Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A..., propriétaire exploitante de la pharmacie du Golf, a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France du 18 octobre 2019 ayant autorisé le transfert de la pharmacie B... du
25 place de la libération à Ezanville (95460) vers le local situé 14 boulevard des sports à Bailly-Romanvilliers (77700) ainsi que la décision implicite du ministre en charge de la santé ayant rejeté le recours hiérarchique dirigé contre cette décision.
Par un jugement du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France du 18 octobre 2019 et la décision de rejet du recours hiérarchique avec un effet différé de sept mois à compter de sa notification.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête, et un mémoire, enregistrés sous le numéro 24PA00077 les 5 janvier 2024 et 22 octobre 2024, la Selarl Pharmacie de Bailly, représentée par Me Bembaron, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2002352 du 7 novembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le dossier de demande de transfert de pharmacie qu'elle a présenté était complet ; la création d'un sas de livraisons n'est pas obligatoire ; l'absence d'autorisation de travaux pour la création d'un sas de livraisons n'était pas de nature à fausser l'appréciation portée par l'ARS ; le moyen retenu par le tribunal pour annuler les décisions contestées n'est donc pas fondé ;
- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2024, Mme A..., représentée par Me Daver et Me Fontaine de la société d'avocats Fidal, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la Selarl Pharmacie de Bailly au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée au ministre en charge de la santé qui n'a produit aucune écriture.
II- Par une requête enregistrée le 10 janvier 2024, sous le numéro 24PA00178, la Selarl Pharmacie de Bailly représentée par Me Bembaron, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2002352 du 7 novembre 2023 du tribunal administratif de Melun.
Elle soutient que les conditions prévues aux articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies dès lors que les moyens qu'elle invoque à l'appui de sa requête au fond paraissent sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement comme le rejet des conclusions accueillies par ce jugement.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 février 2024, Mme A..., représentée par
Me Daver et Me Fontaine de la société d'avocats Fidal, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la Selarl Pharmacie Bailly au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée au ministre en charge de la santé qui n'a produit aucune écriture.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 30 juillet 2018 fixant la liste des pièces justificatives accompagnant toute demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Palis De Koninck,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- les observations de Me Bembaron, représentant la Selarl Pharmacie de Bailly ;
- et les observations de Me Rossignol, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 juin 2019, M. B..., pharmacien titulaire de l'officine située 25 place de la libération à Ezanville (95460) a sollicité son transfert vers le local situé 14 boulevard des sports à Bailly-Romainvilliers (77700). Par un arrêté du 18 octobre 2019, le directeur général de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France a autorisé le transfert sollicité. Par un courrier daté du 29 novembre 2019, reçu le 4 décembre suivant, Mme D... A..., propriétaire exploitante de l'officine Pharmacie du Golf située à Bailly-Romainvilliers, a formé un recours hiérarchique contre cet arrêté. Une décision implicite de rejet de ce recours administratif est née le 4 février 2020. Par un jugement n° 2002352 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France du 18 octobre 2019 et la décision de rejet du recours hiérarchique avec un effet différé de sept mois à compter de sa notification. La Selarl pharmacie de Bailly qui a racheté l'officine de M. B... en 2020, relève appel de ce jugement et demande, en outre, à la Cour de surseoir à son exécution.
Sur la jonction :
2. Les requêtes nos 24PA00077 et 24PA00178 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité des décisions contestées :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique la demande de transfert d'une officine : " est accompagnée d'un dossier comportant : (...) /4° Les éléments permettant de vérifier le respect des conditions minimales d'installation prévues aux articles
R. 5125-8 et R. 5125-9. /La liste des pièces justificatives correspondantes est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 30 juillet 2018 fixant la liste des pièces justificatives accompagnant toute demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie : " Le dossier accompagnant toute demande de création, transfert ou regroupement d'officines de pharmacie, à l'exception de celles portant sur l'ouverture d'une officine au sein d'un aéroport en application de l'article L. 5125-7 du code de la santé publique, comprend également les éléments suivants : (...)/ 4° Les documents suivants : / c) Le cas échéant, lorsque l'aménagement du local implique une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux au titre du code de l'urbanisme, le permis de construire, exprès ou tacite, ou la décision de non-opposition à la déclaration de travaux, délivrés par l'autorité compétente ; /d) Si la demande d'autorisation n'implique ni une demande de permis de construire ni une déclaration de travaux au titre du code de l'urbanisme, une attestation sur l'honneur précisant que les travaux envisagés ne sont soumis ni à autorisation ni à déclaration .(...) " . Aux termes de l'article R. 5125-8 du code de la santé publique relatif aux conditions d'installation : " (...) Lorsque des livraisons sont envisagées en dehors des heures d'ouverture, l'officine est aménagée de façon à permettre l'isolement des médicaments et autres produits livrés. (...)".
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : a) Les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant, à l'exception des travaux de ravalement ; (...). ".
