Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2024 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2400364 du 2 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de quatre mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er mars et 2 mai 2024, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil et de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a retenu, pour annuler son arrêté, qu'il comportait une erreur matérielle ;
- les décisions contestées ont été signées par une autorité ayant compétence pour ce faire ;
- la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision étant légale, les décisions refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an n'ont pas à être annulées par voie de conséquence ;
- la décision prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'un an n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. A... a été mis en cause et n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Saint-Macary a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 15 mai 1988, est entré irrégulièrement en France en 2022 selon ses déclarations. Par un arrêté du 2 janvier 2024, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le préfet des Hauts-de-Seine relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.
Sur le moyen retenu par le tribunal pour annuler l'arrêté du 2 janvier 2024 :
2. Si l'arrêté du 2 janvier 2024 mentionne, par erreur, que M. A... est de nationalité algérienne alors qu'il est de nationalité tunisienne, cette erreur matérielle n'a pu, en l'espèce, exercer la moindre incidence sur l'appréciation portée par le préfet des Hauts-de-Seine sur la situation de l'intéressé, compte tenu, d'une part, de ce que celui-ci, quelle que soit sa nationalité, ne pouvait se prévaloir d'aucun titre de séjour de plein droit qui aurait fait obstacle à son éloignement, d'autre part, de l'identité des textes applicables en matière d'éloignement pour les ressortissants algériens ou tunisiens. Il ne ressort en outre pas des termes de l'arrêté contesté, qui comporte des éléments personnalisés sur la situation de M. A..., que cette erreur serait de nature à révéler un défaut d'examen sérieux de sa situation. Dans ces conditions, le préfet des
Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a accueilli un moyen tiré de l'erreur de fait.
3. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif à l'encontre de cet arrêté.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... contre l'arrêté du 2 janvier 2024 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, par un arrêté du 31 octobre 2023 publié au recueil des actes administratifs, le préfet des Hauts-de-Seine a donné délégation à Mme D... B..., chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, à l'effet de signer, notamment, les décisions d'obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que M. A... pouvait prétendre à une admission exceptionnelle au séjour est inopérant à l'encontre de la décision contestée.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré récemment en France à l'âge de trente-quatre ans, n'y a aucune attache, ne parle pas français, est dépourvu de domicile et exerçait depuis quatre mois le métier de chauffeur-livreur sous couvert d'un faux permis de conduire italien lorsqu'il a été interpellé. Dans ces conditions, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le refus d'un délai de départ volontaire et le pays de destination :
8. Il résulte de ce qui précède que les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas fondés, le moyen tiré de ce que les décisions contestées devraient être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
10. Aucun délai de départ volontaire n'ayant été accordé à M. A..., le préfet des
Hauts-de-Seine devait, en l'absence de circonstances humanitaires, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Compte tenu de ce qui a été dit au point 7, en fixant la durée de cette interdiction à un an, il n'a pas fait une inexacte appréciation des dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de régularité, que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 2 janvier 2024 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A....
D É C I D E :
Article 1 : Le jugement n° 2400364 du 2 février 2024 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Copie en sera transmise au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2025.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01024