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11/03/2025 | FRANCE | N°24PA02662

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 11 mars 2025, 24PA02662


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2305704 du 21 mai 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le

21 juin 2024, appuyée de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la cour les 28 et 29 janvier 2024, M. B.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2305704 du 21 mai 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juin 2024, appuyée de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la cour les 28 et 29 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Badani, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du 11 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre de subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour alors qu'il réside en France de manière continue depuis le 15 octobre 2008, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a été pris en méconnaissance de son droit à être entendu ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du même code ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 12 novembre 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba ;

- et les observations de Me Badani, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 22 août 1984, est entré en France le 15 octobre 2008 muni d'un visa de long séjour. Il s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " de 2008 à 2015. Le 6 août 2015, il a fait l'objet d'une décision portant refus de délivrance de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français prononcée par le préfet des Hauts-de-Seine. Le 26 juin 2019, il a fait l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement prononcée par le préfet de police, qui a été annulée par un jugement du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Paris qui a, en outre, enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. B.... Dans le cadre du réexamen de sa situation, M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Un nouvel arrêté du 7 février 2020 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire a été pris à son encontre par le préfet de la Seine-Saint-Denis, arrêté qui a été annulé par un jugement du 15 janvier 2021 du tribunal administratif de Montreuil qui a, en outre, enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé. Par un arrêté du 11 avril 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a de nouveau refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 21 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".

3. Il est constant que M. B... a vécu en France sous couvert d'un titre de séjour étudiant de 2008, date de son arrivée en France sous couvert d'un visa de long séjour, à 2015. A compter de cette date, il produit au dossier de l'instance des documents suffisamment nombreux, variés et probants, notamment des factures de téléphone ou d'électricité, des prescriptions médicales et résultats d'analyses, de contrats de travail et fiches de paie, des relevés bancaires retraçant divers mouvements, des relevés d'achats de passes Navigo, des courriers d'administration, et des avis d'imposition, pour justifier de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, y compris pour les années 2016, 2017 et 2018, qui sont les seules pour lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis conteste cette résidence habituelle. S'agissant en particulier de la période allant de mars 2017 à mai 2018, remise en cause par le tribunal, il produit plusieurs documents datés d'avril 2017 relatifs à une procédure d'expulsion locative, une facture EDF de mai 2017, un formulaire de déclaration mensuelle du chiffre d'affaires daté de juin 2017, ainsi que deux relevés attestant de l'achat d'un passe Navigo pour tous les mois des années 2017 et 2018. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait rejeter sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable notamment aux ressortissants tunisiens, sans saisir préalablement la commission du titre de séjour, dont la consultation est constitutive d'une garantie pour l'intéressé. Par suite, M. B... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, qui est le mieux à même de régler le litige, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance à M. B... d'un titre de séjour, mais seulement le réexamen de sa demande. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, après avoir saisi la commission du titre de séjour du cas de l'intéressé au titre de sa résidence habituelle en France, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2305704 du 21 mai 2024 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de procéder au réexamen de la situation de M. B... et, au préalable, de saisir pour avis la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny.

Délibéré après l'audience du 3 février 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24PA02662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02662
Date de la décision : 11/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BADANI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-11;24pa02662 ?
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