La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2025 | FRANCE | N°24PA03144

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 12 mars 2025, 24PA03144


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association des métiers de la sécurité (ADMS) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 du ministre de l'intérieur et des outre-mer portant nomination à la commission d'expertise du Conseil national des activités privées de sécurité prévue à l'article R. 632-10 du code de la sécurité intérieure et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Par un jugement n° 2224762 du 13 mai 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des métiers de la sécurité (ADMS) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 du ministre de l'intérieur et des outre-mer portant nomination à la commission d'expertise du Conseil national des activités privées de sécurité prévue à l'article R. 632-10 du code de la sécurité intérieure et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2224762 du 13 mai 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 juillet 2024 et 12 décembre 2024, l'association des métiers de la sécurité, représentée par Me Rollin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 mai 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, le 1° du I. de l'arrêté du 31 août 2022 du ministre de l'intérieur et des outre-mer portant nomination à la commission d'expertise du Conseil national des activités privées de sécurité prévue à l'article R. 632-10 du code de la sécurité intérieure ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce que la version non signée communiquée à la requérante ne permet pas d'établir que la minute du jugement comporterait les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience en application de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est entaché d'irrégularité également dès lors que le mémoire en défense du ministre et la date d'audience ne lui ont pas été communiqués, ce qui l'a empêchée de répliquer utilement et constitue une méconnaissance du principe du contradictoire ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité externe dès lors qu'il n'apparait pas qu'il comporterait la signature de son auteur, en méconnaissance de l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il est entaché d'erreur de droit en ce que, la légalité des actes administratifs s'appréciant à la date de leur intervention, le ministre ne pouvait apprécier la représentativité des organisations professionnelles en fonction de leur poids tel que fixé par arrêté du 21 octobre 2021 ayant arrêté une mesure de la représentativité appréciée au 31 décembre 2019 alors que l'arrêté contesté est en date du 31 août 2022 ;

- il est entaché d'erreur de fait dès lors qu'il se fonde sur la circonstance que le GES regrouperait plus de la moitié des employeurs et qu'aucune autre organisation syndicale ne dépasserait la valeur de 10% du secteur, alors que le GES avait perdu des adhérents importants et qu'elle-même en avait gagné considérablement ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il désigne deux membres de l'EGS et aucun de l'ADMS en dépit de son attractivité croissante auprès des entreprises.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'association des métiers de la sécurité ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 6 octobre 2021 fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- les observations de Me Rollin, avocat de l'association des métiers de la sécurité,

- et les observations de M. A..., représentant le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. En application de l'article R. 632-10 du code de la sécurité intérieure le ministre de l'intérieur et des outre-mer, après avoir invité les organisations professionnelles du secteur de la sécurité privée à proposer, en vue de leur éventuelle nomination, des personnes susceptibles de siéger au sein de la commission d'expertise placée auprès du conseil d'administration du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a finalement, par arrêté du 31 août 2022, nommé, pour siéger au sein de cette commission d'expertise, deux représentants du Groupement des entreprises de sécurité (GES). Une autre organisation professionnelle, l'association des métiers de Sécurité (ADMS), qui avait proposé un candidat qui n'a pas été nommé, a dès lors saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Le tribunal a toutefois rejeté cette demande par un jugement du 13 mai 2024 dont l'association des métiers de Sécurité relève dès lors appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience en application de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite la seule circonstance que la copie de ce jugement notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité dudit jugement.

3. En second lieu il ressort également des pièces du dossier et notamment des documents Télérecours figurant dans le dossier de première instance que le mémoire en défense du ministre devant le tribunal a été mis à disposition du conseil de la requérante via cette application le 17 avril 2023 à 10H58, cet envoi ayant fait l'objet d'un accusé de réception le jour même à 11H11, et que par ordonnance du même jour, communiquée à ce conseil à 10H24, la clôture de l'instruction a été reportée au 19 juin 2023 pour lui permettre de répliquer s'il le souhaitait. De même cet avocat s'est également vu notifier via Télérecours le 3 avril 2024 à 10H46 un avis d'audience, pour l'audience du 26 avril suivant. Ainsi le moyen tiré de l'irrégularité du jugement et de la méconnaissance du principe du contradictoire du fait que la société requérante ne se serait pas vu notifier le mémoire en défense de première instance ainsi que l'avis d'audience, et n'aurait ainsi pas été mise à même de répliquer et de prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public ainsi que de se rendre, le cas échéant, à l'audience, manque en fait.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué, en date du 31 août 2022 du ministre de l'intérieur et des outre-mer, produit devant les premiers juges, comporte le nom et la signature de Gérald Darmanin, alors titulaire de cette fonction et auteur de la décision litigieuse. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration manque également en fait.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

