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07/03/2025 | FRANCE | N°24PA02311

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 07 mars 2025, 24PA02311


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

12 janvier 2024 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.



Par un jugement n° 2403309-8 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et

un mémoire, enregistrés le 23 mai 2024 et le 14 octobre 2024,

Mme A..., représentée par Me Desouches, demande à la Cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

12 janvier 2024 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2403309-8 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mai 2024 et le 14 octobre 2024,

Mme A..., représentée par Me Desouches, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour mention " étudiant " ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste au regard de l'appréciation de la réalité et du sérieux de ses études ;

- la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour viole l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle n'a pas redoublé deux fois, comme le soutient le préfet, mais n'a simplement pas réussi à rattraper son semestre lors de sa réinscription en Master 1 ; elle n'a pas changé de cursus lors de sa réinscription en Master 1 à l'université d'Angers mais est restée au sein de la même formation qui a changé de dénomination ;

- son inscription, pour l'année 2023-2024, en Master 1 " Géographie, Aménagement, Environnement et Développement " au sein de l'université Paris Cité est en parfaite cohérence avec son parcours et sa licence mention " Géographie et Aménagement " ;

- elle justifie de réelles perspectives professionnelles.

Par un mémoire, enregistré le 9 septembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au

4 décembre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz, rapporteur,

- et les observations de Mme A..., comparante en personne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante chinoise née le 19 mai 1998, est entrée sur le territoire français le 8 septembre 2020, munie de son passeport revêtu d'un visa long séjour valant titre de séjour délivré par les autorités consulaires françaises, portant la mention " étudiant ", valable du

23 août 2020 au 23 août 2021. A l'expiration de son visa, elle a été mise en possession d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " étudiant ", à compter du 24 août 2021, renouvelée en dernier lieu jusqu'au 23 octobre 2023. Par une demande déposée le 17 août 2023, Mme A... a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 12 janvier 2024, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 24 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies.

3. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme A..., le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée n'a obtenu aucun diplôme depuis l'obtention de sa licence de Sciences humaines et sociales, mention " Géographie et Aménagement ", en 2021, et qu'après deux redoublements successifs, elle a changé de cursus. Le préfet en a déduit qu'en l'absence de progression dans son cursus universitaire, Mme A... n'établit pas le caractère réel et sérieux de ses études.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a suivi une formation diplômante qui consistait en une double licence de géographie à l'université de Ningbo, en Chine, en partenariat avec l'université d'Angers, au sein de laquelle elle a obtenu, au titre de l'année universitaire 2020/2021, le diplôme mentionné au point 3 assorti de la mention " bien ", ayant obtenu une note globale d'admission de 14,341 points sur 20. Mme A... a ensuite entamé, au titre de l'année universitaire 2021/2022, un master 1 " Aménagement touristique et développement des destinations, option Espaces et sociétés littorales " à l'UFR ESTHUA, Tourisme et Culture, de l'université d'Angers. Elle n'a toutefois pas obtenu ce Master, échouant à valider le premier semestre pour lequel elle a obtenu la note globale de 9,183 points. Mme A... s'est ensuite inscrite, au titre de l'année universitaire 2022/2023, au Master 1 " Projet et développement touristique des destinations, option Espaces et sociétés littorales ", dont il ressort de l'attestation du directeur de l'ESTHUA, Institut national de tourisme - INNTO France, en date du 8 février 2024, qu'il correspond, malgré un intitulé modifié, au même Master 1 que celui suivi par l'intéressée l'année précédente, mais dont elle n'a pas davantage pu valider le premier semestre, malgré une note globale de 11,103 points, ayant été ajournée dans une matière (UE2). Enfin, la requérante s'est inscrite, pour l'année universitaire 2023/2024 au titre de laquelle elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, au Master 1 " Géographie, aménagement, environnement et développement " de l'université Paris Cité.