5. Il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de création ou de transfert d'officine de pharmacie de vérifier le caractère complet du dossier présenté à l'appui de cette demande. A ce titre, un dossier ne peut être regardé comme complet sans la production de l'autorisation d'urbanisme requise ou des documents justifiant de son obtention tacite, alors même que l'intéressé attesterait sur l'honneur que les travaux programmés ne sont soumis à la délivrance d'aucune autorisation. En revanche, en dehors du cas de fraude, lorsque le demandeur produit à l'appui de sa demande une autorisation d'urbanisme ou les documents justifiant du bénéfice d'une telle autorisation, il n'appartient pas à l'autorité chargée d'autoriser la création ou le transfert de l'officine d'apprécier la légalité de ces décisions administratives. La circonstance que le dossier de demande ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de la santé publique pour l'examen de cette demande, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation que l'autorité administrative devait porter sur la conformité du projet à la réglementation applicable, y compris sur l'application du droit d'antériorité, par rapport aux demandes ultérieures concurrentes, prévu par l'article L. 5125-5 du code de la santé publique.
6. Contrairement à ce que soutient la Selarl pharmacie de Bailly, il résulte des dispositions précitées que l'aménagement des locaux permettant l'isolement des médicaments livrés, par exemple par la création d'un sas de livraisons, fait partie des conditions minimales d'installation d'une officine et qu'elle est, de ce fait, obligatoire lorsque des livraisons doivent être réalisées en dehors des horaires d'ouverture. Si le dossier de demande de transfert présenté par M. B... n'apportait aucune précision sur les modalités selon lesquelles les livraisons seraient organisées, il est constant que le plan des locaux de la future officine produit à l'appui de ce dossier faisait apparaitre l'existence d'un sas de livraison au fond du local doté d'une porte d'entrée indépendante. L'avis favorable émis par le pharmacien inspecteur sur la demande de transfert a, sur ce point, expressément indiqué qu'un sas de livraison protégé et aménagé de façon à isoler les produits était prévu et que la condition de pouvoir isoler les livraisons en dehors des horaires d'ouverture était remplie. Contrairement à ce qu'il a pu retenir pour d'autres conditions minimales d'installation, le pharmacien inspecteur n'a pas considéré que celle de l'aménagement des locaux pour isoler les médicaments livrés était sans objet mais bien qu'elle était effectivement remplie. Aussi, il y a lieu de considérer que l'officine transférée avait organisé son local de tel sorte qu'elle puisse réceptionner des livraisons en dehors des horaires d'ouverture.
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du plan du local produit à l'appui de la demande de transfert, qu'une porte devait être créée au niveau du sas de livraison, cette porte n'étant pas marquée comme existante. Les photographies produites par Mme A... en première instance font apparaitre la présence d'une vitrine en lieu et place de la future porte. Or, il ressort des dispositions précitées du code de l'urbanisme que la modification de l'aspect extérieur du bâtiment, en l'espèce par la création d'une porte, suppose une déclaration préalable de travaux. A l'appui de sa demande de transfert, M. B... n'a produit aucune décision de non opposition à déclaration préalable. Il s'est borné à joindre à son dossier une attestation sur l'honneur selon laquelle aucun permis de construire ou déclaration de travaux n'était nécessaire. Le dossier de demande de transfert déposé par M. B... était donc incomplet.
8. Dans la mesure où l'aménagement des locaux permettant d'isoler les médicaments réceptionnés en dehors des horaires d'ouverture de l'officine figurent parmi les conditions minimales d'installation que doivent remplir les officines de pharmacie en application des dispositions de l'article R. 5125-8 du code de la santé publique, l'absence d'autorisation d'urbanisme permettant de créer la porte accédant à ce sas est de nature à avoir faussé l'appréciation que l'agence régionale de santé a portée sur la conformité du projet de transfert à la réglementation applicable. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu comme fondé le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande de transfert déposé par M. B.... La circonstance que, postérieurement aux décisions attaquées, une modification des conditions d'exploitation ait été déclarée à la suite de l'achat du local adjacent ne rendant plus nécessaire la création d'un sas de livraison est sans incidence sur la légalité de ces décisions.
9. Il résulte de ce qui précède que la Selarl pharmacie de Bailly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France du 18 octobre 2019 et la décision du ministre en charge de la santé rejetant le recours hiérarchique de Mme A....
Sur le sursis à exécution :
10. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 24PA00077 de la Selarl pharmacie de Bailly tendant à l'annulation du jugement du 7 novembre 2023 du tribunal administratif de Melun, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 24PA00178 par laquelle la société requérante sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge Mme D... A..., propriétaire exploitante de l'officine Pharmacie du Golf, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la Selarl pharmacie de Bailly demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros à verser à
Mme A....
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu à statuer sur la requête de la Selarl pharmacie de Bailly n° 24PA00178.
Article 2 : La requête n° 24PA00077 de la Selarl pharmacie de Bailly est rejetée.
Article 3 : La Selarl pharmacie de Bailly versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Selarl pharmacie Bailly, à Mme D... A... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Philippe Delage, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Mélanie Palis De Koninck première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2025.
La rapporteure,
M. PALIS DE KONINCKLe président,
Ph. DELAGE
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 24PA00077, 24PA00178