Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2300068 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2024, Mme B... A..., représentée par Me Semak, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou à défaut une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 600 euros TTC au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation concernant les moyens dirigés contre l'arrêté attaqué tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen de sa situation personnelle et de l'erreur de droit.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait au regard du motif relatif à son " maintien en situation irrégulière " ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'en l'absence de production par le préfet de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), celui-ci ne justifie ni avoir recueilli préalablement cet avis, ni que ce dernier réponde aux conditions prévues par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'en l'absence de production par le préfet de l'avis de l'OFII, il n'est pas établi que les médecins formant le collège aient été compétents et régulièrement désignés au regard des articles 5 et 6 de l'arrêté du
27 décembre 2016 ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'en l'absence de production par le préfet de l'avis de l'OFII, il n'est pas établi que le rapport médical du médecin de l'Office prévu aux articles R.425-11 et R.425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux articles 3 et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ait été existant et régulier, que le médecin de l'Office ait été compétent et le rapport de ce dernier effectivement transmis au collège de médecins de l'OFII ;
- le préfet n'établit pas que le médecin ayant rédigé le rapport n'aurait pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII ;
- la décision viole l'article L. 212-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que les signataires de l'avis du collège de médecins n'ont pas été authentifiés ;
- il n'est pas établi que l'avis du collège de médecins a été rendu au terme d'une délibération collégiale ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée au regard de l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet n'a pas examiné sa demande sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'elle a expressément demandé un titre de séjour sur ce fondement, par courrier recommandé en date du 10 février 2022 ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 7 décembre 2020, devenu définitif, en ce qu'il ne justifie pas de changement dans les circonstances de droit et de fait relatives à la pathologie de son fils ;
- la décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de son enfant.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de délivrance d'une carte de séjour ;
- elle est entachée d'incompétence de son auteur ;
- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de son enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée, en violation de l'article L. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2024, le préfet de la
Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2023.
Par une ordonnance du 12 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au
27 décembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- et les observations de Me Rodet substituant Me Semak, représentant Mme B... A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante congolaise née le 13 juillet 1986 à Kinshasa (République Démocratique du Congo), a sollicité, le 24 septembre 2021, le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée, en qualité de parent accompagnant d'un enfant malade, pour la période du 6 avril 2021 au 5 octobre 2021. Par un arrêté du
12 juillet 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme B... A... fait appel du jugement du
13 octobre 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...) / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Aux termes de l'article
R. 425-11 du même code, dans sa numérotation alors applicable : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 dudit code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". L'article 6 de l'arrêté du
27 décembre 2016 susvisé prévoit que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en raison de son état de santé ou de celui de son enfant de se prononcer au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le caractère collégial de cette délibération constitue une garantie pour le demandeur de titre. Préalablement à l'avis rendu par ce collège d'experts, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé ou de son enfant et établi par un médecin instructeur, doit lui être transmis. Le médecin instructeur à l'origine de ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. La circonstance qu'il siège au sein de ce collège est constitutive d'un vice affectant le déroulement de la procédure dans la mesure où le demandeur est privé d'une garantie.
4. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a émis, le 4 janvier 2022, un avis sur l'état de santé de l'enfant de Mme B... A..., prénommé Sony, né en 2012. Ni la requérante, ni le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ont produit à l'instance cet avis. Par ailleurs, si l'arrêté contesté mentionne qu'une copie de l'avis est jointe, Mme B... A... soutient sans être contredite qu'elle ne dispose pas de cet avis. Alors que la requérante soutient, comme elle l'a fait en première instance, qu'elle n'est pas en mesure de vérifier la régularité de cet avis ainsi que l'existence d'une délibération collégiale en l'absence de justificatif en ce sens, le préfet de la
Seine-Saint-Denis, qui n'a produit aucune observation en défense en première instance et n'a pas davantage produit l'avis au soutien de sa défense d'appel, n'établit pas la régularité de cet avis au regard des dispositions précitées des articles R. 425-11, R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article 6 de l'arrêté du
27 décembre 2016, et n'apporte aucun élément propre à établir que l'avis concernant l'état de santé du fils de Mme B... A... a résulté d'une décision collégiale.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, eu égard à l'absence de production de l'avis concernant l'état de santé du fils de la requérante et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que
Mme B... A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du
12 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler ce jugement ainsi que cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Eu égard au motif de l'annulation, il y a lieu uniquement d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de se prononcer à nouveau sur la demande de délivrance de titre de séjour présentée par Mme B... A..., dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, et de lui délivrer pendant la durée de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B... A..., Me Semak, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Semak renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300068 du tribunal administratif de Montreuil du 13 octobre 2023 et l'arrêté du 12 juillet 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de Mme B... A... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera à Me Semak la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Semak.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 février 2025.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00523 2