Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Archipel a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de la décharger du paiement de la somme de 228 328 529 francs CFP correspondant au solde du marché n° 2011-INV-001 de maîtrise d'œuvre passé par la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie pour le réaménagement et la restructuration de l'aérogare passager de l'aéroport de Nouméa La Tontouta.
Par un jugement n° 2100254 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 octobre et 24 novembre 2022 et 27 décembre 2023, la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, représentée par la SELARL DetS Legal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de condamner solidairement les sociétés Archipel, Jacques Rougerie Architecte, Ecep et Capse NC à lui verser la somme de 228 328 529 francs CFP ;
3°) de mettre à la charge de la société Archipel une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur l'ensemble de ses moyens ;
- il a statué ultra petita en déchargeant la société Archipel du paiement du solde du marché ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu que le mandat de représentation de la
société Archipel avait cessé à compter de la date de résiliation du marché de maîtrise d'œuvre et qu'il a estimé que l'article 34-1 du CCAG-PI lui faisait obligation de notifier un décompte de résiliation à chacune des entreprises membres du groupement de maîtrise d'œuvre ;
- c'est à tort qu'il a estimé qu'il lui appartenait de faire ressortir les manquements et défaillances attribuables à la société Archipel en particulier, ainsi qu'à chaque société membre du groupement de maîtrise d'œuvre en général ;
- en tout état de cause, le tableau de répartition des tâches figurant dans l'acte d'engagement ne permettait pas de déterminer précisément les missions de chaque membre du groupement ;
- ses prétentions à l'égard du groupement de maîtrise d'œuvre titulaire du marché
n° 2011-INV-001 sont fondées, compte tenu des nombreuses fautes commises par la maîtrise d'œuvre, qui ont conduit à l'allongement de la durée du chantier.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 décembre 2024, la société Archipel, représentée par Me Caron, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions aux fins de condamnation présentées par la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie sont irrecevables, car nouvelles en appel ;
- ses conclusions aux fins de rejet de la demande de la société Archipel sont également irrecevables en ce qu'elles ont été présentées postérieurement à l'expiration du délai d'appel ;
- l'action de la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie à son encontre est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ;
- les pénalités ne sont pas étayées et pas prévues par le CCAP du marché ;
- les " pertes de recettes " et le " surcoût d'AMO " allégués ne sont justifiés par aucune pièce et la répartition entre les deux groupements de maîtrise d'œuvre n'est ni explicitée ni justifiée ;
- la corrélation entre le surcoût des travaux pris en charge et un éventuel manquement du groupement de maîtrise d'œuvre dont elle était le mandataire n'est pas précisée ;
- il n'est pas justifié du paiement d'une somme de 14 081 145 francs CFP à la
société R2M.
Les sociétés Jacques Rougerie Architecte, Ecep et Capse NC ont été mises en cause mais n'ont pas produit de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins de condamnation présentées par la
CCI de Nouvelle-Calédonie, en ce qu'elles sont nouvelles en appel.
Par un mémoire enregistré le 12 novembre 2024, la CCI de Nouvelle-Calédonie soutient que ce moyen n'est pas fondé.
Par une ordonnance du 16 janvier 2025, l'instruction a été close avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté pour la CCI de Nouvelle-Calédonie a été enregistré le
20 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;
- la loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012 ;
- l'arrêté n° 2017-209/GNC du 17 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Chaudhryshouq, représentant la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, et de Me Roussarie, représentant la société Archipel.
Une note en délibéré a été produite pour la société Archipel le 17 février 2025.
Considérant ce qui suit :
1. La chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Nouvelle-Calédonie exploite l'aéroport international de Nouméa-La Tontouta dans le cadre d'une concession octroyée par l'Etat. Dans la perspective de travaux de modernisation et d'extension de l'infrastructure de cet aéroport, elle a passé, le 1er mars 2005, un marché de maîtrise d'œuvre n°2005-INV-001 avec un groupement ayant pour mandataire la société Jacques Rougerie Architectes. Après avoir procédé à la résiliation de ce marché, elle a, par un marché n° 2011-INV-001 signé le
1er juillet 2011, confié la poursuite de cette mission de maîtrise d'œuvre à un nouveau groupement solidaire constitué de la société Archipel, mandataire, et des sociétés Jacques Rougerie Architecte, Ecep et Capse NC (groupement de maîtrise d'œuvre n° 2). Ce marché a été résilié, pour faute, le 24 juillet 2014. La CCI de Nouvelle-Calédonie a notifié à la société Archipel, le 1er avril 2021, un décompte général faisant apparaître un solde négatif de 228 328 529 francs CFP. Cette dernière a contesté ce décompte par un mémoire en réclamation daté du 22 avril 2021. La CCI de Nouvelle-Calédonie relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a déchargé la société Archipel du paiement de la somme de 228 328 529 francs CFP.
