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14/03/2025 | FRANCE | N°23PA03819

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 14 mars 2025, 23PA03819


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Dans une première affaire, la D... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2010, 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités dont ceux-ci ont été assortis.



Dans une seconde affaire, M. A... B... a demandé au tribunal administ

ratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des con...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Dans une première affaire, la D... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2010, 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités dont ceux-ci ont été assortis.

Dans une seconde affaire, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités dont celles-ci ont été assorties.

Par un jugement nos 2022350 et 2022351 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes présentées par la C... et M. B....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 23 août 2023, sous le n° 23PA03819, la C..., représentée par Me Lourdeau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2022350 et 2022351 du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités dont ceux-ci ont été assortis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ne sont pas fondés dès lors que :

- les frais liés aux travaux relatifs à l'aménagement du studio d'enregistrement pouvaient être déduits dès lors qu'ils se rattachent à une nouvelle activité projetée dès 2010 et qu'ils présentent un caractère professionnel, ces aménagements ayant été finalisés à la fin du mois d'août 2014 ;

- les acquisitions de CD et DVD et les achats sur la plateforme " ITunes " constituent des dépenses liées à son activité ;

- les dépenses d'ameublement des locaux situés à Mouchamps et au Maroc se rapportent à son activité professionnelle ;

- les achats de vins et alcools correspondent à des cadeaux et ont donc été effectués dans l'intérêt de l'entreprise ;

- l'étude portant sur le projet de bateau fluvial est également en lien avec son activité et les frais pouvaient être déduits, même si le projet n'a pas abouti ;

- les dépenses dont la déduction a été remise en cause ayant été engagées dans le cadre d'une gestion normale, l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré est injustifiée.

Par un mémoire enregistré le 26 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel, qui se borne à reprendre l'intégralité de l'argumentation produite en première instance, sans critiquer le jugement attaqué, ne répond pas aux exigences de motivation de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la C... ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 23 août 2023, sous le n° 23PA03820, M. A... B..., représenté par Me Lourdeau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2022350 et 2022351 du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti, au titre des revenus distribués, en conséquence des rehaussements opérés sur les résultats de la C..., dont il est le gérant, ne sont pas fondés dès lors que :

- les frais liés aux travaux relatifs à l'aménagement du studio d'enregistrement pouvaient être déduits dès lors qu'ils se rattachent à une nouvelle activité projetée dès 2010 et qu'ils présentent un caractère professionnel, ces aménagements ayant été finalisés à la fin du mois d'août 2014 ;

- les acquisitions de CD et DVD et les achats sur la plateforme " ITunes " constituent des dépenses liées à son activité ;

- les dépenses d'ameublement des locaux situés à Mouchamps et au Maroc se rapportent à son activité professionnelle ;

- les achats de vins et alcools correspondent à des cadeaux et ont donc été effectués dans l'intérêt de l'entreprise ;

- l'étude portant sur le projet de bateau fluvial est également en lien avec son activité et les frais pouvaient être déduits, quand bien même le projet n'a pas abouti ;

- les dépenses dont la déduction a été remise en cause ayant été engagées dans le cadre d'une gestion normale, l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré est injustifiée.

Par un mémoire enregistré le 26 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel, qui se borne à reprendre l'intégralité de l'argumentation produite en première instance, sans critiquer le jugement attaqué, ne répond pas aux exigences de motivation de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 20 février 2025 :

- le rapport de Mme Milon,

- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La C..., créée en 2003, exerce une activité de préparation et de vente de matériels audiovisuels et d'équipements domotiques. Elle a fait l'objet, au cours des années 2013 et 2014, de deux procédures de vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2010, 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012 et concernant l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée. Par deux propositions de rectification en date du 23 décembre 2013 et du 8 juillet 2014, l'administration fiscale a réintégré au bénéfice imposable réalisé au terme de chacun de ces trois exercices certaines charges et dotations aux amortissements qui, d'après elle, ont été déduites à tort, et a, en conséquence, assujetti la C... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de ces trois exercices, ainsi qu'à des majorations pour manquement délibéré. L'administration a, par ailleurs, considéré que les dépenses déduites à tort par la C... devaient être regardées comme des revenus distribués à M. A... B..., son gérant, et a en conséquence assujetti ce dernier à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010, 2011 et 2012. Le montant de ces impositions supplémentaires a été réduit au terme de la procédure d'interlocution et après consultation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Leurs réclamations préalables ayant été rejetées, la C... et M. B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, pour la première, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, pour le second, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales. La C... et M. B... font appel du jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal a rejeté leurs demandes.

