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14/02/2025 | FRANCE | N°24PA03853

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 14 février 2025, 24PA03853


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... I... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.



Par un jugement n° 2409452 du 9 août 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés

le 29 août 2024 et le 08 janvier 2025,

M. I..., représenté par Me Gré, demande à la Cour :



1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... I... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.

Par un jugement n° 2409452 du 9 août 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 août 2024 et le 08 janvier 2025,

M. I..., représenté par Me Gré, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est signé par une autorité incompétente ;

- il est entaché d'inexactitude matérielle des faits et méconnaît les dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure ;

- il revêt un caractère disproportionné au regard de son droit à sa vie privée et familiale et à sa libre circulation.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. I... ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par le ministre de l'intérieur contenant la décision attaquée signée et la délégation de signature du signataire n'a pas été soumis au contradictoire en application des dispositions de l'article L. 773-9 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 juillet 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, sur le fondement des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, prononcé à l'encontre de M. I..., né le 12 avril 1989, une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, pour une durée de trois mois, ayant pour objet de lui interdire de se déplacer en dehors de la commune de Vitry-sur-Seine, sans avoir obtenu préalablement une autorisation écrite, de l'obliger à se présenter une fois par jour, à 12 heures, au commissariat de police de Vitry-sur-Seine tous les jours de la semaine, de confirmer et de justifier son lieu d'habitation auprès de ce commissariat, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'arrêté, ainsi que de tout changement ultérieur de lieu d'habitation, et de déclarer et justifier l'adresse de son nouveau lieu d'habitation, dès qu'il en a connaissance, et au plus tard, lors de la première présentation suivant ce changement. M. I... relève appel du jugement n° 2409452 du

9 août 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, le ministre de l'intérieur a produit devant la Cour, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article L. 773-9 du code de justice administrative, une copie de l'original de l'arrêté du 16 juillet 2024 attaqué, revêtu de la signature de son auteur, lequel disposait d'une délégation pour le signer au nom du ministre.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre. ". L'article L. 228-2 du même code énonce que : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. (...) "

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures qu'il prévoit doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la note des services de renseignements, précise et circonstanciée, produite par le ministre en première instance, que M. I..., se disant publiquement d'obédience salafiste, dispose de contacts appartenant à la mouvance islamiste radicale. Il a notamment réalisé un pèlerinage à La Mecque en 2016, avec

M. J... F..., imam de la mosquée Rahma de Vitry-sur-Seine, d'obédience salafiste, et a partagé sur son compte Facebook de nombreuses publications en rapport avec le salafisme. En outre, il entretient un lien avec M. A... D..., qui a tenu, le 30 novembre 2021, des propos inquiétants en garde à vue, qui a été interpellé le 13 octobre 2023 à proximité d'un lycée, signalé par des passants alors qu'il semblait suivre un groupe de jeunes filles, tout en étant muni d'un couteau, et qui a fait l'objet d'une perquisition réalisée à son domicile, révélant la présence d'ouvrages de nature salafiste, de vidéos de propagande dans deux téléphones, faisant montre de morts violentes par armes à feu ainsi que de scènes de décapitation. Il ressort par ailleurs de la note des services de renseignements que M. I... est également en lien avec M. E... G..., fondateur et imam de la mosquée de Vitry-sur-Seine, réputée être un point d'ancrage local important de la mouvance salafiste dans le Val-de-Marne, et M. B... H..., qui a fait l'objet d'un signalement le 6 mai 2015, en raison d'un changement de comportement et de contacts avec de nombreux individus connus pour leur appartenance à la mouvance islamiste radicale. En se bornant à soutenir dans ses écritures qu'il est de mouvance salafiste mais qu'il s'oppose à l'usage de la violence et aux actes terroristes, que ses publications sur son compte Facebook ne font pas état d'une quelconque apologie du terrorisme, que les liens qu'il entretient avec M. A... D... se sont limités à la participation à un même groupe WhatsApp dénommé " Un café ou rien ! ", groupe qui réunit des personnes qui se retrouvent pour boire un café, et que les deux autres personnes mentionnées au sein de la note des services de renseignements, à savoir

M. E... G... et M. B... H..., sont fermement opposés aux idées extrémistes,

M. I..., qui ne s'est pas publiquement désolidarisé des propos et positions radicales adoptés par les personnes qu'il côtoie, ne conteste pas sérieusement les éléments précis et circonstanciés susmentionnés au sein la note des services de renseignement. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble de ces éléments, et compte tenu du contexte international et national où la menace terroriste demeure élevée, particulièrement au moment de la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pu légalement estimer que

M. I..., à la date de la décision contestée, constituait une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et entretenait des relations habituelles avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, et qu'il soutenait et adhérait à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits et de ce que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure doivent être écartés.

7. En dernier lieu, si M. I... soutient que la décision contestée revêt un caractère disproportionné au regard de son droit à une vie privée et familiale et à sa liberté de circulation dès lors qu'il avait prévu des vacances en famille et que la mesure prononcée à son encontre lui fait courir le risque de perdre son activité professionnelle, il lui est toutefois loisible de se faire des délivrer des autorisations de sortie à condition d'en avoir fait préalablement la demande. Par ailleurs, si le requérant soutient qu'il se trouve dans l'impossibilité d'effectuer des achats au magasin Carrefour de Villejuif comme il en avait l'habitude, alors au demeurant que son épouse souffre de problèmes de santé l'empêchant de sortir de son domicile, il affirme lui-même au sein de ses écritures qu'il existe plusieurs supermarchés à Vitry-sur-Seine dans lesquels il ne lui est pas interdit de se rendre. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté revêtirait un caractère disproportionné au regard de son droit à sa vie privée et familiale et à sa liberté de circulation doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée dans l'ensemble de ses conclusions, y compris celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... I... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

Mme Bruston, présidente-assesseure,

Mme K..., première-conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA03853 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03853
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : GRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;24pa03853 ?
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