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12/03/2025 | FRANCE | N°24PA04524

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 12 mars 2025, 24PA04524


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 7 août 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de quatre ans, d'autre part, de la décision du 12 septembre 2024 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a

retenu son passeport.



Par un jugement n° 2413056, 2413437 du 7 octobre 2024, la m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 7 août 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de quatre ans, d'autre part, de la décision du 12 septembre 2024 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a retenu son passeport.

Par un jugement n° 2413056, 2413437 du 7 octobre 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de lui restituer son passeport et de procéder à la suppression de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 6 novembre 2024 sous le n° 24PA04524, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que la première juge a annulé son arrêté pour erreur d'appréciation dès lors que la présence de M. F... constitue bien une menace pour l'ordre public ;

- les autres moyens soulevés par F... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense et des pièces enregistrés le 28 décembre 2024, M. F... conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions de première instance et à la mise à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2024 sous le n° 24PA04525, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2413056, 2413437 du 7 octobre 2024 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont satisfaites.

La requête a été communiquée à M. F..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- et les observations de Me Weinberg, représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F..., ressortissant congolais né le 28 avril 1991, déclare être entré sur le territoire français le 20 septembre 2014. Le 3 août 2022, il a sollicité un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 7 août 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de quatre ans. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 7 octobre 2024 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de la Seine-Saint-Denis étant formés contre un même jugement, présentant à juger des mêmes questions et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. " L'autorité administrative ne peut, dans ce cadre, opposer un refus à une telle demande ou retirer la carte dont un étranger est titulaire qu'au regard d'un motif d'ordre public suffisamment grave pour que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur. Il appartient ainsi à cette autorité d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle et actuelle pour l'ordre public, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration. Lorsque l'administration oppose ce motif pour refuser de faire droit à une demande de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou retirer une carte de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

4. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 7 août 2024, le tribunal administratif de Montreuil a jugé que le préfet avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de délivrer une carte de séjour à M. F... au motif que sa présence constituait une menace pour l'ordre public.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. F... a été condamné, entre 2017 et 2023, à quatre reprises, pour une période globale de trois ans et un mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à l'obligation d'accomplir un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple à titre principal et à 1 500 euros d'amende en cas de non-respect des obligations ou interdictions résultant de la peine prononcée, pour des faits de violation de domicile : introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menace, voies de fait ou de contrainte et menace de mort réitérée, pour dégradation et détérioration du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes suite à l'attaque de l'ambassade de la République du Congo avec une voiture-bélier et des armes incendiaires et pour destruction ou dégradation du bien d'autrui commise en réunion pour avoir dégradé la voiture d'un proche du ministre de la communication et porte-parole du gouvernement congolais. En outre, il n'est pas contesté qu'il a déclaré devant la commission du titre de séjour qui s'est réunie le 30 mai 2024 " ne pas avoir à se justifier et assumer ses actes " d'activiste politique et que cette dernière a émis un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et notamment de ces différentes condamnations dont la dernière était très récente à la date de l'arrêté attaqué, ni le fait qu'il soit père de quatre enfants dont deux, nés les 14 septembre 2015 et le 8 juin 2020, sont de nationalité française, et qu'il justifie de l'entretien et de l'éducation de son enfant né en 2020 avec lequel il réside, ni la circonstance qu'il suit, depuis le 6 mars 2024, une formation auprès du Lycée polyvalent Gustave Eiffel à Gagny pour obtenir le titre professionnel de conducteur de travaux du bâtiment et du génie civil et qu'il bénéficie à cet égard d'un contrat de formation professionnelle conventionnée, ne suffisent à démontrer qu'il ne représentait plus, à la date de l'arrêté litigieux, une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions et eu égard à la nature des faits en cause, à leur répétition, à leur degré de gravité, son comportement constitue une menace grave et actuelle pour l'ordre public. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que la première juge, estimant que la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour de M. F... était entachée d'une erreur d'appréciation, a annulé l'arrêté en litige pour ce motif.