2. Ces affaires étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête de la C... :

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

3. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

4. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ".

5. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

S'agissant des dépenses liées au studio d'enregistrement et à la rénovation de bâtiments situés à Mouchamps (Vendée) :

6. L'administration a, d'une part, remis en cause la déduction, par la C..., de dotations aux amortissements afférentes à des dépenses de travaux immobiliers réalisés sur des bâtiments situés à Mouchamps, appartenant au gérant de la société ou à des membres de sa famille, en vue de l'aménagement d'un studio d'enregistrement musical et d'annexes à ce studio, ainsi que de charges correspondant à des achats de matériels de musique, notamment d'instruments, de logiciels et de matériel électronique de studio.

7. Pour remettre en cause la position de l'administration, la C... fait valoir que les dépenses de travaux visant à l'aménagement d'un studio et d'annexes ont été engagées dans le cadre d'un projet de diversification de son activité, consistant en la création d'un studio d'enregistrement résidentiel, doté d'instruments de musique et proposant des locaux annexes aménagés en chambres d'hôtes ou résidence hôtelière, ainsi qu'un restaurant, afin d'accueillir des musiciens pour des séances d'enregistrement ponctuelles ou pour des séjours plus longs, en leur donnant accès à des services d'hôtellerie et de restauration sur place. La société fait valoir que les travaux d'aménagement du studio, engagés au cours de l'année 2010, ont été finalisés au cours de l'été 2014, et que ce n'est qu'à compter de cette période que l'activité a pu débuter. Elle produit, à l'appui de ces allégations, une facture datée du 1er septembre 2014, établissant l'organisation de séances d'enregistrement rémunérées au cours des mois de juillet et août 2024, trois factures, émises au cours des mois de décembre 2015 et janvier 2016, portant sur la location d'un synthétiseur et celle du studio des Moulins, les 11 et 20 septembre 2015, les 16 et 25 octobre 2015, le 15 novembre 2015, le 17 décembre 2015 et les 19 et 20 décembre 2015, ainsi que plusieurs factures émises par le " studio des Moulins " au cours des années 2016 à 2021, portant sur des prestations de location du studio, parfois accompagnées de la location d'annexes, ainsi que la location de matériels de musique.

8. Toutefois, ainsi que le fait valoir l'administration fiscale, alors que les dotations aux amortissements comptabilisées pour les travaux de création de ce studio, composés notamment de travaux de maçonnerie, de charpente et d'isolation, s'élèvent, au total, à 131 959 euros pour les trois exercices en litige, le site internet présentant le studio d'enregistrement n'a été créé qu'au début de l'année 2015 et la société nommée " Studio des Moulins ", située rue de la ville à Mouchamps, n'a été immatriculée qu'au mois de novembre 2014, soit plusieurs mois après la date déclarée d'achèvement des travaux de rénovation du bâtiment accueillant le studio, et postérieurement à la notification des propositions de rectifications adressées à la C... pour les exercices 2010, 2011 et 2012. Il résulte par ailleurs de ce qui a été exposé au point précédent que l'activité de studio a donné lieu à l'émission des premières factures seulement en 2014 et 2015. Par ailleurs, la société a déduit, au titre des mêmes exercices, des dépenses d'acquisition de matériel de musique, tels que des instruments, des logiciels et du matériel électronique de studio, ainsi que des achats de mobilier d'aménagement de ce studio. Toutefois, comme l'a relevé l'administration, la société n'apporte aucun élément permettant d'établir que l'engagement de telles dépenses d'acquisition de matériel de musique et d'aménagement intérieur du studio au cours des exercices 2010, 2011 et 2012, soit à une période bien antérieure à l'achèvement des travaux de gros-œuvre, peut répondre à l'intérêt de l'entreprise. Le vérificateur a, par ailleurs, constaté au cours d'une visite des lieux qui s'est déroulée le 15 avril 2014 que le matériel de musique présent dans le studio portait des traces d'utilisation. Il a également relevé, dans la comptabilité de l'entreprise, que des fournitures et des consommables musicaux avaient été régulièrement achetés au cours des exercices concernés, témoignant ainsi de leur utilisation à des fins autres que commerciales, l'activité n'ayant alors pas débuté d'après les déclarations de la société. Ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les dépenses liées aux travaux de rénovation du bâtiment destiné à accueillir le studio, à l'acquisition de matériel de musique et aux achats de mobilier d'aménagement intérieur du studio n'ont pas été engagées dans le cadre d'un projet d'élargissement de l'activité de la C.... Ces dépenses, qui ne répondent pas à l'intérêt de l'entreprise, ne pouvaient donc être comptabilisées.

