Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision implicite du 23 décembre 2022 par laquelle le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, d'autre part, l'arrêté du 16 janvier 2024 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement nos 2319549, 2405248 du 18 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2024, Mme B..., représentée par Me Peteytas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 23 décembre 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2024 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de Paris, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
5°) d'enjoindre au préfet de police de Paris, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente du réexamen, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la décision à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que le préfet de police de Paris a estimé, à tort, qu'elle n'avait pas de charge de famille en France ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée de la même erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une décision du 10 octobre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par un mémoire enregistré le 31 décembre 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par Mme B... en appel, qui sont identiques à ceux soulevés en première instance, sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés pour les mêmes motifs que ceux développés dans ses écritures devant le tribunal administratif et qui ont été retenus par les premiers juges.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine, née le 7 novembre 1976, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Elle a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision implicite du 23 décembre 2022 par laquelle le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, d'autre part, l'arrêté du 16 janvier 2024 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, elle fait appel du jugement du 18 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la fin de non-recevoir :
2. La requête d'appel présentée par Mme B... devant la cour ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement le texte de ses écritures devant le tribunal administratif de Paris. Mme B... produit, de surcroît, des pièces nouvelles devant la cour. La requête d'appel satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions sousmises au juge et ne peut être régularisée que jusqu'à l'expiration du délai d'appel. La fin de non-recevoir opposée par le préfet de police de Paris doit donc être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Les conclusions de la requête dirigées contre la décision implicite du 23 décembre 2022 doivent être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 16 janvier 2024 qui s'y est substitué.
4. Aux termes des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
5. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui n'est pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne représente pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'occupe de sa mère et de son frère, âgés respectivement de quatre-vingt-quatre ans et de cinquante-trois ans à la date de la décision contestée, tous deux étant titulaires d'une carte de résident valable jusqu'en 2027 et d'une carte d'invalidité portant la mention " Besoins d'accompagnement ". Ils sont reconnus handicapés à un taux égal au moins à 80 %, en raison d'une atteinte rhumatologique sévère, de diabète, d'une pathologie vasculaire et d'une néoplasie gynécologique évolutive pour sa mère, qui ne se déplace qu'en fauteuil roulant, et d'une cecité totale, d'une double transplantation d'organes et d'un diabète pour son frère. Mme B... établit résider au domicile de sa mère et de son frère depuis son arrivée en France en 2017 et, par les nombreux bulletins de présence émis par des établissements hospitaliers qu'elle verse au débat, elle justifie les accompagner à leurs rendez-vous médicaux depuis 2017. En outre, différents médecins attestent, par des certificats médicaux, que l'état de santé et les pathologies de sa mère et de son frère justifient sa présence, qualifiée d'indispensable, tant pour l'accompagnement dans les actes médicaux, pour les actes de la vie courante que pour les démarches administratives. Enfin, sa mère et son frère attestent de la nécessité de la présence de Mme B... à leurs côtés et détaillent les actes qu'elle réalise, ce qui est également corroboré par de nombreux témoignages de voisins et d'amis. Dans ces circonstances exceptionnelles, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 précitées.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Il y a lieu, eu égard au motif d'annulation retenu, et sauf changement dans les circonstances de droit et de fait applicables à Mme B... à la date de la mise à disposition du présent arrêt, d'enjoindre au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au conseil de Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement nos 2319549, 2405248 du 18 juin 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 16 janvier 2024 du préfet de police de Paris est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros au conseil de Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2025.
Le président-rapporteur,
A. BARTHEZL'assesseure la plus ancienne
dans l'ordre du tableau,
A. MILON
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03207