Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris :
1°) d'annuler la décision du 24 février 2021 par laquelle la chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) Paris Île-de-France a refusé de lui verser la somme de 63 435,53 euros en réparation des préjudices matériels et moraux nés de l'illégalité de son licenciement ;
2°) de condamner la CCIR Paris Île-de-France à lui verser la somme de 64 067,18 euros en indemnisation des préjudices matériels et moraux résultant de l'illégalité de la décision du 7 juillet 2016 prononçant son licenciement pour suppression de poste, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2020, puis capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de la CCIR Paris Île-de-France la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2107504/2-2 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France à verser à Mme A... la somme de 37 064,08 euros en indemnisation des préjudices résultant de son licenciement fautif, prononcé le 7 juillet 2016, avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2020, les intérêts échus à la date du 30 décembre 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, a mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Bellanger, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Paris qui a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de porter la condamnation indemnitaire de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France de la somme de 37 064,08 euros à la somme de 64 067,18 euros, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2020, ces intérêts étant ensuite capitalisés à compter du 24 décembre 2021 ;
3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la somme allouée au titre de la perte de rémunérations doit être majorée de 6 873,72 euros pour tenir compte d'une part de l'indice d'expérience et d'autre part du 13e mois ;
- c'est à tort que les premiers juges ont limité l'indemnisation de ses troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice moral à la somme globale de 1 500 euros, eu égard à l'importance de ces deux préjudices qui doivent être indemnisés chacun à la somme de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 9 octobre 2023, la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France, représentée par la SCP Rocheteau Uzan Sarano et Goulet, conclut au rejet de la requête, à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme A... et à ce que soit mise à la charge de cette dernière une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- par la voie de l'appel incident, elle est fondée à demander l'annulation de l'article premier du jugement qui a partiellement fait droit à la demande de Mme A... dès lors que l'illégalité externe de son licenciement qui avait été retenue par le juge de l'excès de pouvoir n'a pas causé de préjudice à l'intéressée ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 5 février 2025, Mme A... maintient ses conclusions et conclut au rejet de l'appel incident de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France.
Elle reprend ses précédents moyens et soutient, en outre, que l'appel incident est irrecevable car il est dirigé contre un article du dispositif du jugement qui n'est pas contesté dans la requête d'appel, outre que les moyens à l'appui de cet appel incident sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952, ensemble le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;
- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Tastard pour Mme A...,
- et les observations de Me André pour la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée par la chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) Paris Île-de-France au mois de juin 1986 en qualité de vacataire, puis après plusieurs prolongations de son contrat à durée déterminée, a été titularisée le 6 septembre 2003 en qualité d'attachée aux études 1er degré et affectée au sein du bureau pour l'information et l'orientation professionnelle. Depuis le 23 juillet 2015, elle exerçait les fonctions de chargée d'activité au sein de ce même bureau. Au mois d'avril 2016, elle a été informée que son poste figurait parmi ceux supprimés par une délibération de l'assemblée générale de la CCIR Paris Île-de-France du 7 avril 2016. Elle a postulé à plusieurs postes de reclassement que lui a proposés la CCIR Paris Île-de-France. Ses candidatures ayant été infructueuses, la CCIR Paris Île-de-France a prononcé son licenciement pour suppression de poste le 7 juillet 2016. Par un jugement n°1619104, rendu le 5 avril 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé son licenciement pour méconnaissance de l'obligation de recherche de reclassement prévue par les dispositions de l'article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie et enjoint à la CCIR Paris Île-de-France de réintégrer l'intéressée sur un emploi équivalent au poste supprimé. Par un arrêt n°18PA01897 du 12 novembre 2019, la Cour a confirmé ce jugement. La demande du 24 décembre 2020 par laquelle Mme A..., désormais à la retraite, a demandé à la CCIR Paris Île-de-France de lui verser une indemnité de 63 435,53 euros en réparation des préjudices matériels et moraux subis du fait de l'illégalité de son licenciement, a fait l'objet d'un rejet implicite. Mme A... a alors demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la CCIR Paris Île-de-France à lui verser la somme de 64 067,18 euros. Par un jugement du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France à verser à Mme A... la somme de 37 064,08 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2020, les intérêts échus à la date du 30 décembre 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts et a mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France une somme de 1 500 euros au titre des frais de l'instance. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Par la voie de l'appel incident, la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France demande que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande de Mme A....