5. Aux termes de l'article R. 632-10 du code de la sécurité intérieure : " Le conseil d'administration est assisté d'une commission d'expertise. Elle peut formuler toute proposition qui lui parait de nature à garantir le bon exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité concernant les activités soumises au présent livre et à régler les difficultés soulevées ou à en prévenir le renouvellement. / Elle comprend, outre son président : / 1° Sept personnes issues des activités privées de sécurité mentionnées aux articles L. 611-1 et L. 621-1, nommées par le ministre de l'intérieur parmi celles proposées par les organisations professionnelles de sécurité privée dont : / a) Deux au titre des activités de surveillance et de gardiennage ; (...) / Les personnes désignées au 1° du présent article doivent être titulaires de l'un des agréments prévus aux articles

L. 612-6 et L. 622-7 ou de l'une des cartes professionnelles prévues aux articles L. 612-20 et

L. 622-19. / Les membres de la commission sont nommés pour une durée de trois ans, renouvelable une fois ".

6. En l'absence de disposition législative ou réglementaire précisant les critères au regard desquels est appréciée la représentativité des organisations professionnelles appelées à proposer les noms de leur représentant au sein de la commission d'expertise placé auprès du conseil d'administration de l'établissement public, il appartient à l'administration de procéder librement à ce choix dans l'intérêt général, en s'assurant de la représentativité suffisante des organisations professionnelles qu'elle retient à cette fin. Il appartient toutefois au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de contrôler les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour effectuer son choix et de prononcer l'annulation de la décision prise si le motif retenu est erroné en droit, s'il repose sur un fait matériellement inexact, s'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ou enfin s'il procède d'un détournement de pouvoir.

7. En premier lieu, s'il est vrai que la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, ce principe, qui impose de mettre en œuvre les textes applicables lors de l'édiction de la décision et exclut par ailleurs de prendre en compte des textes ou faits ultérieurs, n'interdit pas en revanche de se fonder sur des éléments factuels antérieurs à cette édiction, dès lors qu'il n'apparait pas qu'ils seraient, à cette date, erronés. Ainsi, si le ministre indique s'être fondé, pour procéder aux nominations litigieuses par décision du 31 août 2022, sur l'arrêté du 21 octobre 2021 établissant une mesure de la représentativité appréciée au 31 décembre 2019, et non au

31 décembre 2020 par application de l'article 1 du décret n° 2020-927 du 29 juillet 2020 pris en raison des contraintes résultant de la crise sanitaire, cette circonstance ne permet pas par elle-même d'établir que la décision en cause serait entachée d'illégalité, outre que l'existence d'une " erreur de droit " telle qu'invoquée par la requérante relève du seul contrôle du juge de cassation.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 21 octobre 2021 susvisé : " Dans le champ de la convention collective mentionnée à l'article 1, pour l'opposition à l'extension des accords collectifs prévue au titre de l'article L. 2261-19, le poids des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives est le suivant : / - Groupement des Entreprises de Sécurité (GES) : 74,89% ; / - Syndicat des Entreprises de Sureté Aérienne et Aéroportuaire (SESA) : 9,79% ; / - Groupement Professionnel des Métiers de télésurveillance et télé-services de prévention et sécurité (GPMSE Tls) : 8,96% ; / - Association des Métiers de la Sécurité (ADMS) : 6,36% ".

