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27/03/2025 | FRANCE | N°23PA00698

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 27 mars 2025, 23PA00698


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Capta Formas LDA a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 30 août 2007 au 31 décembre 2014.



Par un jugement n° 1808954/3 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devan

t la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 février, 6 juillet et 20 novembre 2023, la soc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Capta Formas LDA a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 30 août 2007 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1808954/3 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 février, 6 juillet et 20 novembre 2023, la société Capta Formas, représentée par Me Eric Planchat puis par Me Charlotte Prest, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 octobre 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la vérification de comptabilité a débuté avant l'envoi d'un avis de vérification ; le tribunal s'est mépris sur la portée de ce moyen soulevé devant lui ;

- l'avis de vérification de comptabilité du 21 juin 2016 ne précisait pas la nature des impôts contrôlés ;

- la garantie de l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales a été méconnue lors de la visite domiciliaire du 22 septembre 2015 ;

- la proposition de rectification du 14 décembre 2016 est insuffisamment motivée, faute d'indication des motifs de droit et de fait justifiant l'application du délai spécial de reprise ;

- l'administration ne lui a pas communiqué les annexes à la proposition de rectification ; le tribunal aurait dû en exiger la production ;

- les conditions permettant l'application du délai spécial, telles que prévues par la doctrine administrative, n'étaient pas réunies en l'espèce ; ce délai n'était dès lors pas applicable ; l'existence d'une activité occulte ne peut en effet être retenue, dès lors qu'elle a pu commettre une simple erreur d'appréciation de sa situation au regard de la convention franco-portugaise ; le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce point au regard de l'impôt sur les sociétés ;

- l'assujettissement de la société aux impôts en France doit être apprécié année par année ; dès lors l'administration doit apporter la preuve de l'existence d'une activité à partir d'un établissement stable pour chacune des années en cause et non de manière globale ;

- en sa qualité de sous-traitant, elle ne devait pas facturer la TVA relative aux prestations qu'elle réalisait, seules les entreprises principales, titulaires du marché, étant redevables de la taxe ;

- l'application de la majoration de 80 % n'a pas été précédée d'un débat contradictoire avant l'envoi de la proposition de rectification, qui constitue la décision d'application de cette majoration ; par ailleurs, elle est contraire à l'article 1er du premier protocole à la convention européenne des droits de l'Homme dès lors que ses clients ne peuvent plus récupérer la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 mai 2023, 10 juillet 2023 et 3 janvier 2024, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.

Par une ordonnance du 4 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brotons,

- et les conclusions de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. La société Capta Formas, société de droit portugais, qui exerce à titre principal une activité de pose de planchers, de faux-plafonds et autres revêtements des sols et des murs, et a étendu son activité en 2012 à la location d'immeubles en France, et en 2014 à la vente de vin, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 30 août 2007, date de sa création, au 31 décembre 2014, à la suite d'une visite domiciliaire effectuée le 22 septembre 2015 dans des locaux sis à Maisons-Alfort. L'administration a en effet considéré, au vu des documents saisis lors de cette visite, que la société Capta Formas disposait en France d'un établissement stable à partir duquel elle réalisait des opérations sur le territoire national. Par proposition de rectification du 14 décembre 2016, des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés au titre de l'ensemble de la période vérifiée, ces impositions étant mises en recouvrement le 28 septembre 2017. La société Capta Formas relève appel du jugement du 20 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de décharge totale des impositions en cause et des majorations dont elles ont été assorties.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal ne s'est pas mépris sur la nature du moyen qui était soulevé devant lui, tiré de ce que la vérification de comptabilité avait débuté avant l'envoi de l'avis de vérification, et y a suffisamment répondu au point 3 de son jugement, dès lors que la société n'étayait ce moyen d'aucun argument utile ou précis. Elle mentionnait, en effet, les éléments factuels évoqués par la vérificatrice dans un courrier de février 2016, alors que l'avis de vérification lui avait été notifié le 26 janvier précédent ; et si elle faisait également état de ce que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Créteil, dans ses ordonnances du 9 septembre 2015, relevait l'existence de nombreux documents, elle ne précisait pas en quoi il en résultait nécessairement que les opérations de contrôle avaient été engagées antérieurement, alors au demeurant que seuls étaient mentionnés des documents communiqués par l'URSSAF à l'administration fiscale.