9. D'autre part, il résulte des constatations opérées par le vérificateur lors de la visite des lieux du 15 avril 2014, consignées dans la proposition de rectification relative aux exercices clos en 2011 et 2012, que, bien que nommé " annexe studio " dans la comptabilité et sur les factures établies par les entrepreneurs, l'immeuble situé au 7, rue de la ville à Mouchamps, qui correspond à une maison d'habitation acquise le 2 octobre 2012 par une société civile immobilière constituée des trois enfants de M. B..., comportait, lors de la visite, de nombreux effets personnels appartenant à deux des enfants de M. B..., selon les indications de ce dernier. En outre, le projet consistant à proposer aux musiciens utilisant le studio d'enregistrement des chambres d'hôtes et une salle de restauration, n'est étayé d'aucune pièce permettant d'en justifier, avant l'année 2019, date à laquelle ont été établies quelques factures mentionnant cette prestation, en supplément de la location du studio. Dès lors, l'administration a estimé, à bon droit, que les dépenses afférentes aux travaux engagés sur les bâtiments situés aux numéros 7 et 9 rue de la ville, ainsi qu'au numéro 11, qui constitue la résidence de M. B... d'après ses indications, n'ont pas été engagées, au titre des exercices en litige, dans l'intérêt de la société et sont étrangères à une gestion normale. L'administration a donc, à juste titre, également remis en cause la déduction des dotations aux amortissements correspondant à ces dépenses de travaux.

S'agissant des achats de CD et DVD et de produits disponibles sur la plateforme " ITunes " :

10. L'administration a remis en cause la déduction, au titre des exercices clos en 2011 et 2012, de frais d'achat de CD et DVD, ainsi que de produits achetés sur la plateforme " ITunes ", estimant que ces achats, d'ordre personnel, sont sans rapport avec l'activité de la C.... Cette dernière soutient, d'une part, que ces achats de CD et DVD seraient au contraire justifiés par la nécessité d'effectuer des tests sur les installations audiovisuelles connectées mises en place au domicile de ses clients. Toutefois, elle n'établit aucunement que la réalisation de ces tests nécessiterait l'utilisation d'un nombre très élevé de CD et de DVD, notamment pour vérifier la capacité de stockage du serveur utilisé, alors, en outre, que l'administration fait valoir, sans être contredite, qu'à supposer nécessaire l'utilisation de tels CD et DVD pour effectuer ces tests, ceux-ci auraient dû faire l'objet d'achats groupés, ce qui n'a pas été le cas. D'autre part, la société fait valoir que ses clients, membres de la famille royale du Bahreïn, utilisent la technologie " Apple ". Toutefois, il résulte des précisions apportées par l'administration que les achats effectués sur la plateforme " ITunes " comptabilisés correspondent à des applications françaises en lien avec les loisirs et la vie pratique, et à des jeux en ligne, achetés par la fille de M. B.... La société, qui par ailleurs, est la seule à pouvoir en justifier, ne produit pas davantage d'éléments au soutien de ses allégations selon lesquelles ces achats effectués sur la plateforme " ITunes " lui auraient permis de se tenir informée des propositions existantes sur le marché, afin de pouvoir les installer chez ses clients, disposant de " Games rooms " ou de " Music rooms ". Elle ne produit pas plus d'éléments étayant son allégation selon laquelle une partie de ces produits serait mise à la disposition des équipes affectées à la mise en place ou à la surveillance du matériel installé chez ses clients. Dans ces conditions, l'administration a estimé, à bon droit que les dépenses litigieuses n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société et sont étrangères à une gestion normale et a donc remis en cause leur déduction.

