Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée (SAS) TD Synnex France a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 27 janvier 2021 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant de 770 000 euros pour manquement à l'article L. 441-6 I, alinéa 9 du code de commerce et une amende administrative de 30 000 euros pour manquement à l'article L. 441-6 I, alinéa 11 de ce même code, et, à titre principal, de la décharger des sommes correspondantes ou, à titre subsidiaire, d'annuler la décision en tant qu'elle est disproportionnée et réduire les montants des sanctions administratives. Par un jugement n° 2102752 du 20 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire récapitulatif enregistrés les 20 décembre 2023 et 24 octobre 2024, la SAS TD Synnex France, représentée par Me Hasday, demande à la Cour : 1°) de surseoir à statuer en application de l'article 23-3, alinéa 1er de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, dès lors que les questions prioritaires de constitutionnalité seront transmises ou, en cas de non transmission dans l'hypothèse visée à l'article R. 771-6 du code de justice administrative et ce, jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'Etat ; 2°) d'annuler le jugement n° 2102752 du 20 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 janvier 2021 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France prononçant à son encontre deux amendes administratives pour manquement à l'article L. 441-6, I, alinéas 9 et 11 du code de commerce ; 3°) d'annuler cette décision ; 4°) à titre principal, de la décharger des sommes correspondantes et, à titre subsidiaire, de réduire les montants des sanctions administratives ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société soutient que : - le jugement contesté est entaché d'un défaut de motivation, d'omission de réponse à des moyens, et de méconnaissance de l'office du juge en matière de contrôle des sanctions ; - il est entaché d'erreur de droit et de violation des principes de légalité et de non-cumul des peines ; - la décision attaquée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît le principe d'impartialité des juridictions ; - elle méconnaît le principe de légalité des délits ; - elle méconnaît le principe de non-cumul des peines eu égard aux dispositions également prévues à l'article L. 441-6, I, alinéa 8 du code de commerce ; - elle méconnaît le principe de légalité des peines faute de critère définissant le montant des sanctions prononcées ; - elle méconnaît le principe d'égalité de traitement eu égard à l'absence de critère définissant le montant des sanctions prononcées et à son caractère arbitraire ; - elle méconnaît les principes de personnalité et d'individualisation des peines ; - les sanctions prononcées sont disproportionnées. Par un mémoire en défense enregistré le 27 août 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Par un mémoire distinct enregistré le 24 octobre 2024, la SAS TD Synnex France a demandé à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité soulevant les moyens tirés de ce que l'absence de séparation entre l'autorité investie du pouvoir d'enquête et de poursuite et celle investie du pouvoir de sanction constitue une atteinte au principe d'impartialité qui conditionne l'exercice effectif des droits de la défense, et de ce que la décision attaquée méconnaît le principe de légalité des délits et des peines en faisant application de dispositions légales contraires à l'objectif constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Par une ordonnance n° 23PA05290 du 13 décembre 2024, le président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; - le code de commerce ; - le code général des impôts ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public, - et les observations de Me Hasday pour la société TD Synnex France. Considérant ce qui suit : 1. La SAS Tech Data France exerçait une activité de commercialisation et de distribution en gros de produits informatiques, logiciels et produits informatiques grand public. Elle a fait l'objet d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier au 30 juin 2018 concernant les délais de paiement de ses fournisseurs. Par une décision en date du 27 janvier 2021, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant total de 800 000 euros. Par un jugement n° 2102752 du 20 octobre 2023 dont la SAS TD Synnex France, venant aux droits de la société Tech Data France, interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 27 janvier 2021 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France prononçant à son encontre deux amendes administratives pour manquement à l'article L. 441-6 I, alinéas 9 et 11, du code de commerce et à la décharge des sommes correspondantes. Sur la régularité du jugement : 2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Melun a omis de répondre au moyen invoqué par la SAS TD Synnex France tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense, qui n'était pas inopérant. Le jugement attaqué doit être annulé en raison de cette omission, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés en cause de régularité. 