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14/03/2025 | FRANCE | N°24PA03454

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 14 mars 2025, 24PA03454


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2309834 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :




Par une requête enregistrée le 31 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Semak, demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2309834 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Semak, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ou encore, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors, d'une part, que le tribunal n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et d'autre part, que le tribunal a répondu aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 425-9, L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par des motivations erronées constitutives d'insuffisances de motivation ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen personnel et complet de sa situation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, alors que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, celle-ci devait l'être au regard de la durée de sa présence en France et compte tenu de l'examen de son droit au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- au regard de la durée de sa présence en France et de sa situation familiale et professionnelle, elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet ne pouvait, en application des dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail, lui opposer le fait qu'il a refusé de communiquer un formulaire " CERFA " de demande d'autorisation de travail, cette condition ne lui étant pas opposable ;

- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'il est indiqué qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié au Mali et méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les soins et le suivi nécessaires à sa prise en charge n'étant pas disponibles ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'a pas procédé à sa propre appréciation de son droit au séjour en raison de son état de santé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle repose sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors qu'elle repose sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des mémoires en production de pièces et en observations les 14 et 27 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Milon,

- et les observations de Me Rodet, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, né le 22 août 1988, déclare être entré en France le 2 janvier 2011. Il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé valable du 28 septembre 2019 au 27 septembre 2020. M. A... a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour et bénéficié d'autorisations provisoires de séjour au cours de l'instruction de cette demande. Il a ensuite obtenu une carte de séjour temporaire valable du 19 juillet 2021 au 18 juillet 2022, dont il a sollicité le renouvellement. M. A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, il relève appel du jugement du 4 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 5 avril 2023, dont la sous-préfecture du Raincy a accusé réception le 26 avril 2023, M. A... a demandé, à titre subsidiaire, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort par ailleurs des motifs de l'arrêté contesté que, bien qu'il n'y était pas tenu, le préfet de la Seine-Saint-Denis a statué sur ces demandes complémentaires de titre de séjour, en particulier sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. D'autre part, M. A... soutient qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Pour en justifier, il produit, pour la période comprise entre 2012 et 2023, de nombreuses pièces justificatives, notamment des relevés de compte, des résultats d'examens médicaux, des ordonnances médicales, des fiches de paye, des courriers émanant de Solidarité transport et de l'assurance maladie, des factures et des cartes de l'Aide médicale de l'Etat. Ces pièces constituent un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants permettant de justifier de la résidence habituelle en France de M. A... depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté.

6. La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle. Dès lors que M. A... justifiait résider habituellement depuis plus de dix ans sur le territoire français à la date de l'arrêté contesté, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait statuer sur sa demande d'admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans saisir, au préalable, pour avis, la commission du titre de séjour visée par ces mêmes dispositions. En l'absence d'une telle consultation de la commission du titre de séjour, M. A... a été privé d'une garantie et ainsi, l'arrêté contesté est entaché d'illégalité.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 7 juillet 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. A..., après saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'est en revanche pas nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2309834 du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 7 juillet 2023 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 20 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2025.

La rapporteure,

A. MILONLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA03454 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03454
Date de la décision : 14/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Audrey MILON
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : SEMAK

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-14;24pa03454 ?
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