Sur la recevabilité des conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie :
2. En premier lieu, dès lors qu'il appartient au juge de plein contentieux d'examiner le bien-fondé de la demande de la société Archipel, la circonstance que la CCI de
Nouvelle-Calédonie n'aurait pas conclu, dans le délai d'appel, au rejet de la demande de cette société, serait en tout état de cause sans incidence sur l'office du juge.
3. En second lieu, les conclusions de la CCI de Nouvelle-Calédonie tendant à la condamnation solidaire des sociétés Archipel, Jacques Rougerie Architecte, Ecep et Capse NC à lui verser le solde du marché sont nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables.
Sur la régularité du jugement :
4. En premier lieu, si la CCI de Nouvelle-Calédonie soutient, dans sa requête sommaire, que le jugement attaqué serait irrégulier en ce que le tribunal aurait omis de statuer sur l'ensemble de ses moyens de défense, elle ne précise pas les moyens sur lesquels le tribunal aurait dû statuer et aurait omis de le faire.
5. En second lieu, en regardant les conclusions de la société Archipel aux fins d'annulation du décompte général qui lui avait été notifié, comme tendant à être déchargée du paiement du solde de ce décompte, le tribunal n'a pas statué au-delà des conclusions qui lui étaient soumises.
Sur le moyen retenu par le tribunal :
6. Aux termes de l'article 34-1 du cahier des clauses administratives générales relatif aux prestations intellectuelles applicable au marché (CCAG) : " La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire ". Aux termes de l'article 3-1 de ce cahier : " La notification au titulaire des décisions ou informations du pouvoir adjudicateur qui font courir un délai, est faite : (...) / En cas de groupement, la notification se fait au mandataire pour l'ensemble du groupement ". Aux termes de l'article 37 de ce même cahier : " (...) Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion (...) ".
7. Il résulte de ces stipulations que si, en principe, après la résiliation du marché, le
co-contractant cesse d'être membre du groupement solidaire d'entreprises, le mandataire de ce groupement demeure seul habilité à signer le décompte de résiliation et, le cas échéant, le mémoire de réclamation. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de même portée dirigés contre ce jugement, la CCI de Nouvelle-Calédonie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a retenu que la société Archipel ne pouvait, à compter de la date de résiliation du marché, représenter en qualité de mandataire l'ensemble des membres du groupement solidaire constitué pour l'exécution de ce marché et que le maître d'ouvrage aurait dû notifier un décompte de résiliation à chacune des entreprises membres du groupement.
8. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Archipel devant le tribunal administratif au soutien de ses conclusions tendant à être déchargée du paiement de la somme de 228 328 529 francs CFP.
Sur les autres moyens soulevés, devant le tribunal, par la société Archipel :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des sommes contestées :
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'un " décompte général ", tenant lieu du décompte de résiliation prévu par les stipulations précitées de l'article 34-1 du CCAG, a été notifié à la société Archipel le 1er avril 2021. Dès lors, la société Archipel n'est pas fondée à soutenir que ces stipulations auraient été méconnues.
10. En deuxième lieu, si la réception de l'ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l'ouvrage, elle n'a pas d'influence sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché. Par suite, la société Archipel ne peut utilement se prévaloir de la réception des travaux le 6 novembre 2013.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 2224 du code civil, applicable en Nouvelle-Calédonie en vertu du II de l'article 25 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes de l'article 2241 du même code : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion (...) ". Aux termes de l'article 2239 de ce même code : " La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. / Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ".
12. D'une part, la prescription court à compter de la manifestation du dommage,
c'est-à-dire de la date à laquelle la victime a une connaissance suffisamment certaine de l'étendue du dommage. Dans les circonstances de l'espèce, la CCI de Nouvelle-Calédonie doit être regardée comme ayant eu connaissance de l'étendue de son dommage lié à l'allongement de la durée du chantier, à la date de réception des travaux de l'aéroport, le 6 novembre 2013, et de celui lié spécifiquement à l'ensemble des fautes contractuelles du groupement de maîtrise d'œuvre n° 2 à la date de résiliation du marché n° 2011-INV-001, le 24 juillet 2014.