Sur le principe de la responsabilité :
2. Aux termes de l'article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : " (...) Recherche de reclassement / Dans le même temps, la CCI employeur qui décide de prendre des mesures pouvant entrainer un ou plusieurs licenciements pour suppression de poste doit, comme mentionné ci-dessus, procéder obligatoirement à des recherches de reclassement au sein de l'ensemble des établissements consulaires de la région et au niveau de l'ensemble des établissements du réseau des CCI de France notamment à l'aide de la bourse à l'emploi du réseau consulaire. (...) Les agents susceptibles d'être concernés par un licenciement pour suppression de poste peuvent postuler sur l'un des emplois transmis par la CCI employeur dans le cadre de la recherche de reclassement. Dans ce cas, ils bénéficient d'une priorité de reclassement qui s'impose aux Présidents des CCIT concernées, rattachées à la CCI employeur bénéficiant d'une délégation de compétence en matière de recrutement (...). " Si ni cet article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, ni aucun principe général du droit, ne font obligation à l'autorité consulaire de procéder au reclassement des agents dont l'emploi est supprimé, il résulte en revanche de ces dispositions qu'avant de prononcer le licenciement pour suppression d'emploi d'un agent soumis au statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie, il appartient à la compagnie consulaire d'examiner les possibilités de reclassement de cet agent, notamment en son sein, tant sur des emplois équivalents que sur des emplois de rang hiérarchique inférieur.
3. Si toute décision illégale prise par l'administration est, en principe, fautive, quelle que soit la nature de l'illégalité en cause, il n'en résulte pas nécessairement que cette illégalité soit directement à l'origine, pour le destinataire de cette décision, d'un préjudice. Il appartient dès lors au juge, saisi de conclusions indemnitaires en ce sens, de vérifier l'existence et le caractère direct du lien de causalité entre l'illégalité commise et le préjudice allégué.
4. En l'espèce, s'il est constant que le licenciement de Mme A... pour suppression de poste par la CCIR Paris Île-de-France le 7 juillet 2016 a été jugé illégal par un arrêt n°18PA01897 de la cour administrative d'appel du 12 novembre 2019 devenu définitif, confirmant le jugement n° 1619104 du tribunal administratif de Paris, l'annulation de la décision de licenciement a été prononcée pour un motif de procédure, à savoir le manquement, par la CCIR Paris Île-de-France, à son obligation de recherche de reclassement de Mme A... non seulement au sein de la CCIR Paris Île-de-France, mais également au sein de l'ensemble du réseau consulaire, en application des dispositions de l'article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie. La CCIR Paris Île-de-France soutient que, sans ce vice de procédure, elle aurait pu légalement adopter la même décision. La CCIR Paris Île-de-France se borne cependant à faire valoir tant en première instance que dans la présente requête d'appel que l'ensemble du réseau consulaire, au regard des évolutions législatives et réglementaires encadrant son activité, a été contraint de supprimer de nombreux postes et que, par conséquent, aucune offre d'emploi correspondant au profil de l'intéressée n'aurait été disponible dans le réseau consulaire. Toutefois, l'absence de recherche, par la CCIR Paris Île-de-France, de possibilités de reclassement de Mme A... au sein du réseau consulaire a, par elle-même, réduit les chances de l'intéressée de retrouver un poste au sein de ce réseau. La CCIR Paris Île-de-France s'est bornée à produire en première instance des documents généraux mais aucuns documents des différentes chambres de commerce et d'industrie du réseau consulaire qui auraient pu attester l'absence de postes disponibles adaptés au profil de Mme A... au mois de juillet 2016, et elle ne produit aucune pièce en appel. Par ailleurs, la circonstance que Mme A... fût âgée, au jour de la décision de licenciement litigieuse, de soixante-trois ans n'est pas, par elle-même, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait, préalablement à cette décision, émis l'intention de prendre sa retraite avant l'âge de soixante-cinq ans à partir duquel sa mise à la retraite d'office aurait pu être prononcée, ni qu'elle aurait éprouvé des difficultés particulières à exercer ses fonctions, de nature à écarter la responsabilité de la CCIR Paris Île-de-France. Il en va de même de la circonstance invoquée par la CCIR Paris Île-de-France selon laquelle la requérante n'aurait pas accepté un poste en province alors, d'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, qu'il n'est pas établi qu'elle ne souhaitait pas poursuivre sa carrière de deux années supplémentaires et, d'autre part, que célibataire et sans charge de famille, elle soutient sans contestation qu'elle aurait été prête à accepter un poste en dehors de l'Ile-de-France Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que l'illégalité commise par la CCIR Paris Île-de-France a privé Mme A... d'une chance sérieuse d'être reclassée et, partant, que la responsabilité de la CCIR Paris Île-de-France est établie et qu'elle est en droit d'être indemnisée des préjudices qu'elle a subis du fait de son licenciement fautif. Les conclusions à fin d'appel incident de la CCIR Paris Île-de-France doivent donc être rejetées sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Mme A....
