Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Conseils Transactions Services a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013, 2014 et 2015, ainsi que la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016, en droits et pénalités.
Par un jugement n°1911628/9 du 17 juillet 2023, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2013, 2014 et 2015 à hauteur de 1 200,58 euros, a condamné l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des frais de l'instance et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 septembre 2023 et 14 mars 2024, la société Conseils Transactions Services, représentée par Me Janiaud, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n°1911628/9 du 17 juillet 2023 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa comptabilité a été rejetée à tort ;
- le montant des charges déductibles admises est insuffisant ;
- l'administration fiscale a utilisé des éléments comptables présents dans sa comptabilité rejetée et n'a pas tiré les conséquences du rejet de comptabilité ;
- le résultat reconstitué est exagéré ;
- les frais de cadeaux à la clientèle, de repas et de déplacement et ses autres charges sont déductibles ;
- l'administration constate un solde créditeur alors qu'il s'agit d'un solde débiteur constitutif d'un report à nouveau.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Conseils Transactions Services, exerçant une activité comptable de prestataires auprès d'entreprises, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle, par deux propositions de rectification du 12 décembre 2016 et du 17 mars 2017, l'administration fiscale a écarté sa comptabilité pour les années 2013, 2014 et 2015 et lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016 et des rehaussements de résultats taxables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2013, 2014 et 2015. La SARL Conseils Transactions Services relève appel du jugement en tant que le tribunal administratif de Montreuil, après avoir prononcé une décharge partielle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre des années 2013, 2014 et 2015, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des impositions mises à sa charge à l'issue de cette procédure de rectification.
Sur la comptabilité :
2. Pour écarter la comptabilité de la SARL Conseils Transactions Services pour l'exercice clos en 2013, l'administration fiscale a constaté que des flux financiers à hauteur de 4 410,84 euros n'ont pas été comptabilisés par la société requérante, que des avis à tiers détenteur ont été saisis tardivement en compte banque, que des écritures comptables se rapportant à des opérations relevant de la taxe sur la valeur ajoutée n'ont pas donné lieu à un dépôt de déclarations et que les opérations enregistrées au crédit du compte courant d'associé n'ont que pour but de contrebalancer les importants prélèvements de Mme A..., associée de la société SARL Conseils Transactions Services. L'ensemble de ces éléments, alors même que les montants concernés ne sont pas élevés, corroborés par la circonstance non contestée que les écritures comptables ont été validées en 2016, est de nature à établir que la comptabilité a été reconstituée a posteriori pour les besoins du contrôle. Il en est de même s'agissant des exercices clos en 2014 et 2015, compte tenu notamment de ce que les écritures comptables sont déséquilibrées à hauteur de 767,47 euros pour l'exercice 2014 et 2 532,42 euros pour l'exercice 2015, de ce que les comptes de la comptabilité 2015 n'ont pas véritablement été soldés, de ce qu'ont été comptabilisées des écritures de débit d'un compte de taxe sur la valeur ajoutée collectée en déclaration CA3 alors qu'aucune déclaration de la sorte n'a été déposée durant les années 2014 et 2015, de ce que certains flux financiers n'ont pas été comptabilisés, de ce que le compte courant d'associé a été crédité dans le but de ne pas laisser apparaitre un solde débiteur en fin d'exercice et de ce que les écritures ont été saisies et validées après le début des opérations de contrôle. Une comptabilité reconstituée pour les besoins du contrôle étant dépourvue de caractère probant, c'est à bon droit qu'elle a été écartée par l'administration.
Sur la charge de la preuve :
3. Les cotisations d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ayant été établis selon la procédure de taxation d'office, il appartient à la société requérante, à qui incombe la charge de la preuve en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, d'en démontrer le caractère exagéré, sauf en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée afférente au mois de juillet 2013 pour laquelle une déclaration a été déposée.