3. Par ailleurs, le tribunal n'a pas omis, contrairement à ce que soutient la requérante, de se prononcer sur l'existence d'une activité occulte au titre de l'impôt sur les sociétés. Si, au point 9 de son jugement, il n'écarte le moyen tiré d'une erreur commise par la société, de nature à justifier qu'elle ne se soit pas acquittée de ses obligations déclaratives, qu'en relevant qu'elle n'avait déclaré ni reversé aucune taxe sur la valeur ajoutée au Portugal, il s'est borné, ce faisant, à répondre au seul argument développé devant lui au soutien de ce moyen, la société requérante ayant exclusivement invoqué la circonstance qu'elle avait déclaré des livraisons intracommunautaires de biens et devait être regardée, de ce fait, comme ayant déposé des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au Portugal.

Sur le principe de l'imposition en France :

4. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Et aux termes de l'article 7 de la convention franco-portugaise du 14 janvier 1971 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (...) ". Aux termes de l'article 5 de la même convention fiscale : " 1. (...) l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : (...) c) Un bureau (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 259 du même code, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle (...) ". Aux termes du même article, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique (...) ". Aux termes de l'article 283-0 du code général des impôts : " Pour l'application des articles 283 à 285 A, un assujetti qui réalise une livraison de biens ou une prestation de services imposable en France et qui y dispose d'un établissement stable ne participant pas à la réalisation de cette livraison ou de cette prestation est considéré comme un assujetti établi hors de France ". Aux termes de l'article 283 de ce code, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2010 : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...). / Toutefois, lorsque la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Le montant dû est identifié sur la déclaration mentionnée à l'article 287 (...) ". Aux termes du 2 de cet article 283, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010 : " Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur ".

6. Il résulte de l'instruction qu'ont été saisis lors de la visite domiciliaire, dans le sous-sol transformé en local professionnel d'un pavillon sis à Maisons-Altfort, qui constituait depuis 2007 le domicile personnel de l'une des associés, co-gérante de la société, de nombreux éléments afférents à la gestion de la société Capta Formas, notamment le tampon de la société, des documents à en-tête de la société, des pièces comptables, des courriels concernant la société, des bulletins de paye, contrats de travail, cartes d'identité et documents sociaux de ses salariés, ses contrats d'assurance, des copies des cartes bancaires de la société, des factures de sous-traitance, ainsi que des factures de fourniture d'électricité et d'eau, et des documents de pilotage et de suivi de son activité. Il est constant, par ailleurs, que l'adresse du siège social de la société au Portugal, au cours des années vérifiées, correspondait au domicile de l'oncle et de la tante de l'un des associés co-gérant, sans lieu d'exploitation, et qu'aucun matériel n'y était entreposé. Enfin, la société Capta Formas a réalisé en France, au cours des années 2007 à 2014, la quasi-totalité de son chiffre d'affaires, ses donneurs d'ordre étant des sociétés françaises avec lesquelles elle entretenait des liens étroits, puisque ses associés co-gérant étaient également associés et salariés desdites sociétés. La société Capta Formas utilisait des lignes téléphoniques et des adresses de messagerie françaises, qui figuraient sur les bons de commande, louait des véhicules en France pour les besoins de ses chantiers, et encaissait de manière régulière les règlements de ses clients sur un compte bancaire français, tant pour son activité dans le secteur du BTP que pour son activité de location immobilière.

7. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la société Capta Formas doit être regardée comme ayant disposé en France, depuis sa création en 2007, d'une installation fixe d'affaires où ses moyens matériels et humains étaient localisés, et à partir de laquelle elle réalisait, de manière permanente, des prestations en France. Elle était dès lors imposable à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée en France, à raison des opérations qu'elle y réalisait, pour chacune des années en cause.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

8. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ".

9. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, au vu des éléments produits au dossier que l'administration aurait procédé, avant la notification, le 26 janvier 2016, de l'avis de vérification adressé à la société, à un examen critique de pièces comptables au regard des déclarations souscrites, seul de nature à caractériser l'engagement d'une vérification de comptabilité. La société requérante n'invoque pas utilement, à cet égard, des extraits des ordonnances du juge des libertés et de la détention autorisant les visites domiciliaires, qui mentionnent, pour l'essentiel, des documents communiqués à l'administration fiscale par l'URSSAF. Et pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le tribunal au point 3 du jugement attaqué, la seule circonstance que l'administration a utilisé les documents qu'elle a recueillis lors des visites domiciliaires ne constitue pas le début d'une vérification de comptabilité.

10. En second lieu, l'avis de vérification notifié à la société comportait les mentions obligatoires exigées par les dispositions, citées au point 8 ci-dessus, de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'il y était expressément indiqué que la vérification porterait sur l'ensemble des déclarations fiscales et opérations afférentes aux exercices clos en 2007 à 2014. La circonstance que cet avis n'ait pas précisé que les investigations du vérificateur porteraient sur l'existence d'un établissement stable de la société n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition.

11. La société requérante n'invoque pas utilement la méconnaissance par l'administration de la garantie prévue par les dispositions du II de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, qui n'est applicable qu'en cas de vérification d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés, dès lors que, d'une part, comme indiqué supra, la seule copie sur CD-Rom des documents saisis lors des visites domiciliaires ne constitue pas une vérification de comptabilité et, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction qu'aucune comptabilité n'a été remise au vérificateur pendant les opérations de contrôle, un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité ayant été dressé le 3 novembre 2016.

12. De même, la proposition de rectification du 14 décembre 2016 mentionne, en pages 5 et 6, sous l'intitulé " période soumise à vérification ", l'application du délai spécial de reprise de dix ans en présence d'une activité occulte, en précisant les années concernées et en invoquant l'exercice d'une activité occulte par la société sur le territoire français, renvoyant, sur ce point au § 4.2 intitulé " l'existence d'une activité habituelle en France ". Par ailleurs, le chapitre III de la proposition de rectification rappelait la définition juridique de la notion d'établissement stable tant au sens du droit interne qu'au sens de la convention franco-portugaise, avant d'énumérer tous les éléments de faits de nature à caractériser l'existence, en l'espèce, d'un établissement stable. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification est insuffisamment motivée sur le délai de reprise.

13. Enfin, pour les motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 7 du jugement attaqué, et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration a méconnu ses obligations faute de lui avoir communiqué les annexes à la proposition de rectification, la société n'ayant soutenu à aucun moment, antérieurement à la saisine du juge, que la proposition de rectification qui lui avait été notifiée était incomplète, alors que le nombre de feuillets, et donc de pages, était expressément indiqué en première page et qu'au surplus le vérificateur renvoyait, dans le corps de la proposition, à certaines de ses annexes. Enfin, si la société requérante fait valoir que le tribunal aurait dû exiger la production de ces annexes en cours d'instance devant lui, il est constant que celles-ci étaient jointes à la proposition de rectification spontanément produite par l'administration à l'appui de son mémoire en défense devant le tribunal.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le délai de reprise :

14. Les articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales prévoient, respectivement pour l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, que le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, par exception à la règle de droit commun, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due lorsque le contribuable exerce une activité occulte. Ils précisent que l'activité occulte " est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre Etat que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

15. Il résulte de l'instruction que la société requérante n'a déposé en France aucune déclaration fiscale au cours de la période vérifiée ni n'a fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. En se bornant à invoquer la circonstance qu'elle avait déposé des déclarations de livraisons intracommunautaires, alors qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté qu'il ne s'agissait, en l'espèce, que de déclarations d'échange de biens (DAE) auprès des services douaniers portugais, afférentes à son activité accessoire de vente de vin, pour un montant de 2 376 euros, elle n'établit pas qu'elle était à jour de ses obligations déclaratives au Portugal.

