La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2025 | FRANCE | N°24PA03389

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 12 février 2025, 24PA03389


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Ménaouer a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner le syndicat mixte des transports urbains (SMTU) du Grand Nouméa à lui verser la somme de 16 550 694 francs CFP en réparation de son préjudice matériel, d'enjoindre à ce dernier de libérer les sommes de 2 025 686 francs CFP et de 3 385 517 francs CFP retenues en garanties sur les marchés n° M16.35947, M16.35942 et M16.37887 sous astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard à c

ompter de la notification de la décision à intervenir et de lever les cautions bancaires ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ménaouer a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner le syndicat mixte des transports urbains (SMTU) du Grand Nouméa à lui verser la somme de 16 550 694 francs CFP en réparation de son préjudice matériel, d'enjoindre à ce dernier de libérer les sommes de 2 025 686 francs CFP et de 3 385 517 francs CFP retenues en garanties sur les marchés n° M16.35947, M16.35942 et M16.37887 sous astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir et de lever les cautions bancaires des marchés n° M16.35947, M16.35942 et M16.3788 sous astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, et de mettre à la charge du SMTU du Grand Nouméa la somme de 851 000 francs CFP en remboursement des frais d'expertise judiciaire taxés par ordonnance du 11 octobre 2021.

Par un jugement n° 2400035 du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé la mainlevée de la caution souscrite le 27 septembre 2016 par la société Ménaouer auprès de la banque de Nouvelle-Calédonie, a ordonné la restitution de cette somme dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du jugement sous astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard à compter de cette date, a condamné le SMTU du Grand Nouméa à restituer à la société Ménaouer le montant de la retenue de garantie effectivement prélevée au titre ce marché, a renvoyé cette dernière devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes dues à ce titre et a mis les frais d'expertise, d'un montant de 851 000 francs CFP, à la charge du SMTU du Grand Nouméa.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, le syndicat mixte des transports urbains (SMTU) du Grand Nouméa, représenté par la Selarl d'avocats Royanez, demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du 30 mai 2024 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Il soutient que :

- les conditions requises par les articles R. 811-15, R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative sont réunies ;

- d'une part, en effet, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la requête de la société Ménaouer était recevable comme comportant un fondement juridique ;

- c'est également à tort qu'il a estimé que le délai de parfait achèvement était échu et a retenu la responsabilité du maître d'ouvrage dans la survenance des désordres ;

- c'est encore à tort qu'il a estimé que celui-ci avait connaissance des risques relatifs aux prescriptions techniques du marché ;

- les moyens ainsi invoqués sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation qui ont été accueillies ;

- d'autre part, son exécution risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables dès lors que le jugement annule son refus de libérer les cautions bancaires et ordonne la restitution des retenues de garanties attachées à la réalisation du marché de travaux contracté avec la société Ménaouer, avec pour conséquence la mise à sa charge de l'obligation de supporter l'intégralité des travaux de reprise des désordres, chiffrés à plusieurs centaines de millions de francs CFA, sans aucune garantie financière pour lui de pouvoir récupérer facilement les fonds si la responsabilité de son contradicteur était en définitive retenue.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2024, la société Ménaouer, représentée par Me Elmosnino, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du SMTU du Grand Nouméa au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par actes d'engagement notifiés respectivement les 7 mars et 13 octobre 2016, le Groupement Ménaouer et EL2T dont la société Ménaouer est le mandataire, s'est vu attribuer par le syndicat mixte des transports urbains (SMTU) du Grand Nouméa, maître d'ouvrage dont le mandataire est le Groupement SECAL-Transamo, trois lots d'un marché ayant pour objet les travaux d'infrastructures de trois tronçons pour la réalisation du projet TCSP Néobus du Grand Nouméa. La maîtrise d'œuvre a été assurée par un groupement d'entreprises auquel appartenaient, notamment, les sociétés EGIS et ETEC. Par actes des 27 septembre 2016 et 5 mars 2018, la société Ménaouer a obtenu pour chaque lot la caution solidaire de sa banque, pour un montant total de 207 915 036 francs CFP.