13. D'autre part, il résulte de l'instruction que la CCI de Nouvelle-Calédonie a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une demande d'expertise moins de cinq ans après la réception des travaux et de la résiliation du marché en litige, mettant en cause, notamment, les membres du groupement de maîtrise d'œuvre n° 2, afin, en particulier, de rechercher les causes du retard du chantier, de décrire les manquements contractuels liés à l'intervention des différents groupements de maîtrise d'œuvre, de déterminer leur conséquences économiques à l'égard des différents intervenants à l'acte de construire et, plus généralement, de produire tout élément permettant à la juridiction d'évaluer tous les préjudices subis. Par une ordonnance du 19 août 2016, le juge des référés du tribunal a désigné, à cette fin, un expert. Dans ces conditions, le délai de prescription de la créance que la CCI de Nouvelle-Calédonie prétend détenir sur le groupement de maîtrise d'œuvre n° 2 a été interrompu par la demande en justice formée par la CCI de Nouvelle-Calédonie, puis a été suspendu durant la réalisation de l'expertise, et n'a recommencé à courir qu'à la date de remise du rapport d'expertise,
le 23 avril 2018. Par ailleurs, si la société Archipel fait valoir que les montants figurant dans le décompte général relatifs aux pénalités étaient connus avec précision dès la date de résiliation de son marché, cette circonstance est sans incidence sur l'interruption du délai de prescription par la demande d'expertise formée par la CCI de Nouvelle-Calédonie, laquelle incluait notamment, ainsi qu'il vient d'être dit, les manquements contractuels liés à l'intervention des groupements de maîtrise d'œuvre. Dans ces conditions, la créance que la CCI de
Nouvelle-Calédonie estimait détenir sur les membres du groupement de maîtrise d'œuvre n° 2 n'était pas prescrite lorsqu'elle a notifié à la société Archipel un décompte général, le
1er avril 2021.
14. En dernier lieu, si la société Archipel soutient que, par plusieurs arrêts revêtus de l'autorité de chose jugée, la cour administrative de Paris a rejeté les appels en garantie formés par la CCI de Nouvelle-Calédonie à l'encontre du groupement de maîtrise d'œuvre dont elle était mandataire, au motif que ce groupement n'aurait commis aucune faute, ces arrêts se sont bornés à retenir que les faits générateurs des préjudices dont certains entrepreneurs demandaient l'indemnisation étaient antérieurs à la signature du marché n° 2011-INV-001, sans exonérer le groupement de maîtrise d'œuvre n° 2 de toute faute. En tout état de cause, l'objet du présent litige, relatif au préjudice subi par la CCI de Nouvelle-Calédonie en raison de l'allongement de la durée du chantier, n'est pas identique à celui des litiges ayant donné lieu à ces arrêts.
En ce qui concerne la contestation des retenues figurant au décompte :
15. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société Archipel, le cahier des clauses administratives particulières du marché (CCAP) du marché en litige prévoit les pénalités qui ont été infligées, à hauteur de 29 461 306 F CFP, au groupement de maîtrise d'œuvre dont elle est le mandataire. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que la CCI de Nouvelle-Calédonie ne justifie pas du nombre de jours de retard qui est détaillé, pour chacune des pénalités infligées, par la " fiche pénalités " jointe au décompte général, laquelle mentionne également la date à laquelle le retard s'est produit, la société Archipel ne remet pas sérieusement en cause la matérialité des retards retenus et le bien-fondé des pénalités infligées.
16. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport du cabinet KPMG, que le retard dans la livraison des travaux, entre 17 et 32 mois selon les zones, a engendré, pour la CCI de Nouvelle-Calédonie, une perte d'exploitation, liée aux redevances domaniales et commerciales auxquelles elle aurait pu prétendre si les travaux avaient été livrés dans les délais contractuels. Toutefois, les pertes d'exploitation relatives aux zones livrées avant la signature du marché n° 2011-INV-001 ne sauraient être imputées au groupement de maîtrise d'œuvre ayant pour mandataire la société Archipel. S'agissant, en outre, des zones livrées à compter du 1er juillet 2011, le retard dans leur livraison est nécessairement imputable, pour partie, au retard accumulé avant le 1er juillet 2011. Par ailleurs, si la CCI de Nouvelle-Calédonie énumère plusieurs manquements du groupement de maîtrise d'œuvre n° 2, la réparation forfaitaire du préjudice causé par ces manquements est, pour plusieurs d'entre eux, prévue par le CCAP par le biais de pénalités de retard, s'agissant par exemple des retards dans les opérations préalables à la réception des travaux (article 8.8.2. du CCAP) ou de la délivrance des visas sur les documents d'exécution (article 8.1.2. du CCAP). Dès lors, la CCI de
Nouvelle-Calédonie ne peut utilement invoquer ces manquements pour obtenir l'indemnisation de sa perte d'exploitation. De plus, d'autres manquements relevés par la requérante, comme le retard dans le traitement d'une fiche dans le cadre de la mission de parfait achèvement, sont manifestement dépourvus de lien avec la perte d'exploitation liée au retard de livraison des zones. Enfin, si quelques manquements du groupement de maîtrise d'œuvre n° 2, tel le retard dans la production des pièces permettant la réalisation de l'auvent zone arrivée, sont antérieurs à la livraison des zones et ne sont pas sanctionnés par des pénalités de retard, leur lien avec les zones concernées par la perte d'exploitation de la CCI de Nouvelle-Calédonie n'est, en l'état de l'instruction, pas établi. Dès lors, la CCI de Nouvelle-Calédonie ne pouvait appliquer, au décompte général, une retenue de 95 550 885 F CFP au titre de sa perte d'exploitation. Il en va de même de la retenue de 63 321503 F CFP qu'elle a appliquée au titre des surcoûts de son marché d'assistance de maîtrise d'ouvrage, le rapport du cabinet KPMG qu'elle produit se bornant à renvoyer à une liste de facturations, sans que le lien avec les fautes du groupement de maîtrise d'œuvre n° 2, non couvertes par des pénalités, ne soit établi.
