la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a rendu son avis le 23 septembre 2019, l'éventuelle irrégularité qui frappe cet avis, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, n'a pas pour effet de placer les contribuables dans une situation où cet avis n'aurait pas été rendu et où ils pourraient invoquer utilement une irrégularité touchant la première saisine de la même commission en septembre 2017. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
7. En premier lieu, en vertu des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, dès lors que les bases d'imposition de l'EURL FR Bâtiment en matière de bénéfices industriels et commerciaux au titre de 2016 ont fait l'objet d'une évaluation d'office dont la régularité n'est pas contestée, fondée sur les dispositions du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, les requérants supportent la charge de prouver le caractère exagéré des impositions en litige.
8. Il résulte de l'instruction, et en particulier des propositions de rectification des 26 mai et 26 juillet 2019, notifiées respectivement à la société FR Bâtiment et à M. et Mme B..., que, pour évaluer d'office le chiffre d'affaires réalisé par la société en 2016, le vérificateur a considéré qu'il était identique à celui qu'elle avait réalisé l'année précédente, s'élevant à 347 677 euros. Les requérants soutiennent qu'il est exagéré, et ne saurait dépasser le montant de 353 077 euros, soit 294 231 euros hors taxe, qui ressortirait des relevés bancaires de la société, et font valoir que celle-ci était en cessation de paiement à compter du 15 janvier 2016 puis en liquidation judiciaire. L'administration fait toutefois valoir, sans être contestée en réplique, que le montant des encaissements bancaires de la société en 2016, qu'elle détaille dans un tableau, s'élevait, après avoir extourné un crédit bancaire de 25 000 euros reçu le 1er juin 2016, à 533 631 euros, excédant largement les recettes toutes taxes comprises revendiquées par la société comme le montant évalué d'office. Elle relève également qu'il ressort de l'extrait K-bis de la société versé aux débats qu'il comporte en marge la mention, datée du 21 novembre 2017, d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 octobre 2017 qui " annule le jugement du tribunal de commerce de Melun du 13 mars 2017 en ce qu'il a prononcé la liquidation judiciaire ". Par suite, les requérants n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, du caractère exagéré de l'imposition.
9. En deuxième lieu, les requérants ne soutiennent pas sérieusement que la méconnaissance, par le dispositif légal énoncé au 1° alors en vigueur du 7 de l'article 158 du code général des impôts prévoyant l'application d'un coefficient de 1,25 aux bénéfices réalisés par une société n'ayant pas adhéré à un organisme agréé, de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tel que l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt " Waldner " rendu le 7 décembre 2023, a pour effet d'entraîner la décharge de l'intégralité des rehaussements auxquels ce coefficient a été appliqué.
10. Enfin, les requérants contestent le montant du dégrèvement partiel des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 prononcé en cours d'instance par l'administration le 28 mai 2024, en application de l'arrêt " Waldner " précité, ayant selon eux pour incidence de ramener les bénéfices industriels et commerciaux en cause à un montant de 377 277 euros. Ils font valoir en conséquence que, compte tenu de leur situation et des règles applicables, le dégrèvement de 39 114 euros en droits et 16 428 euros en pénalités devrait s'élever à 42 446 euros en droits et 17 827 euros en pénalités, dont 849 euros en intérêts de retard au lieu de 782 euros. Il résulte toutefois de l'instruction que la suppression du coefficient de 1,25 n'a porté que sur les rehaussements en litige en matière de bénéfices industriels et commerciaux, s'élevant à 347 677 euros, et non sur la totalité de ces bénéfices, les bases imposables déclarées et soumises à l'imposition primitive, s'élevant à 37 000 euros après application du coefficient de 1,25, n'ayant pas fait l'objet d'un rehaussement et n'étant pas incluses dans le présent litige. L'administration était, par suite, fondée à limiter le dégrèvement prononcé au quantum retenu, en droits et pénalités, par la décision du 28 mai 2024.
11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par les requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2025.
Le rapporteur,
A. SEGRETAIN La présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00259 2