S'agissant des dépenses d'ameublement :

11. La société conteste la remise en cause, par l'administration fiscale, de la déduction au titre de l'exercice clos en 2010, de dépenses comptabilisées comme afférentes à l'ameublement des locaux situés à Mouchamps et au Maroc, relatifs, d'après elle, à son activité principale, pour un montant total de 2 307 euros. Toutefois, elle n'identifie pas ces dépenses, que ce soit dans l'annexe à la proposition de rectification listant les charges dont la déduction a été remise en cause à ce titre, ou même dans sa pièce jointe à la requête présentée devant le tribunal synthétisant les rehaussements qu'elle conteste. Elle se borne, dans sa requête d'appel, à renvoyer au " détail des factures " dont il ressortirait, d'après elle, qu'il s'agirait de " petits équipements de bureaux ", sans toutefois produire les factures en question. Par suite, la société, qui d'ailleurs n'établit pas la réalité des dépenses comptabilisées, ne fournit pas les éléments permettant de remettre en cause la position de l'administration selon laquelle ces dépenses n'ont pas été engagées dans son intérêt.

S'agissant des achats de vins et d'alcools :

12. Pour remettre en cause la déduction de dépenses d'achat de vins et d'alcools au titre des trois exercices vérifiés, comptabilisés par la société comme des cadeaux à la clientèle, pour un montant total de 23 282 euros, l'administration a écarté l'affirmation selon laquelle ces alcools correspondraient à des cadeaux destinés aux partenaires commerciaux de la société. L'administration a fait valoir que la relation commerciale entretenue entre la C... et son unique client final, le royaume de Bahreïn, par l'intermédiaire d'une société nommé " Decovar Orient ", repose sur des compétences techniques particulières et présente un caractère de stabilité ne justifiant pas un tel volume d'achats de cadeaux. La C... évoque une tradition locale consistant à offrir des cadeaux aux différents interlocuteurs, notamment aux employés de la société Decovar Orient, ainsi qu'aux autres entreprises travaillant sur les chantiers communs, notamment au Maroc, en vue de préserver la relation avec le client. Elle allègue que les bouteilles de vins et d'alcool, initialement livrées en France, auraient ensuite été transportées en voiture jusqu'aux différents chantiers. Toutefois, la société n'apporte aucun élément, qu'elle est seule en mesure de fournir, de nature à étayer la réalité d'une telle pratique, notamment l'existence de cadeaux effectués au bénéfice d'employés de la société partenaire ou d'autres entreprises. Elle n'apporte pas davantage d'élément établissant qu'une partie de ces alcools aurait été offerte à ses propres équipes. Par suite, et alors même que les achats en cause représentent, sur chacun des trois exercices, une part du chiffre d'affaires inférieure à 1 %, l'administration a estimé, à bon droit, que les dépenses litigieuses n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société et sont étrangères à une gestion normale et en a, par suite, remis en cause la déduction.

