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14/02/2025 | FRANCE | N°24PA03302

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 14 février 2025, 24PA03302


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mmes B... C..., Cynthia A... et Laure E... et MM. Nicolas F...,

Gaël G... et Loïc D... ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n° 2023-1631/GNC du

5 juillet 2023 en tant qu'il prévoit, dans son article 7 et son annexe 1, de faire figurer côte à côte l'emblème national et " le drapeau du FLNKS " sur le modèle de permis de conduire délivré en Nouvelle-Calédonie, ainsi que la d

écision implicite de rejet de leur recours gracieux du

13 septembre 2023, et d'enjoindre au gouvernem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes B... C..., Cynthia A... et Laure E... et MM. Nicolas F...,

Gaël G... et Loïc D... ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n° 2023-1631/GNC du

5 juillet 2023 en tant qu'il prévoit, dans son article 7 et son annexe 1, de faire figurer côte à côte l'emblème national et " le drapeau du FLNKS " sur le modèle de permis de conduire délivré en Nouvelle-Calédonie, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux du

13 septembre 2023, et d'enjoindre au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de procéder au retrait et au remplacement de tous les permis de conduire délivrés sur la base de ce modèle.

Par un jugement n° 2400005 du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a annulé cet arrêté en tant qu'il prévoit, dans son article 7 et son annexe 1, de faire figurer côte à côte l'emblème national et " le drapeau du FLNKS " sur le modèle de permis de conduire délivré en Nouvelle-Calédonie, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux des demandeurs, et a enjoint au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de ne plus délivrer de permis de conduire comprenant le drapeau en cause à compter du

18 juillet 2024 et de mettre en circulation un nouveau modèle de permis de conduire dépourvu du drapeau en cause à compter du 1er janvier 2025.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 24PA03302, les 23 juillet et 1er août 2024, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et de rejeter la demande de Mmes C..., A... et E... et de MM. F..., G... et D... ;

2°) de mettre à la charge des défendeurs une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que sa minute n'est pas signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la demande devant le tribunal était irrecevable, les demandeurs étant dépourvus d'intérêt à agir ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu que le drapeau du FLNKS ne pouvait figurer sur le modèle de permis de conduire qu'à la condition d'avoir été adopté comme signe identitaire ;

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité compétente ;

- il ne méconnaît pas le principe de neutralité dès lors que le drapeau du FLNKS fait l'objet d'une appropriation par la communauté calédonienne.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2024, Mmes C..., A... et E... et MM. F..., G... et D..., représentés par Me Guepy, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de

3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est régulier ;

- ils ont intérêt à agir ;

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté avait été pris en méconnaissance des articles 5 et 99 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- la décision de faire figurer côte à côte l'emblème national et le drapeau indépendantiste du FLNKS sur le modèle de permis de conduire délivré en Nouvelle-Calédonie est contraire à la neutralité du service public.

II. Par une requête enregistrée, sous le n° 24PA03482, le 1er août 2024, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, demande à la Cour de surseoir à l'exécution des articles 1 à 3 du jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Elle soutient que :

- la demande devant le tribunal était irrecevable, les demandeurs étant dépourvus d'intérêt à agir ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu le drapeau du FLNKS ne pouvait figurer sur le modèle de permis de conduire qu'à la condition d'avoir été adopté comme signe identitaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2024, Mmes C..., A... et E... et MM. F..., G... et D..., représentés par Me Guepy, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés et que la décision de faire figurer côte à côte l'emblème national et le drapeau indépendantiste du FLNKS sur le modèle de permis de conduire délivré en Nouvelle-Calédonie est contraire à la neutralité du service public.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 ;

- l'accord de Nouméa signé le 5 mai 1998 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lécuyer, représentant le gouvernement de la

Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 24PA03302 et n° 24PA03482 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Par un arrêté n° 2023-1631/GNC du 5 juillet 2023, le gouvernement de la

Nouvelle-Calédonie a modifié le modèle du permis de conduire existant depuis 2019 et a décidé d'y faire figurer le drapeau tricolore et le drapeau kanak, adopté par le front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). Mmes C..., A... et E... et MM. F...,

G... et D... ont demandé le 13 septembre 2023 au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de retirer cet arrêté en ce qu'il prévoit de faire figurer ce drapeau à côté de l'emblème national. La Nouvelle-Calédonie relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a fait droit à leur demande.