17. En troisième lieu, la CCI de Nouvelle-Calédonie n'apporte aucun élément de nature à contredire l'affirmation de la société Archipel selon laquelle les annexes du rapport du cabinet KPMG ne feraient apparaître aucun surcoût lié à des travaux imputables au groupement de maîtrise d'œuvre n° 2, et cette affirmation n'est pas contredite par les éléments de l'instruction. Dès lors, une retenue de 24 036 825 F CFP ne pouvait être appliquée à ce titre.
18. En dernier lieu, aux termes de l'article 36.1 du CCAG : " A la condition que les documents particuliers du marché le prévoient et que la décision de résiliation le mentionne expressément, le pouvoir adjudicateur peut faire procéder par un tiers à l'exécution des prestations prévues par le marché aux frais et risques du titulaire, soit en cas d'inexécution par ce dernier d'une prestation qui par sa nature, ne peut souffrir aucun retard, soit en cas de résiliation prononcée pour faute du titulaire ".
19. Par une décision du 18 juillet 2014, la CCI de Nouvelle-Calédonie a résilié pour faute le marché de maîtrise d'œuvre n° 2011-INV-001 aux frais et risques du groupement, au motif qu'il n'aurait pas produit les projets de décomptes généraux et une analyse des retards. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire du 23 avril 2018, que le groupement de maîtrise d'œuvre avait produit des décomptes définitifs, que la CCI de Nouvelle-Calédonie trouvait trop modérés. Ce rapport d'expertise reproduit également un tableau établi par la société Archipel, mentionnant les jours de retard imputables à chacun des entrepreneurs. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que ces documents étaient manifestement erronés, et, en particulier, que les jours de retard imputés aux entrepreneurs auraient été sous-estimés. Ainsi, et en l'état de l'instruction, la faute du groupement de maîtrise d'œuvre n° 2 ayant motivé la résiliation de son marché n'est pas établie. Par suite, la société Archipel est fondée à soutenir qu'une retenue de 14 081 145 F CFP au titre du marché de substitution passé avec la société R2M pour l'établissement des décomptes définitifs des marchés ne pouvait pas lui être appliquée.
En ce qui concerne le solde du marché :
20. Compte tenu des montants non contestés des travaux exécutés de
67 527 901 F CFP, de la révision des prix de 1 919 982 F CFP et des paiements réalisés de 63 474 560 F CFP, le solde du marché, avant application des retenues, est de 5 973 323 F CFP. Il résulte des dispositions combinées des articles 4, 5 et 8 de l'arrêté du 17 janvier 2017 relatif aux taux de la taxe générale sur la consommation et des articles Lp. 478, Lp. 500-1 et
R. 505 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie que ce montant doit être majoré de la taxe générale sur la consommation de 6 % applicable à la date du présent arrêt, soit
6 331 722 F CFP. Il résulte enfin de ce qui a été dit aux points 15 à 19 que seule doit être déduite de ce solde la somme de 29 461 306 F CFP. Par suite, le solde du marché n° 2011-INV-001 s'établit à la somme négative de 23 129 584 F CFP.
21. Il résulte de ce qui précède que la CCI de Nouvelle-Calédonie est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a déchargé la société Archipel du paiement de la somme de
228 328 529 F CFP excédant la somme de 205 198 945 F CFP.
Sur les frais du litige :
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la
société Archipel une somme de 1 500 euros à verser à la CCI de Nouvelle-Calédonie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCI de Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Archipel demande sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La société Archipel est déchargée du paiement de la somme de 205 198 945 F CFP.
Article 2 : L'article 1er du jugement n° 2100254 du 21 juillet 2022 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La société Archipel versera la somme de 1 500 euros à la CCI de Nouvelle-Calédonie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de
Nouvelle-Calédonie et aux sociétés Archipel, Jacques Rougerie Architecte, Ecep et Capse NC.
Délibéré après l'audience du 14 février 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2025.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22PA04530 2