3. Il y a lieu de de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de la SAS TD Synnex France dirigées contre les sanctions administratives contestées. Sur les sanctions administratives : 4. En premier lieu, d'une part, aux termes du IV de l'article L. 470-2 du code de commerce : " Avant toute décision, l'administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales. / Passé ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 6. La décision attaquée du 27 janvier 2021, qui vise les articles L. 470-2 et L. 441-6 I, alinéas 9 et 11, du code de commerce sur lesquels elle est fondée, expose avec suffisamment de précision les motifs de droit et de fait ayant conduit à prononcer les amendes en litige, notamment les manquements de la société Tech Data France durant la période de contrôle. Elle précise, en outre, la période du contrôle, le nombre et le pourcentage de factures payées en retard, le nombre de fournisseurs victimes, le retard moyen pondéré constaté et le montant en avantage de trésorerie généré par la pratique. Elle comporte ainsi tous les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement. A cet égard, les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce ne comportent pas de modalité ou de critère de détermination de l'amende par référence au montant d'une ou plusieurs factures réglées avec retard, à la part des factures réglées avec retard, ou au montant du gain de trésorerie en résultant, mais déterminent seulement un montant maximum d'amende, montant susceptible d'être réduit, ou, dans l'hypothèse de manquements réitérés au cours d'une période de deux ans à compter de la date à laquelle une précédente sanction est devenue définitive, doublé. Enfin, s'agissant de la détermination du montant de la sanction en cause, le procès-verbal communiqué à la société requérante comporte l'exposé du calcul de l'avance de trésorerie sur le fondement de laquelle est déterminé le montant de l'amende, ainsi que la liste des factures vérifiées et les délais retenus. La décision n'avait pas, à cet égard, à motiver autrement le montant de l'amende prononcée, notamment par référence aux sanctions prononcées à l'égard d'autres sociétés. Elle répond en outre de façon circonstanciée et détaillée aux observations formulées par la société dans le cadre du débat contradictoire mené en amont de son édiction et indique qu'elle a réduit le montant total de la sanction afin de tenir compte des difficultés rencontrées par la société pendant la crise sanitaire. Quant à la sanction complémentaire de publication, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 441-6 du code de commerce dans sa version applicable aux faits de l'espèce, désormais transposé aux articles L. 441-10, L. 441-11 et L. 441-16 du code de commerce pour ce qui concerne les dispositions applicables au présent litige : " I. (...) Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture (...) Nonobstant les dispositions précédentes, pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d'agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d'émission de la facture. (...) VI. - Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et deux millions d'euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième, onzième et dernier alinéas du I du présent article ". 8. Pour invoquer l'irrégularité de la procédure menée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (Direccte) d'Ile-de-France, la société TD Synnex France fait valoir que le respect des droits de la défense suppose la mise en œuvre d'une procédure contradictoire préalable au prononcé de la sanction au cours de laquelle l'administration doit fournir les éléments de nature à permettre à l'entité contrôlée de contester les termes du contrôle et ce notamment au regard de la violation des principes de légalité des peines et délits, d'égalité de traitement ou de proportionnalité. Elle observe, par ailleurs, qu'aucune méthode de détermination de la sanction n'a été prévue par le législateur dans les dispositions de l'article L. 441-6 VI du code de commerce et que l'administration ne lui a communiqué la méthode ayant servi à la détermination de la sanction infligée ni au stade du contrôle ni au stade de la procédure initiée devant le tribunal administratif ce qui ne lui a pas permis de fait valoir ses droits. 9. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a dûment informé la société TD Synnex France par un courrier en date du 22 septembre 2020 que lors du contrôle réalisé par ses services qui a donné lieu à la rédaction d'un procès-verbal de constat en date du 18 septembre 2020, dont une copie a été jointe au courrier précité, des manquements ont été mis en évidence des retards de paiement concernant les factures de ses fournisseurs et qu'il était envisagé de lui infliger une amende administrative. Il lui a été précisé que conformément aux dispositions de l'article L. 470-2 IV du code de commerce cités au point 4 du présent arrêt elle disposait d'un délai de 60 jours à compter de la notification du courrier pour faire valoir ses observations par écrit et le cas échéant oralement et qu'elle avait également la possibilité de prendre connaissance de l'ensemble des pièces du dossier et de se faire assister du conseil de son choix. De même, il n'est pas allégué que la société aurait demandé un rallongement de ce délai de 60 jours ou aurait fait part de ses difficultés à présenter ses observations du fait de ce délai devant l'administration. Enfin, les dispositions du code de commerce dont il a été fait application énoncent clairement les obligations relatives aux délais de paiement auxquels sont astreintes les entreprises et les sanctions afférentes. Si les dispositions précitées de l'article L. 441-6 du code de commerce ne comportent pas de modalité ou de critère de détermination de l'amende par référence au montant d'une ou plusieurs factures réglées avec retard, à la part des factures réglées avec retard, ou au montant du gain de trésorerie résultant de ce retard, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, elles déterminent un montant maximum d'amende, applicable en cas de paiement de factures effectué avec retard en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 441-6 du code de commerce, ce montant étant susceptible d'être réduit, ou, dans l'hypothèse de manquements réitérés au cours d'une période de deux ans à compter de la date à laquelle une précédente sanction est devenue définitive, doublé, le principe et le montant de l'amende pouvant être contestés devant le juge administratif notamment au regard des principes de légalité, de nécessité, de personnalité et de proportionnalité des peines. Dans ces conditions, la SAS TD Synnex France a été mise en mesure de faire utilement valoir ses observations à l'issue de la procédure de contrôle, conformément au IV de l'article L. 470-2 du code de commerce et aucune atteinte au principe du contradictoire ne peut être invoquée. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense doivent être écartés. 10. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". 11. Il résulte des termes des points 67 à 69 de la décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014 du Conseil constitutionnel que l'attribution à la Direccte, autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, de la compétence, d'une part, pour constater les infractions et manquements aux obligations posées par les diverses dispositions du code de commerce, enjoindre au professionnel de se conformer à celles-ci, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite et, d'autre part, pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements relevés, ne méconnaît pas le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle. Par ailleurs, si les poursuites engagées par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en vue d'infliger des sanctions financières sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce constituent des accusations en matière pénale, au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'en résulte pas que la procédure administrative doive respecter les stipulations de cet article, dès lors, d'une part, que ni la Direccte, ni son directeur, compétents pour prendre les mesures de sanction, ne peuvent être regardés comme un tribunal, au sens des stipulations de cet article, et, d'autre part, que la décision de sanction peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative, conformément aux exigences de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, le principe d'impartialité, qui est un principe général du droit s'imposant à tous les organismes administratifs, n'impose pas qu'il soit procédé au sein de la Direccte, qui n'est pas une autorité administrative indépendante mais un service de l'Etat, à une séparation des fonctions de poursuite et de sanction dès lors que le pouvoir de sanction de l'administration est aménagé, sous le contrôle du juge, comme en l'espèce, de façon à assurer notamment le respect des droits de la défense et des principes de légalité, de nécessité, de personnalité et de proportionnalité de la sanction, le caractère contradictoire de la procédure, et l'impartialité de la décision. Il en résulte que la SAS TD Synnex France n'est pas fondée à soutenir que le cumul des pouvoirs de constatation et de répression des infractions par la Direccte méconnaîtrait le principe d'impartialité ou tout autre principe, stipulation ou disposition imposant la séparation des autorités administratives responsables du déclenchement des poursuites et de leur sanction. 