Sur le montant des impositions :
4. En premier lieu, la circonstance que la comptabilité du contribuable ait été regardée comme non probante ne fait pas obstacle à ce que l'administration utilise des éléments tirés de celle-ci pour opérer des rectifications ni à ce que l'administration remette en cause les charges déduites et demande au contribuable de justifier de leur réalité et de leur caractère déductible. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'administration fiscale a utilisé des éléments comptables présents dans la comptabilité rejetée et n'a pas tiré les conséquences du rejet de comptabilité en retenant un montant insuffisant de charges déductible ne peut qu'être écarté. En se bornant à faire valoir que le résultat reconstitué est exagéré et qu'une telle situation constitue une double sanction, la société requérante n'apporte pas la preuve dont la charge, ainsi qu'il vient d'être dit, lui incombe.
5. En deuxième lieu, la société requérante, qui se borne à se prévaloir du " réalisme économique ", ne produit aucun élément de preuve permettant de justifier du montant des charges qu'elle a supportées au titre des cadeaux destinés à la clientèle, ne précise pas l'identité des bénéficiaires de ces cadeaux, ni n'établit qu'ils étaient destinés au développement des affaires. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés afférentes à ces dépenses.
6. En troisième lieu, si la société requérante se prévaut du caractère déductible des frais de déplacements et de repas de sa gérante, elle ne produit aucun document de nature à établir leur réalité et leur montant au-delà des sommes admises en déduction par le service. La société requérante ne produit en outre aucun document permettant de constater dans quelle mesure elle a effectivement supporté ces frais. Les règles applicables à la déductibilité des dépenses de déplacement et de repas pour l'imposition personnelle des salariés ne peuvent en tout état de cause être valablement invoquées par la société à l'appui de ses conclusions.
7. En quatrième lieu, en se bornant à faire valoir, en ce qui concerne l'exercice clos en 2013, que " ce compte enregistre des ajustements passés en opérations diverses (OD), si bien que le compte passe de 730,31 euros à l'ouverture à 762,62 euros à la clôture ", et, en ce qui concerne l'exercice clos en 2014, que " ce compte enregistre des ajustements passés en opérations diverses (OD), si bien que le compte passe de 120,52 euros à l'ouverture à 141,52 euros à la clôture ", la société requérante ne conteste pas valablement le rehaussement relatif aux " autres charges de gestion courantes " comptabilisées sans justification au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 31 décembre 2014, aucun élément n'étant produit permettant de constater que, contrairement à ce qu'il ressort de la proposition de rectification, les sommes respectives de 730,31 euros et 120,52 euros n'auraient pas été passées en charges au cours de chacun de ces deux exercices.
8. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserves des dispositions du 5, notamment : (...) 2° Sauf s'ils sont pratiqués par une copropriété de navires, une copropriété de cheval de course ou d'étalon, les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) ". Il résulte des dispositions précitées que ne peuvent être déduits du bénéfice imposable d'un exercice que les amortissements qui ont été effectivement portés dans les écritures comptables de l'entreprise avant l'expiration du délai de déclaration des résultats de cet exercice. La société requérante n'ayant pas déposé de déclarations dans les délais et se prévalant d'une comptabilité reconstituée a posteriori ainsi qu'il a été dit précédemment, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les résultats des exercices en cause les amortissements en litige, qui ont été regardés comme comptabilisés après l'expiration du délai de déclaration afférent aux exercices concernés. Le moyen tiré de ce que le service vérificateur aurait " constaté un solde créditeur alors qu'il s'agit en réalité d'un solde débiteur qui ne constitue pas une dotation aux amortissements mais la reprise d'un report à nouveau " n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et la portée, la société requérante se bornant à produire un extrait du grand-livre faisant état d'un " report à nouveau " dont rien ne vient étayer la réalité et ne produisant pas, alors qu'elle a la charge de la preuve, les écritures au compte de résultat permettant à la cour de constater que les dotations aux amortissements remises en cause par le service auraient été surévaluées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Conseils Transactions Services est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Conseils Transactions Services et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bories, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2025.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
C. BORIES
La greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04078 2