9. La société requérante soutient que l'arrêté en litige serait également entaché d'erreur de fait dès lors qu'il se fonderait sur la circonstance que le GES regrouperait plus de la moitié des employeurs et qu'aucune autre organisation syndicale ne dépasserait la valeur de 10% du secteur ; toutefois cette considération, en tout état de cause exacte dans l'évaluation effectuée par l'arrêté précité du 21 octobre 2021, ne ressort pas des termes de la décision litigieuse. Par ailleurs la requérante fait également valoir que cet arrêté ne correspondait plus à la réalité du poids effectif des différentes organisations professionnelles du secteur à la date d'intervention de la décision attaquée dès lors que son poids aurait notablement augmenté depuis lors du fait de nombreuses adhésions nouvelles de sociétés tandis que celui du groupement des entreprises de Sécurité (GES) aurait sensiblement diminué. Il est vrai qu'il ressort des pièces du dossier que ce groupement a, à la fin de l'année 2020 ou au début de l'année 2021, perdu deux adhérents importants, et par ailleurs que l'ADMS, qui produisait surtout jusqu'ici des retranscriptions de déclarations de ses dirigeants à " AEF Info ", a désormais produit à l'appui de son mémoire en réplique des attestations de son commissaire aux comptes dont il résulte qu'elle justifiait de 68 entreprises adhérentes pour l'exercice clos le 31 décembre 2019 et de 38 nouvelles adhésions pour l'exercice suivant, clos le

31 décembre 2020, sans qu'il soit au demeurant produit d'informations sur la poursuite de cette évolution au cours de l'exercice suivant. En tout état de cause il ne résulte pas des pièces du dossier que l'écart considérable entre le poids du GES et de l'ADMS, évalué par l'arrêté précité du

21 octobre 2021 à respectivement 74,89 % et 6,36%, se serait entretemps réduit dans des proportions telles que la décision attaquée, nommant deux candidats proposés par le GES et aucun proposé par l'ADMS, doive être regardée comme entachée d'erreur de fait, la requérante elle-même, dans un calcul auquel elle se livre à partir de son nombre de nouvelles adhésions, soutenant seulement qu'elle représenterait désormais un poids de 18,46% des salariés, soit en toute hypothèse un chiffre très éloigné de celui du GES, sans même qu'il soit besoin de s'interroger sur le poids, à la date de la décision attaquée, des deux autres organisations professionnelles existantes, le Syndicat des Entreprises de Sureté Aérienne et Aéroportuaire (SESA) et le Groupement Professionnel des Métiers de télésurveillance et télé-services de prévention et sécurité. Ainsi la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur de fait.

10. En troisième lieu, à supposer même établi que, comme elle le soutient, l'ADMS réunirait parmi ses adhérents des entreprises de toutes tailles, avec comme spécificité d'être des entreprises françaises patrimoniales, dont les dirigeants possèderaient une part significative du patrimoine, ce qui garantirait leur ancrage en France, cette circonstance ne permet pas d'établir que sa voix serait " singulière " et mériterait " d'être particulièrement prise en considération par les pouvoir publics français ", outre qu'en tout état de cause la spécificité des entreprises adhérentes de cette association par rapport aux adhérentes des autres associations professionnelles du secteur ne ressort pas des pièces du dossier. Par ailleurs s'il est vrai que la décision attaquée consiste à nommer deux représentants d'une même organisation, la requérante n'établit pas que cette situation serait contraire à " une pratique antérieure contraire et constante " ni, alors qu'elle s'explique sans doute par les circonstances particulières de l'espèce, tenant notamment à la forte prépondérance du GES au sein des organisations professionnelles du secteur, que la décision litigieuse serait de ce fait entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite le moyen tiré de l'existence d'une telle erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production, demandée par la requérante, de documents qui n'apparaissent pas nécessaires à la résolution du présent litige.

11.Il résulte de tout ce qui précède que l'association des métiers de la sécurité (ADMS) n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'association des métiers de la sécurité (ADMS) est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des métiers de la sécurité (ADMS) et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Delage, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente assesseure,

- Mme Labetoulle, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2025.

La rapporteure,

M-I. LABETOULLE Le président,

Ph. DELAGELe greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA03144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03144
Date de la décision : 12/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DELAGE
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : ROLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-12;24pa03144 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award