12. En quatrième lieu, appliquée en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des infractions sanctionnées se trouve satisfaite, en matière administrative, dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent, de l'institution dont ils relèvent ou de la qualité qu'ils revêtent. En l'espèce, les dispositions litigieuses imposent des obligations de respect des délais de paiement légaux aux professionnels en raison de leur qualité d'acheteur, de producteur, de prestataires de services, de grossiste ou d'importateur. Ces dispositions, figurant à l'article L. 441-6, VI précité du code de commerce, prévoient la possibilité de sanctionner les dépassements des délais mentionnés au I du même article, alors même que les parties à une transaction seraient convenues d'un délai de règlement inférieur, qui n'aurait pas été respecté, et qu'aucun constat tiré de l'existence de clauses contractuelles illicites n'aurait été effectué par l'autorité administrative investie du pouvoir de sanction. Ainsi, ces dispositions mentionnent précisément le délai applicable et font référence à la notion de " date d'émission de la facture " comme point de départ de ce délai. Cette notion, qui correspond à la date apposée sur la facture en application du 6° du I de l'article 242 nonies A de l'annexe II du code général des impôts, renvoie à une notion bien établie, claire, juridiquement définie et intelligible pour les professionnels auxquels elle s'adresse et ne saurait être confondue, notamment, avec la date de réception. Par ailleurs, l'article 289-I-3 du code général des impôts prévoit que la facture est, en principe, émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services, et l'article L. 441-3 du code de commerce, qui précise les mentions obligatoires devant figurer sur la facture, dispose que le vendeur est tenu de la délivrer dès la réalisation de la vente ou la prestation du service et que l'acheteur doit la réclamer. L'article L. 441-6 du code de commerce renvoie en outre aux dispositions du même code prévoyant une procédure contradictoire préalable à l'infliction d'une amende administrative, permettant à la personne physique ou morale à laquelle des manquements sont reprochés d'invoquer le fait du tiers pour dégager ou réduire sa responsabilité. Enfin, si la société TD Synnex France se prévaut des termes des lignes directrices relatives à la détermination des sanctions pour dépassement des délais de paiement interprofessionnel, publiées le 2 décembre 2021, celles-ci sont postérieures à la décision attaquée, et, en tout état de cause, elles n'ont aucune valeur normative et ne peuvent, pas ajouter des prescriptions aux dispositions législatives applicables en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des principes de légalité des délits et des peines garantis par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 doit être écarté. 13. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, les amendes en litige ne méconnaissant pas le principe de légalité des délits et des peines, la SAS TD Synnex France n'est pas fondée à soutenir que ces amendes ont été infligées en méconnaissance du principe d'égalité de traitement devant la loi. 14. En sixième lieu, la société requérante ne peut se prévaloir des dispositions du code civil qui prévoit au sein de son article 1231-6, alinéa 3, que le créancier peut obtenir, en cas de mauvaise foi du débiteur en retard des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire et en conclure que le retard apporté par un client dans le paiement des factures dues à son fournisseur est triplement sanctionné par l'allocation de plein droit des intérêts visés à l'article L. 441-6-I, alinéa 8, du code de commerce, par l'allocation d'amende forfaitaire de recouvrement et par l'allocation de dommages et intérêts si un préjudice indépendant de retard est démontré. En effet, si les dispositions précitées de l'article L. 441-6, I, du code de commerce, qui prohibent les délais de paiement au-delà de soixante jours à compter de la date d'émission de la facture, prévoient l'édiction de sanctions administratives spécifiques, les intérêts de retard au taux légal ou l'allocation de dommages et intérêts ne constituent pas de telles sanctions. En cela, l'application de la sanction litigieuse, quand bien même elle se doublerait du paiement d'intérêts de retard, n'a pas pour effet de conduire à une méconnaissance de la règle du non bis in idem en méconnaissance du principe de nécessité des peines. Par ailleurs, le principe non bis in idem ne s'oppose pas à ce qu'il soit infligé, à raison des mêmes faits, une sanction administrative et d'une autre nature dès lors que l'institution de chacun de ces types de sanctions repose sur un objet différent et tend à assurer la sauvegarde de valeurs ou d'intérêts qui ne se confondent pas comme les dispositions de l'article 1231-6 alinéa 3 du code civil qui prévoient que le créancier peut se voir attribuer des dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial indépendant du retard lorsque la résistance du débiteur est dépourvue de tout moyen sérieux et abusive. Ce préjudice peut être réparé par des dommages et intérêts compensatoires, en sus du principal et distincts des intérêts moratoires. Par suite, le moyen doit être écarté. 