S'agissant des frais d'étude pour l'aménagement d'un bateau fluvial :

13. L'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2012, de frais d'étude pour la réalisation d'un bateau fluvial, comptabilisés pour un montant de 10 000 euros hors taxes, au motif qu'une telle étude est dépourvue de rapport avec l'activité de la société. Cette dernière fait valoir que l'étude s'inscrit dans un projet de diversification de ses activités, lequel aurait vocation à inclure " toutes les technologies mises en œuvre dans les installations domotiques qu'elle réalise ". Elle ajoute que la circonstance que le projet n'a pas abouti ne suffit pas à remettre en cause la déduction des frais exposés pour la réalisation de cette étude. Toutefois, la C... n'apporte aucune précision concernant l'élaboration d'un projet de création d'un bateau fluvial, ni sur les perspectives attendues d'un tel projet, distinct de son activité initiale. La réalité de ce projet ne peut donc être considérée comme avérée et l'administration a donc estimé, à bon droit, que les frais afférents à l'étude en cause n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société et sont étrangers à une gestion normale et en a, par suite, remis en cause la déduction.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 13 du présent arrêt que la C... n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

En ce qui concerne le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la C...:

15. Aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération " et en vertu du 1 du II du même article, la taxe est déductible " dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables ". Il résulte de ces dispositions que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent n'est pas déductible si ces biens et services ne sont pas utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables.

16. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 à 13 du présent arrêt, les dépenses dont la déduction a été remise en cause par l'administration ne peuvent être regardées comme ayant été engagées pour les besoins des opérations imposables de la C.... Dès lors, en application des dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts, la société n'était pas fondée à déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses. La C... n'est donc pas fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités mises à la charge de la C... :

17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

18. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, l'administration s'est fondée sur la nature des dépenses indûment inscrites en charges par la société, leurs montants, leur fréquence et leur répétition au cours des trois exercices vérifiés. Dans ces conditions, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée de la C... d'éluder l'impôt et celle-ci, qui ne peut utilement faire valoir que les rehaussements envisagés sur les exercices clos postérieurement auraient été abandonnés pour l'essentiel, n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ont été méconnues.

19. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que la C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la requête de M. B... :

En ce qui concerne le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales :

20. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Et aux termes de l'article 117 de ce code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ".

21. M. B... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010, 2011 et 2012 en conséquence des rehaussements des bénéfices imposables de la C... au titre des exercices clos ces trois mêmes années. D'une part, la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 procède de l'inclusion, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers imposables entre les mains de M. B..., sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, des sommes regardées comme des revenus distribués par la C... à M. B..., que l'administration a considéré comme l'unique maître de l'affaire. D'autre part, en ce qui concerne les exercices clos en 2011 et 2012, M. B... a été désigné par la C... comme le bénéficiaire des sommes réputées distribuées, en application de l'article 117 du code général des impôts. Pour contester l'imposition, entre ses mains, des rehaussements des bénéfices imposables de la C..., M. B..., qui ne conteste ni avoir la qualité de maître de l'affaire de la société, ni avoir été désigné comme le bénéficiaire des sommes réputées distribuées, se borne à développer les mêmes arguments que ceux développés par cette société. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 13 du présent arrêt que l'administration a, à bon droit, remis en cause la déduction des dépenses comptabilisées par la C.... Par suite, l'administration était fondée à imposer entre les mains de M. B... les revenus distribués par la C..., en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités mises à la charge de M. B... :

22. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, l'administration s'est fondée sur la nature des dépenses indûment inscrites en charges par la C..., leurs montants, leur fréquence, leur étalement au cours des trois exercices vérifiés, et sur la circonstance que M. B..., son dirigeant de droit et maître exclusif de l'affaire, ne pouvait ignorer que celles-ci n'étaient pas exposées dans l'intérêt de l'exploitation. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit précédemment, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée de M. B... d'éluder l'impôt et celui-ci n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ont été méconnues.

23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 21 à 22, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais des instances :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées, sur ce fondement, par la C... et par M. B..., qui sont partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n°s23PA03819, 23PA03820 présentées par la C... et M. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la C..., à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle juridictionnel administratif).

Délibéré après l'audience du 20 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 14 mars 2025.

La rapporteure,

A. MILONLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N°s 23PA03819 - 23PA03820


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03819
Date de la décision : 14/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Audrey MILON
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : SELARL TOUTTEE CONSEIL & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-14;23pa03819 ?
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