Sur l'indemnisation des préjudices :
5. En premier lieu, Mme A... soutient que l'indemnisation du préjudice né de sa perte de rémunération doit être majorée de 6 873,72 euros dès lors qu'il convient de tenir compte, pour apprécier la rémunération qu'elle aurait perçue de la CCIR, de l'indice d'expérience et du 13e mois. D'une part, l'article 15 du statut du personnel administratif des chambres de commerce d'industrie prévoit que la rémunération des agents est fonction d'un certain nombre d'indices, notamment de l'indice d'expérience, l'article 19 de ce statut disposant que " l'indice d'expérience est automatiquement augmenté de cinq points chaque année au titre de la garantie de carrière à compter de la cinquième année suivant le recrutement et jusqu'à la 24e année " .D'autre part, aux termes de l'article 20 de ce même statut " tous les agents titulaires ou stagiaires bénéficient d'un 13e mois de rémunération ". Mme A... est donc fondée à soutenir que le calcul de sa perte de rémunération doit tenir compte de ces deux facteurs et, à demander, en conséquence, à ce que l'indemnisation due au titre de la perte de rémunération soit majorée de la somme de 6 873,72 euros, la CCIR dans son mémoire en défense n'apportant d'ailleurs aucune contestation sur ce point ni dans son principe ni dans son montant.
6. En deuxième lieu, si Mme A... demande l'annulation de l'ensemble de l'article 3 du jugement attaqué, elle ne soulève aucun moyen concernant les autres préjudices financiers que la perte de rémunérations. Les conclusions afférentes à ces préjudices financiers doivent donc être rejetées.
7. En dernier lieu, compte tenu en particulier de la difficulté pour retrouver un emploi à l'âge de l'intéressée, ce qu'elle a néanmoins fait mais en subissant une importante perte de rémunération, Mme A... est fondée à soutenir que la somme de 1 500 euros allouée par les premiers juges en réparation des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral est insuffisante. Si Mme A... n'est pas fondée à soutenir que cette somme devrait être portée à 20 000 euros, il sera fait une juste appréciation de ces deux chefs de préjudice en condamnant la CCIR à lui verser une somme de 4 000 euros au lieu de 1 500 euros.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander que la condamnation indemnitaire de la CCIR soit majorée d'une somme de 9 373, 72 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2020 avec capitalisation à compter du 30 décembre 2021 et à chaque échéance annuelle, le surplus de ses conclusions devant être rejeté.
Sur les frais du litige :
9. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante à titre principal, verse une somme à la CCIR Paris Île-de-France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCIR Paris Île-de-France une somme de 1 500 euros au titre du même article.
DÉCIDE :
Article 1 : La condamnation indemnitaire de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France est portée de la somme de 37 064,08 euros à la somme de 46 437,80 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2020 et les intérêts échus à la date du 30 décembre 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement n° 2107504/2-2 du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France versera la somme de 1 500 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France à fin d'appel incident et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 11 février 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2025.
Le rapporteur,
D. PAGES La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23PA02590