15. En septième lieu, si la SAS TD Synnex France soutient qu'une atteinte au fonctionnement du marché doit être établie pour fonder les sanctions en litige, la sanction des manquements aux obligations contractuelles entre parties relevant de la compétence du juge civil, il résulte des dispositions précitées des I et VI de l'article L. 441-6 du code de commerce qu'elles visent à sanctionner les manquements aux obligations légales en matière de délais de paiement, eu égard au nombre de manquements constatés, aux montants payés avec retard, et au préjudice causé en conséquence aux fournisseurs, de tels circonstances constituant des éléments d'ordre public économique. Par suite, en relevant ces éléments pour ce qui la concerne, et en lui infligeant les sanctions en litige, l'administration n'a pas méconnu les principes de personnalité et d'individualisation des peines. 16. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que sur la période du contrôle, du 1er janvier au 30 juin 2018, l'administration a relevé d'une part, concernant les factures d'achats de biens et de services, sur 101 291 factures contrôlées représentant un montant facturé contrôlé de 819 093 316,03 euros, un total de 4 888 factures (soit 4,83 % du total) payées en retard, pour un montant facturé payé en retard de 49 477 656,46 euros (soit 6,04 % du total), pour un retard de paiement moyen pondéré de 14,33 jours et une rétention de trésorerie de 3 938 605,79 euros ; d'autre part, concernant les factures de prestation de transport, sur 445 factures contrôlées représentant un montant facturé contrôlé de 8 266 379,01 euros, un total de 269 factures (soit 60,45 % du total) payées en retard, pour un montant facturé payé en retard de 3 480 991,26 euros (soit 42,31 % du total), avec un retard de paiement moyen pondéré de 4,51 jours et une rétention de trésorerie de 87 245,27 euros. Si la société fait valoir que les conventions conclues avec les fournisseurs répondent aux exigences requises quant aux délais de paiement, il n'en demeure pas moins que tout retard de paiement au regard du délai maximal prévu par le code de commerce, fût-il d'un jour, constitue un manquement aux délais de paiement impératifs prévus à l'article précité L. 441-6 du code commerce, ainsi qu'il a été dit au point 12 du présent arrêt. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées des I et VI de l'article L. 441-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige que les distributeurs et les fournisseurs ne peuvent déroger aux plafonds légaux établis par ces dispositions. En outre, la société ne saurait invoquer le rapport annuel de l'observatoire des délais de paiement 2019 qui rappelle que le retard de paiement moyen pour une entreprise de 500 à 999 salariés est de 13,2 jours, un tel document étant dépourvu de force juridique. 17. De même, la méthode de vérification de l'administration a permis de délimiter un périmètre d'analyse comptable pertinent et d'exercer un contrôle comptable sur factures permettant à l'administration d'apprécier les éventuels manquements de la société Tech Data France quant au respect des délais légaux de paiement de ses fournisseurs. La société requérante n'établit pas que les factures retenues ne seraient pas représentatives de son activité. En effet, la sélection ciblée d'un échantillon restreint de factures, afin d'opérer un contrôle sur pièces, n'a pu avoir pour effet de biaiser l'appréciation de l'administration, ni de donner une image artificiellement élevée de la gravité des manquements relevés, dès lors que le contrôle sur pièces n'a pas eu pour objet d'apprécier la gravité de ces manquements, mais seulement de confirmer l'exactitude des données issues de l'analyse comptable. 18. La société requérante soutient également que l'administration n'était fondée à retenir les retards de paiement concernant les 212 factures émises par le fournisseur Acer parmi les manquements retenus par l'administration au point précédent, dans la mesure où il existait des circonstances particulières avec ce fournisseur, les retards de paiement étant justifiés par litige lié à un surstock de produits qu'elle impute aux prévisions excessivement " optimistes et aux défaillances de la stratégie marketing de son fournisseur " et où des négociations étaient en cours pour régler le différend qui ont abouti à la mise en place d'un échéancier pour le paiement des factures non honorées dans les délais. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du courrier émanant de la société Acer Computer en date du 2 mai 2018 que, si le directeur général d'Acer France confirme apporter son soutien à la société Tech Data France face à un ralentissement imprévu du marché observé sur le dernier trimestre 2017 ainsi que sur le premier trimestre 2018, et indique que ce ralentissement serait à l'origine d'un surstock valorisé à 400 000 euros, ce montant est loin du montant total des sommes retenues par la requérante, lesquelles sont supérieures à 6 millions d'euros. Il n'est donc pas démontré par la société requérante que la société Acer France aurait reconnu sa responsabilité dans cette situation, ni même qu'elle aurait accepté un échelonnement des paiements, alors qu'il ressort seulement de ce document que cette société propose la mise en place d'actions marketing (réductions de prix) couvertes par la société Acer France. Une analyse similaire peut être faite s'agissant du courriel du 9 août 2018 du directeur régional des finances de la société Tech Data France qui ne démontre pas une réelle volonté de la société Acer d'accepter un échelonnement des dépenses, mais indique seulement que des échanges sont en cours pour essayer de trouver une solution. En tout état de cause, les délais de paiement ne sauraient servir d'instrument de négociation pour la résolution d'un litige, les dispositions du code de commerce en la matière étant d'ordre public. Ainsi, la SAS TD Synnex France ne saurait utilement invoquer le principe de l'exception d'inexécution pour justifier de l'ensemble des retards constatés envers la société Acer France, soit 212 factures représentant un montant cumulé de 6 276 038,26 euros et une rétention de trésorerie de 1 357 903,97 euros.
19. En outre, si la SAS TD Synnex France cherche à faire valoir qu'aucun des fournisseurs ne s'est plaint de la date de ses paiements et que le préjudice matériel et financier n'est pas établi par l'administration, ou que les amendes en litige ne tiennent pas compte des paiements faits par avance à certains fournisseurs ou de retards qui lui ont été causés, la DIRECCTE n'était pas tenue de prendre en considération de telles circonstances, dès lors qu'il ressort du VI précité de l'article L. 441-6 du code de commerce précité que les manquements sont constitués dès que les délais de paiement prévus par ce même article sont dépassés. 20. Pareillement, la société requérante ne peut utilement faire valoir qu'elle aurait été sanctionnée plus sévèrement que d'autres entreprises, le montant de l'amende infligée par l'administration au titre des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce étant déterminé au regard de constats de retards portant sur un nombre et des montants de factures différents, et en fonction de la situation propre à chaque entreprise contrôlée. 21. Enfin, elle invoque également le contexte particulier de la pandémie du Covid-19 qui aurait fragilisé sa situation financière. Toutefois, l'amende qui lui a été infligée a été ramenée à 800 000 euros, pour des manquements commis au premier semestre 2018, ce qui représente 0,027 % de son chiffre d'affaires de 2 924 121 000 euros en 2018, et 7,3 % de son résultat net de 10 835 000 euros en 2018. De surcroît, la société ne fournit aucun élément dont il ressortirait qu'en raison d'une situation financière fragile, l'amende serait d'un montant excessif et de nature à compromettre la pérennité de son activité. Dès lors, en réduisant la sanction à 800 000 euros après les observations de la société requérante alors que le montant maximal de l'amende prévu aux dispositions de l'article L. 441-6 I, alinéa 9, dans sa rédaction applicable au présent litige, est fixé à deux millions d'euros, l'administration a pris en compte la nature et le nombre de dépassements constatés, le trouble à l'ordre public occasionné par le manquement, représenté par l'avantage de trésorerie engendré par la pratique ainsi que la taille de l'entreprise et sa situation économique. Ainsi, cette sanction ne présentant pas de caractère automatique, ayant été individualisée par l'autorité administrative et prenant en compte sa situation personnelle, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation des peines ne peut qu'être écarté ainsi que celui tiré de ma méconnaissance du principe de proportionnalité. 22. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 21 du présent arrêt que la société TD Synnex France n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France en date du 27 janvier 2021. Les conclusions à fin d'annulation présentées par la société TD Synnex France doivent dès lors être rejetées, ainsi que, pour les mêmes motifs et en tout état de cause, ses conclusions tendant à la réduction du montant total des sanctions qui lui ont été infligées et au retrait du communiqué publié sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société TD Synnex France en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens. D E C I D E :Article 1er : Le jugement n° 2102752 du 20 octobre 2023du tribunal administratif de Melun est annulé.Article 2 : La requête de la SAS TD Synnex France est rejetée.Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée TD Synnex France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Délibéré après l'audience du 14 mars 2025, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Lemaire, président assesseur,- Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 mars 2025. La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERELa greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA05290 2