Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les deux arrêtés du 25 janvier 2024 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2401978 du 2 février 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces deux arrêtés.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 mars 2024, le préfet de police demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a retenu, pour annuler ses arrêtés, que la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'avait pas été précédée d'un examen sérieux de la situation de l'intéressé ;
- les décisions contestées sont suffisamment motivées et ont été précédées d'un examen de la situation personnelle de l'intéressé ;
- la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur de droit ;
- elle n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision refusant d'octroyer à M. A... un délai de départ volontaire ne méconnait pas les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le moyen tiré de l'exception d'illégalité dirigé contre la décision fixant le pays de destination doit être écarté ;
- la décision prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français n'est pas entachée d'une erreur de droit ;
- elle ne méconnaît pas la vie privée et familiale de l'intéressé en France.
M. A... a été mis en cause et n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Saint-Macary a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant chilien né le 21 juillet 1961, est entré irrégulièrement en France. A la suite d'un contrôle de sa situation, alors qu'il s'apprêtait à prendre l'Eurostar pour Londres, le préfet de police, par deux arrêtés du 25 janvier 2024, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Le préfet de police relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces deux arrêtés.
Sur le moyen retenu par le tribunal pour annuler les arrêtés du 25 janvier 2024 :
2. Pour prononcer, à l'encontre de M. A..., une obligation de quitter le territoire français, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance qu'il était entré en France le
13 août 2023 et s'y était maintenu à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de cette date, sans être titulaire d'un titre de séjour. Si l'intéressé a déclaré aux autorités de police qui l'ont auditionné le 25 janvier 2024, avoir quitté le Chili pour l'Espagne au mois d'avril 2023 et être entré la veille en France pour se rendre au Royaume-Uni, il n'a produit aucun élément sur son arrivée récente en France alors que son passeport comportait un tampon du 13 août 2023 attestant de son entrée en France à cette date. Il ressort enfin du procès-verbal de son audition que M. A... n'a fait état d'aucun élément justifiant son maintien sur le territoire français que le préfet aurait omis de prendre en considération, et qu'il a notamment indiqué être célibataire et sans enfant. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a retenu qu'il n'avait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. A... au motif que son arrêté n'a pas repris les déclarations de l'intéressé sur son arrivée la veille en France.
3. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif à l'encontre de cet arrêté.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... contre les arrêtés du
25 janvier 2024 :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions :
4. En premier lieu, les décisions contestées comportent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent et sont, par suite, suffisamment motivées.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 200-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : (...) 4° Ascendant direct à charge du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint ". Aux termes de l'article L. 200-2 du même code : " Est citoyen de l'Union européenne toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre (...) ".
6. Si M. A... soutient qu'il ne pouvait pas faire l'objet de décisions d'éloignement, de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français sur le fondement du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, étant membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, il ne l'établit pas par la production de l'acte naissance de son fils né en Espagne en 2015 de deux parents chiliens et de deux cartes de séjour espagnoles de deux personnes qu'il présente, sans l'établir, comme ses filles et qui sont en tout de cause de nationalité chilienne. Dans ces conditions, le
préfet de police n'a pas commis d'erreur de droit en prenant les décisions contestées sur le fondement des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. A... ne peut sérieusement soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre méconnaîtrait ces stipulations et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au motif qu'il résiderait en Espagne avec son épouse et ses six enfants, y serait suivi médicalement et y travaillerait dans le bâtiment.
En ce qui concerne le refus d'un délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et qu'il n'a justifié d'aucune résidence effective et permanente. Par suite, le préfet de police n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de lui octroyer un délai départ volontaire.
11. En second lieu, M. A... ne peut sérieusement soutenir que le refus de lui octroyer un délai de départ volontaire pour quitter la France serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au motif qu'il résiderait en Espagne avec son épouse et ses six enfants, y serait suivi médicalement et y travaillerait dans le bâtiment.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, il ressort du procès-verbal de l'audition de M. A... par les autorités de police qu'il a déclaré être célibataire et sans enfant et être domicilié au Chili. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée n'aurait pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation doit être écarté.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
15. Aucun délai de départ volontaire n'ayant été accordé à M. A... et l'intéressé ne justifiant d'aucune circonstance humanitaire ni d'aucune attache en France, le préfet de police n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en assortissant l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 25 janvier 2024.
D É C I D E :
Article 1 : L'article 1er du jugement n° 2401978 du 2 février 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera transmise au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2025.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01242