6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les autres moyens invoqués par M. F... en première instance et en appel :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, il ressort de l'arrêté attaqué que la décision de refus de titre de séjour, qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments soumis par l'intéressé à l'appui de sa demande, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et mentionne des éléments de sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation manque en fait.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier sérieux et préalable de la situation de M. F....

9. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes (...) de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers (...) ". Aux termes de l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure : " Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des enquêtes administratives mentionnées à l'article L. 114-1 qui donnent lieu à la consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel mentionnés à l'article 230-6 du code de procédure pénale, y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours, dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation. (...) ".

10. D'autre part, aux termes de l'article 230-6 du code de procédure pénale : " Afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel (...) ". Aux termes du I de l'article R. 40-29 du même code : " Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, (...), les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : / (...) 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code. (...) ".

11. Pour retenir que la présence de M. F... sur le territoire français caractérisait une menace pour l'ordre public, le préfet de la Seine-Saint-Denis a notamment retenu qu'il ressortait du fichier de traitement des antécédents judiciaires qu'il était défavorablement connu des services de police pour conduite d'un véhicule sans permis le 20 mai 2023. Ainsi que le soutient M. F..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, avant de refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour, saisi les services compétents de la police nationale ou de la gendarmerie nationale pour complément d'information, ou le procureur de la République compétent aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, conformément aux dispositions du I de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale. Toutefois, il résulte de l'instruction que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur les mentions figurant dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires mais uniquement sur les condamnations prononcées par la Cour d'appel de Rouen le 20 novembre 2017, la Cour d'appel de Paris le 20 octobre 2021, le tribunal correctionnel de Meaux le 21 octobre 2022 et le tribunal correctionnel de Pontoise le 17 janvier 2023. Par suite, le moyen tiré du vice dont serait entachée la procédure préalable à la décision de refus de séjour doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative :/ (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Aux termes de l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " La commission du titre de séjour est composée : / 1° D'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles-ci et, à Paris, du maire, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris ; / 2° De deux personnalités qualifiées désignées par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police. / Le président de la commission du titre de séjour est désigné, parmi ses membres, par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police. / Dans les départements de plus de 500 000 habitants, une commission peut être instituée dans un ou plusieurs arrondissements ". Aux termes de l'article R. 432-6 du même

code : " Le préfet ou, à Paris, le préfet de police met en place la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 par un arrêté : / 1° Constatant la désignation des élus locaux mentionnés au 1° du même article ; / 2° Désignant les personnalités qualifiées mentionnées au 2° du même article ; / 3° Désignant le président de la commission ".

13. La consultation de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par les dispositions précitées constitue pour l'étranger une garantie substantielle.

14. Il ressort des pièces produites en appel par le préfet de la Seine-Saint-Denis que la commission du titre de séjour, qui a émis l'avis du 30 mai 2024 sur la situation de M. F..., était composée, d'une part, de M. Michel Lavaud, président, d'autre part, de M. B... E..., maire de Gagny et de M. C... D..., directeur général de l'URSSAF d'Île-de-France, personnalités qualifiées, toutes trois désignées par le préfet par un arrêté n° 2022-3390 du

30 décembre 2022 portant composition de la commission du titre de séjour de la Seine-Saint-Denis, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives. Par suite, le moyen tiré d'une composition irrégulière de cette commission et en conséquence d'une irrégularité de la procédure devant cette commission, doit être écarté.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Si M. F... soutient que sa demande de titre de séjour a également été déposée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte des termes de l'article L. 432-1 du même code rappelées au point 3 du présent arrêt, que dès lors que le préfet a considéré que le comportement de M. F... était constitutif d'une menace pour l'ordre public il pouvait légalement refuser l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions doit être écarté.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, dès lors que le comportement de M. F... est constitutif d'une menace pour l'ordre public, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts poursuivis par la décision en litige ni que cette dernière aurait méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision du titre de séjour au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

19. En deuxième lieu, si M. F... soutient que la décision est entachée d'un défaut d'examen eu égard à sa qualité de réfugié, il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche Telemofpra produite par le préfet en première instance qu'il n'a pas obtenu la qualité de réfugié. Le moyen doit en conséquence être écarté.

20. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, dès lors que le comportement de M. F... est constitutif d'une menace pour l'ordre public, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis ni à soutenir que la décision en litige aurait méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

21. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire qui n'a pas pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel M. F... pourra être éloigné d'office.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

22. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la première décision doit être écarté.

23. En deuxième lieu, la décision en litige vise les articles L. 612-1 et L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision refusant d'accorder au requérant un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.

24. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée ni des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. F.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'un défaut d'examen doit être écarté.

25. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

26. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, dès lors que le comportement de M. F... est constitutif d'une menace pour l'ordre public, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

27. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la première décision doit être écarté.

28. En deuxième lieu, la décision attaquée indique que M. F... n'établit pas être exposé en cas de retour dans son pays d'origine à des traitements contraires aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, il ne ressort pas des termes de cette décision que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas vérifié que la mesure contestée n'exposait pas M. F... à des risques de traitements inhumains et dégradants. Par suite, la décision contestée n'est pas entachée d'un défaut d'examen approfondi de la situation personnelle du requérant.

29. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes des stipulations de cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

30. Si M. F... soutient qu'il doit être considéré comme un réfugié et qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il serait exposé à des persécutions et menaces graves, il n'établit pas le caractère réel et actuel des risques auxquels il serait personnellement et effectivement exposé en cas de retour au Congo, alors qu'il ressort de l'arrêté attaqué que sa demande d'asile présentée le 29 juin 2015 a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 9 décembre 2015 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 30 septembre 2016, que sa demande de réexamen a été à nouveau rejetée par la CNDA le 29 août 2019 et qu'il ne produit devant la Cour aucun élément de nature à établir les risques qu'il invoque, la circonstance qu'il ait déposé le

24 septembre 2024 une nouvelle demande de réexamen de sa demande d'asile n'étant pas de nature à démontrer de tels risques. Ainsi les moyens qu'il invoque, tirés de ce que la décision attaquée, en tant qu'elle fixe le Congo comme pays de destination, méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article

L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant quatre ans :

31. Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

32. Il ressort des termes mêmes des dispositions citées au point précédant que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

33. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

34. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision interdiction de retour sur le territoire français pendant quatre ans serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la première décision doit être écarté.

35. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé à l'encontre de M. F... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre ans au motif que l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public et qu'au regard de sa situation personnelle et familiale ainsi que de sa durée de présence en France, l'édiction d'une interdiction de retour d'une durée de quatre ans apparaît proportionnée à la situation de l'intéressé. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a ainsi rappelé les dispositions applicables à la situation de M. F... et exposé les circonstances de fait qu'il a retenues pour prononcer sa décision d'interdiction de retour, a suffisamment motivé cette décision au regard des exigences posées par les dispositions citées au point 31. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

36. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède au point 35, comme des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché la décision attaquée d'un défaut d'examen de la situation de M. F....

37. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article

L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une erreur d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 10 du présent arrêt.

En ce qui concerne la décision de rétention administrative de son passeport :

38. Aux termes de l'article L. 814-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente, les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu. ".

39. M. F... faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité administrative pouvait légalement retenir son passeport. Cette décision, non écrite, n'a pas à faire l'objet d'une motivation. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, qu'un récépissé de rétention du passeport lui a été remis le 12 septembre 2024 et que le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé de retenir ce document sur le fondement de l'article L. 814-1 précité, dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement dont fait l'objet le requérant. Par suite, les moyens tirés ce que cette décision serait entachée d'un défaut de motivation et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

40. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 7 août 2024. Il y a lieu en conséquence d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes présentées par M. F... devant le tribunal et devant la Cour, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la demande de sursis à exécution :

41. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2413056, 2413437 du tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de la requête n° 24PA04525 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24PA04525 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Article 2 : Le jugement n° 2413056-2413437 du 7 octobre 2024 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Philippe Delage, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2025.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

Ph. DELAGE

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA04524 - 24PA04525 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA04524
Date de la décision : 12/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DELAGE
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : WEINBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-12;24pa04524 ?
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