16. Et pour le même motif, la société requérante ne se prévaut pas à bon droit, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative de base publiée le 1er juillet 2002 sous la référence 13 L-1218 reprise au point 16 de l'instruction 13 L-3-10 du 1er avril 2010 et au paragraphe 80 de la doctrine BOI-CF-PGR-10-70 du 12 septembre 2012 qui indique que " lorsque l'une quelconque des déclarations incombant au contribuable a été souscrite dans les délais, et alors même que la déclaration au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce n'a pas été effectuée, le délai spécial n'est pas applicable " et que " compte tenu de l'intention du législateur qui est de n'opposer le délai spécial qu'aux activités réellement clandestines, il est également précisé que ce délai ne peut s'appliquer, s'agissant d'une activité déterminée, à un impôt donné pour lequel le contribuable est défaillant lorsque celui-ci a souscrit, dans les délais, des déclarations au titre d'autres impôts concernant cette même activité ", dès lors que les déclarations dont elle se prévaut ne correspondaient qu'à des déclarations d'échange de biens afférentes à une activité autre que celles ici en litige.

En ce qui concerne la qualité de redevable de la taxe sur la valeur ajoutée :

17. Aux termes du 2 nonies de l'article 283 du code général des impôts, issu de l'article 25 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, entré en vigueur à compter du 1er janvier 2014 : " Pour les travaux de construction, y compris ceux de réparation, de nettoyage, d'entretien, de transformation et de démolition effectués en relation avec un bien immobilier par une entreprise sous-traitante, au sens de l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, pour le compte d'un preneur assujetti, la taxe est acquittée par le preneur ".

18. La société Capta Formas soutient qu'en sa qualité de société sous-traitante, elle n'était pas tenue de déclarer de taxe sur la valeur ajoutée en France, puisque cette taxe devait être auto-liquidée par le donneur d'ordres en vertu des dispositions précitées. Toutefois, ces dispositions ne sont applicables que depuis le 1er janvier 2014 et il n'existait, avant cette date, aucun mécanisme d'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, la société Capta Formas ne produit aucun des contrats de sous-traitance conclus en 2014, alors qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que ces contrats prévoyaient une rémunération pour travail en régie ou au forfait, la société Capta Formas ne faisant qu'apporter du personnel à son donneur d'ordre, la société VIM. Il en résulte que l'administration était fondée à considérer que le dispositif du 2 nonies de l'article 283 ne s'appliquait pas, en l'absence de sous-traitance.

Sur les pénalités :

19. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, " 1° Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ".

20. Contrairement à ce que soutient la société Capta Formas, la proposition de rectification du 14 décembre 2016 ne constituait pas une décision par laquelle lui était infligée la majoration pour activité occulte prévue par les dispositions précitées, mais une simple information portée à sa connaissance, comme le précisait d'ailleurs expressément la première page de cette notification, qui indiquait : " les rectifications proposées pourront entraîner l'application des majorations prévues par le code général des impôts ", avant de l'inviter à faire valoir ses observations sur ce sujet dans un délai de trente jours. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que cette proposition de rectification devait être précédée d'un débat contradictoire sur l'application des pénalités, sachant qu'elle a pu faire valoir ses observations le 1er mars 2017, en réponse à la proposition de rectification.

21. Enfin, la société Capta Formas n'est pas fondée à soutenir que l'application de cette pénalité serait contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en se bornant à invoquer le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et à faire valoir que ses clients, entreprises assujetties, ne pourront plus imputer la taxe rappelée auprès d'elle, cette circonstance étant sans incidence sur sa situation propre.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Capta Formas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut, en conséquence, qu'être rejetée, en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Capta Formas est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Capta Formas et à la ministre chargée des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur de la direction des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,

- Mme Brotons, président honoraire,

- Mme Hamon, présidente-assesseure

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025

Le rapporteur,

I. Brotons

La présidente,

V. Chevalier-Aubert

La greffière,

L. ChanaLa République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00698
Date de la décision : 27/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CABINET NATAF & PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-27;23pa00698 ?
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