Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) 18 Belles Feuilles a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014.
Par un jugement n° 2113885/1-1 du 8 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2024, la SARL 18 Belles Feuilles, représentée par Me Chabane et Me Laurant, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2113885/1-1 du 8 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition litigieuse, en droits et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière, faute pour l'administration d'avoir saisi la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- elle n'était pas tenue de procéder à l'autoliquidation de la taxe sur la valeur ajoutée sur le montant de la facture émise par la société Luxury Homes et payée en 2014 dès lors que celle-ci n'est pas intervenue dans la négociation d'un bien situé à Paris mais a réalisé une prestation de recherche d'acquéreurs sur le territoire de Saint-Barthélemy ;
- si la taxe sur la valeur ajoutée devait être collectée sur la prestation facturée par la société Luxury Homes, elle était nécessairement déductible.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Segretain,
- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL 18 Belles Feuilles a pour activité l'achat et la vente de biens immobiliers ainsi que toutes opérations de marchands de biens dans le domaine de l'immobilier ou de l'art. A l'issue de la vérification de sa comptabilité, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont notamment été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 pour un montant en droits de 57 759 euros. La SARL 18 Belles Feuilles relève appel du jugement du 8 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'imposition en litige, en droits et pénalités.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévues à l'article 1651 du code général des impôts ". Aux termes de l'article L. 59 A du même livre : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : /1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; (...) / II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 20 avril 2018, la SARL 18 Belles Feuilles a demandé à l'administration de soumettre à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le litige l'opposant à l'administration, constitué par toutes les rectifications maintenues dans la réponse aux observations du contribuable. S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, il résulte de l'instruction que le litige portait sur la déductibilité de la taxe grevant le prix d'un service rendu à la société et sur l'assujettissement d'une prestation de recherche d'acquéreurs dans le secteur immobilier au mécanisme d'autoliquidation de cette même taxe. Par suite, il ne concernait pas le montant du chiffre d'affaires taxable et n'entrait donc pas dans le champ de la compétence de la commission. Si la société requérante se prévaut en appel de ce que le litige incluait la détermination du résultat, elle ne fait pas utilement valoir que la commission des impôts directs aurait dû en être saisie alors que la rectification du résultat n'a eu d'incidence qu'en matière d'impôt sur les sociétés et que le présent contentieux lié par la réclamation ne porte que sur la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...). " Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ". L'article 259 A de ce code dispose : " Par dérogation à l'article 259, est situé en France le lieu des prestations de services suivantes : (...) / 2° Les prestations de services se rattachant à un bien immeuble situé en France, y compris les prestations d'experts et d'agents immobiliers, la fourniture de logements dans le cadre du secteur hôtelier (...) ". Dans sa version applicable au litige, le 1 de l'article 283 du même code prévoit que : " La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, sous réserve des cas visés aux articles 275 à 277 A où le versement de la taxe peut être suspendu. / Toutefois, lorsqu'une livraison de biens ou une prestation de services mentionnée à l'article 259 A est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui agit en tant qu'assujetti et qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Le montant dû est identifié sur la déclaration mentionnée à l'article 287 ".
5. Il résulte de l'instruction que la SARL 18 Belles Feuilles a comptabilisé une facture datée du 31 décembre 2013, d'un montant de 217 500 euros, émanant de la SARL Luxury Homes, domiciliée à Saint-Barthélemy, que cette facture a été établie sans taxe sur la valeur ajoutée, et qu'elle a été réglée partiellement, à hauteur de 127 500 euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2014. Il est en outre constant que cette facture avait pour objet " Mandat de vente SARL 18 Belles Feuilles - SAS Barnes et délégation de mandat à la SARL Luxury Homes relatif au 31 rue de Surène ; négociations avec les occupants des lots, mise en relation avec M. A... et négociations commerciales ". Le service a considéré, au regard de cet intitulé, que la société 18 Belles Feuilles, dans le cadre du mandat de vente de lots immobiliers situés en France, avait fait appel à un prestataire de service domicilié dans une collectivité d'outre-mer assimilée à un territoire étranger au regard de la législation fiscale et qu'elle aurait donc dû auto-liquider la taxe sur la valeur ajoutée sur les montants payés en 2014 en vertu des dispositions précitées du code général des impôts. La société requérante fait valoir que la société Luxury Homes a seulement réalisé une prestation de recherche d'acquéreurs au profit de la société Barnes, en vertu du contrat les liant en date du 20 novembre 2012, ayant abouti à la présentation, à celle-ci, de celui qui se portera acquéreur du bien immobilier en cause, sans intervenir aucunement dans sa vente. Elle n'apporte toutefois ainsi aucun commencement d'explication du motif pour lequel elle a comptabilisé et acquitté elle-même une facture qui correspondrait selon elle à une prestation liant exclusivement son prestataire à un sous-traitant, et qui mentionne, dans son intitulé, une délégation de mandat de Barnes à Luxury Homes et des prestations de négociations commerciales relatives au bien sis rue de Surène. Par suite, la prestation réalisée par la société Luxury Homes et acquittée par la société 18 Belles Feuilles doit être regardée comme présentant un lien direct avec l'immeuble de la rue de Surène, qui en constitue un élément central et indispensable. Dans ces conditions, l'administration était fondée à considérer que la SARL 18 Belles Feuilles était tenue d'auto-liquider la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la prestation réalisée par la société Luxury Homes établie à Saint-Barthélemy en application des dispositions précitées de l'article 283 du code général des impôts et acquittée par elle en 2014.
6. Enfin, aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / b) Celle qui est due à l'importation ; / c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services (...) ". Aux termes de l'article 260 du même code : " Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins de l'activité d'un preneur non assujetti. (...) "
7. La SARL 18 Belles Feuilles soutient à titre subsidiaire que la taxe sur la valeur ajoutée auto-liquidée correspondant à son règlement en 2014, à hauteur de 127 500 euros, de la facture émise par Luxury Homes, était déductible. Il est toutefois constant que les loyers qu'elle a perçus pour l'ensemble immobilier de la rue de Surène, à usage de bureaux, n'ont pas été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée sur option, et que la revente de celui-ci ne l'a pas plus été. Ce bien immobilier n'était dès lors pas affecté à la réalisation d'opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée, et la taxe correspondant à la facture émise par la société Luxury Homes n'était, par suite, pas déductible.
8. Il résulte de ce qui précède que la SARL 18 Belles Feuilles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la requérante sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL 18 Belles Feuilles est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL 18 Belles Feuilles et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bories, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2025.
Le rapporteur,
A. SEGRETAINLa présidente,
C. BORIESLa greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA0005202