Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 avril 2024 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler sa carte de séjour pluriannuelle et de lui délivrer une carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination, et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans.
Par un jugement n° 2410568/6-3 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 18 avril 2024, et a enjoint au préfet de délivrer à Mme B... une carte de résident, ou, à défaut, une carte de séjour pluriannuelle, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 août 2024, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 4 juillet 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la présence en France de Mme B... ne constituait pas une menace pour l'ordre public ;
- les autres moyens soulevés par Mme B... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2024, Mme B..., représentée par Me Macarez, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de police ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de résident ou, à titre subsidiaire, une carte de séjour pluriannuelle ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé, et n'a pas été précédé d'un examen complet de sa situation ;
- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;
- il est entaché d'un vice de procédure en raison de la méconnaissance de l'interdiction de la consultation des données du traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) résultant de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;
- il est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 421-2, L. 426-17 et L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire a été prise en méconnaissance de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant cinq années est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 612-10 du même code et repose sur une erreur d'appréciation.
Mme B... s'est vu accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 8 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- et les observations de Me Macarez, pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 16 janvier 1980 à Tsageri (Géorgie), entrée en France le 12 août 2004 selon ses déclarations, a bénéficié de cartes de séjour régulièrement renouvelées à partir de 2007 et, en dernier lieu d'une carte de séjour pluriannuelle, mention " salarié ", délivrée le 15 mai 2019, dont elle a, le 25 mai 2023, sollicité le renouvellement, sur le fondement de l'article L. 421-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tout en demandant la délivrance d'une carte de résident sur le fondement de l'article L. 426-17 de ce code. Par un arrêté du 18 avril 2024, le préfet de police a rejeté ses demandes, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande. Le préfet de police fait appel de ce jugement.
Sur la requête du préfet de police :
2. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". "
3. Pour refuser de renouveler la carte de séjour pluriannuelle de Mme B..., et de lui délivrer une carte de résident, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public eu égard, d'une part, à sa condamnation par un arrêt du 7 septembre 2021 de la Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Paris, à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, assortie d'une amende de 3 000 euros, pour des faits de détention non autorisée d'arme et de munitions de catégorie B, entre 2015 et le 13 novembre 2017, et, d'autre part, au fait qu'elle était " connue défavorablement des services de police pour des faits de participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement, le 1er septembre 2015 et blanchiment aggravé, aide en bande organisée, à la justification mensongère des biens ou revenus de l'auteur d'un délit, de 1er janvier 2013 ".
4. Il est constant qu'ainsi que le tribunal administratif de Paris l'a relevé à bon droit, les faits de détention non autorisée d'armes et de munitions n'ont donné lieu qu'à une peine de prison avec sursis assortie d'une amende, présentent un caractère isolé et ont été commis au cours d'une période relativement ancienne. Il n'est pas non plus contesté par le préfet de police que Mme B... a été relaxée par la Cour d'appel de Paris des faits pour lesquels il avait relevé qu'elle était défavorablement connue des services de police, et qu'elle vit séparée de l'auteur des faits en cause. Dans ces conditions, le préfet de police qui ne fait état d'aucun autre élément de fait, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé, en se fondant sur le caractère isolé des faits reprochés, sur leur caractère relativement ancien et sur leur lien avec l'activité criminelle de l'ancien compagnon de Mme B..., qu'il avait commis une erreur dans l'application des dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en estimant que sa présence en France constituait une menace à l'ordre public.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions en litige.
Sur les conclusions d'appel incident de Mme B... à fin d'injonction :
6. Il résulte de l'article 2 du jugement attaqué que les premiers juges ont enjoint au préfet de délivrer à Mme B... une carte de résident, ou, à défaut, une carte de séjour pluriannuelle, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Les conclusions présentées à cette fin par Mme B... devant la Cour sont sans objet.
Sur les conclusions de Mme B..., présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Macarez renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Macarez d'une somme de 1 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Macarez une somme de 1 000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Macarez renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Bonifacj, présidente de chambre,
M. Niollet, président-assesseur,
Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mars 2025.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03528