5. En premier lieu, il ressort de l'attestation précitée du directeur de l'ESTHUA de l'université d'Angers que ce dernier décrit Mme A... comme une étudiante " sérieuse, investie et assidue aux cours ". L'attestation de la responsable du service des examens de l'UFR ESTHUA, en date du 17 janvier 2024, mentionne d'ailleurs à cet égard que Mme A..., dans le cadre du Master 1 suivi par elle au titre de l'année 2021/2022, " a satisfait à toutes ses obligations d'assiduité aux 484 heures d'enseignement et (elle) a été assidue aux examens ". Le directeur de l'ESTHUA ajoute en outre que l'étudiante, initialement inscrite dans une licence " Géographie " dans son université d'origine à Ningbo, a souhaité ensuite s'inscrire dans un " Master de tourisme ", mais qu'elle n'a pu valider ce Master dès lors que " le Tourisme est une formation pluridisciplinaire incluant, outre la géographie, de sérieuses bases en Sciences de Gestion (marketing, comptabilité...) ", et que l'absence de bases suffisantes dans cette dernière discipline " explique son échec malgré les efforts qu'elle a fournis ". Le directeur précise enfin qu'au titre de l'année 2023/2024, Mme A... " est inscrite en Géographie à l'université de Paris VII (Université Paris Cité), dans un cursus plus conforme à sa formation initiale ". Il résulte de ce qui vient d'être dit que, contrairement à ce que retient le préfet dans la décision attaquée, Mme A... n'a pas " changé de cursus après deux redoublements successifs " mais est revenue, au sein de l'université Paris-Cité, à un cursus en plus stricte adéquation avec la mention de sa licence " Géographie et Aménagement ", après avoir échoué de peu à deux reprises à valider le premier semestre du Master suivi à l'université d'Angers du fait de ses lacunes en sciences de gestion, ainsi qu'il résulte de l'attestation du directeur de l'ESTHUA du 8 février 2024.

6. En second lieu, il résulte de l'attestation du président de l'OCÉAM (Organisme de Culture d'Étude et d'Action Maritimes), association gérant le musée de la mer aux Sables d'Olonne (Vendée), qui était le tuteur de Mme A... dans le cadre du stage qu'elle a effectué du 1er avril 2022 au 28 août 2022 au sein de ce musée, que celui-ci décrit l'intéressée comme " une stagiaire remarquable ", qui " a démontré un engagement exceptionnel, une éthique de travail et une passion manifeste pour la transmission de notre patrimoine maritime ", et termine sa lettre en mentionnant qu'il est " convaincu " qu'elle " continuera à exceller dans ses futurs engagements professionnels " et qu'elle " apportera à n'importe quelle équipe une combinaison unique de compétences, d'enthousiasme et de détermination ". En outre, il résulte de l'attestation du

13 mars 2024 du responsable du Master 1 " Géographie, aménagement, environnement et développement " suivi par Mme A... au sein de l'université Paris Cité au titre de l'année 2023/2024, postérieure à l'arrêté attaqué mais de nature à éclairer une situation de fait préexistante à ce dernier, que ce responsable fait état, concernant Mme A..., " de son assiduité irréprochable, de son sérieux dans la poursuite de ses études, et de son grand investissement lors des cours ". Ce responsable mentionne en outre que les notes de la requérante " sont tout à fait satisfaisantes jusqu'à présent, et lui permettront de poursuivre ses études en 2ème année de Master ". Il résulte d'ailleurs des pièces du dossier que Mme A... a obtenu la Maîtrise Sciences humaines et sociales, mention " Géographie, aménagement, environnement et développement " au titre de l'année 2023/2024, avec un résultat d'admission de 14,209 points sur 20, ce qui lui confère la mention " bien ".

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que le préfet de police, en refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A... au motif du défaut de caractère réel et sérieux de ses études, a commis une erreur d'appréciation. L'arrêté attaqué est, par suite, entaché d'illégalité dans toutes ses dispositions.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 12 janvier 2024.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Compte tenu du moyen d'annulation retenu et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'évolution de la situation de Mme A... y fasse obstacle, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer un titre de séjour mention " étudiant " à l'intéressée dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

10. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à

Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2403309-8 du tribunal administratif de Paris du 24 avril 2024 et l'arrêté du préfet de police du 12 janvier 2024 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " à Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 février 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Doumergue, présidente,

- Mme Bruston, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2025.

Le rapporteur,

P. MANTZLa présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA02311 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02311
Date de la décision : 07/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : DESOUCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-07;24pa02311 ?
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