Sur la requête n° 24PA03302 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est signée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté.

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

4. Mmes C..., Mme A..., Mme E..., M. F..., M. G... et M. D..., en leur qualité de titulaires de permis de conduire et d'habitants de Nouvelle-Calédonie justifient d'un intérêt pour demander l'annulation de l'arrêté contesté en tant qu'il fait figurer sur le permis de conduire le drapeau du FLNKS.

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal :

5. Le point 1.5 de l'accord de Nouméa signé le 5 mai 1998 prévoit : " Des signes identitaires du pays, nom, drapeau, hymne, devise, graphismes des billets de banque devront être recherchés en commun pour exprimer l'identité kanak et le futur partagé entre tous (...) ". Aux termes de l'article 5 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " La Nouvelle-Calédonie détermine librement les signes identitaires permettant de marquer sa personnalité aux côtés de l'emblème national et des signes de la République (...) ". Aux termes de l'article 99 de la même loi : " (...) Les lois du pays interviennent dans les matières suivantes correspondant aux compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie ou à compter de la date de leur transfert par application de la présente loi : / 1° Signes identitaires et nom mentionnés à l'article 5 (...) ".

6. Dès lors que l'accord de Nouméa et la loi organique du 19 mars 1999 comportent des dispositions spéciales relatives à l'utilisation d'un drapeau pour marquer la personnalité de la Nouvelle-Calédonie, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie ne pouvait pas décider que les permis de conduire délivrés par la Nouvelle-Calédonie comporteraient, aux côtés du drapeau français, un drapeau qui ne soit pas le signe identitaire du pays, adopté conformément à la procédure prévue par la loi organique. Il ressort des pièces du dossier que si la loi du pays du

9 septembre 2010 relative à trois signes identitaires de la Nouvelle-Calédonie a adopté les signes identitaires visés à l'article 1.5 de l'accord de Nouméa relatifs à l'hymne, à la devise et aux graphismes des billets de banque, aucune loi du pays n'a adopté de drapeau. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a retenu que le drapeau en cause, à défaut d'avoir été adopté dans les conditions prévues par l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999, ne pouvait être légalement apposé sur un document officiel tel que le permis de conduire.

7. Il résulte de ce qui précède que la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé l'arrêté n° 2023-1631/GNC du 5 juillet 2023 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en ce qu'il fait figurer côte-à-côte, sur le modèle de permis de conduire délivré par la

Nouvelle-Calédonie, le drapeau tricolore et le drapeau du FLNKS.

Sur la requête n° 24PA03482 :

8. La Cour rejetant, par le présent arrêt, la requête de la Nouvelle-Calédonie dirigée contre le jugement n° 2400005 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, dont la requérante demande le sursis à exécution, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24PA03482.

Sur les frais du litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des défendeurs, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la Nouvelle-Calédonie demande sur ce fondement. Il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de

1 500 euros à verser à Mme C..., Mme A..., Mme E..., M. F..., M. G... et M. D..., soit 250 euros chacun, au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur la requête n° 24PA03482.

Article 2 : La requête de la Nouvelle-Calédonie est rejetée.

Article 3 : La Nouvelle-Calédonie versera une somme de 1 500 euros à Mme C..., Mme A..., Mme E..., M. F..., M. G... et M. D..., soit 250 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Nouvelle-Calédonie et à Mme B... C..., première dénommée.

Copie en sera transmise au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente de chambre,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA03302-24PA03482 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03302
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU LECUYER & ASSOCIES;SCP MEIER-BOURDEAU LECUYER & ASSOCIES;GUEPY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;24pa03302 ?
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