2. Les travaux ont été respectivement réceptionnés les 11 décembre 2018 et 28 janvier 2019. Des orniérages ayant été constatés sur l'ensemble des stations du tracé de la voie TCSP réalisées par le Groupement Ménaouer et EL2T pendant la période de garantie de parfait achèvement (GPA), ces désordres ont été regardés par le maître d'ouvrage comme compromettant la continuité du service public, avec pour conséquence la prolongation de cette garantie par son mandataire par trois ordres de service de service (OS) ; il a également été demandé à la société Ménaouer de reprendre les stations durant cette période. Le 3 février 2020, celle-ci a émis des réserves à ces OS et n'a pas exécuté les travaux de reprise demandés. Une expertise amiable a été diligentée en septembre 2020. A la demande de la société Ménaouer, par ordonnance de référé du 16 mars 2021, le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a désigné un expert ingénieur, en lui donnant pour mission d'apprécier les responsabilités éventuellement encourues et les préjudices subis. L'expert a rendu son rapport le 29 septembre 2021.

3. Par acte d'huissier de justice du 30 octobre 2023, la société Ménaouer a signifié au SMTU du Grand Nouméa une réclamation indemnitaire préalable lui demandant le versement de la somme de 16 555 694 francs CFP correspondant aux frais de cautions bancaires, de libérer les sommes de 2 025 686 et de 3 385 517 francs CFP correspondant à l'augmentation du marché conclu par avenant, lesdites sommes portant intérêts moratoires, et de libérer sans délai les cautions bancaires et retenues de garanties. Le 15 décembre suivant, le syndicat a rejeté ses demandes. Par un jugement du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé la mainlevée de la caution souscrite le 27 septembre 2016 par la société Ménaouer auprès de la banque de Nouvelle-Calédonie, a ordonné la restitution de cette somme dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du jugement sous astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard à compter de cette date, a condamné le SMTU du Grand Nouméa à restituer à la société Ménaouer le montant de la retenue de garantie effectivement prélevée au titre du marché, a renvoyé cette dernière devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes dues à ce titre, a mis les frais d'expertise, d'un montant de 851 000 francs CFP, à la charge du SMTU du Grand Nouméa et a rejeté le surplus des demandes. Le SMTU du Grand Nouméa demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

4. Aux termes de l'article R. 811-16 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner sous réserve des dispositions des articles R. 533-2 et R. 541-6 qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies. ". Aux termes de l'article R. 811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ".

5. En premier lieu, la partie qui réclame le bénéfice des dispositions précitées de l'article R. 811-16 du code de justice administrative doit apporter un certain nombre d'éléments permettant au juge d'évaluer si le risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies, est encouru.

6. Le SMTU du Grand Nouméa expose que la suppression des sûretés dont il bénéficiait emporterait la perte définitive du " levier financier " lui permettant d'obtenir la reprise des travaux par l'entreprise attributaire et, à tout le moins, des conséquences financières pour lui difficilement réparables, le montant des travaux de reprise étant évalué à l'équivalent de 9 millions d'euros, représentant 4 % de ses recettes réelles de fonctionnement et près de 100 % des crédits budgétaires disponibles en investissement. Il se prévaut également des difficultés financières qu'il rencontre qui rendent impossible une avance des fonds pour la reprise du tracé. Il invoque, enfin, la situation extrêmement dégradée en Nouvelle-Calédonie depuis le 13 mai 2024, le mobilier urbain et les abords des voies réservées y ayant subi de fortes dégradations.

7. Toutefois, alors qu'il n'est pas même allégué que la société Ménaouer aurait rencontré des difficultés pour constituer les sûretés requises lors de la signature du marché, le syndicat requérant n'établit pas que la situation financière actuelle de cette entreprise, dont ni le chiffre d'affaires ni le résultat des dernières années ne sont évoqués, la mettrait dans l'impossibilité, si besoin était, de couvrir le montant des réparations des désordres subsistant. En l'absence de tous éléments attestant notamment d'une baisse d'activité à laquelle serait confrontée l'entreprise titulaire du marché, il n'est ainsi pas justifié de ce que sa situation financière serait durablement obérée, avec le risque associé pour l'appelant de perdre définitivement les sommes en litige de 2 025 686 et 3 385 517 francs CFP dans l'attente qu'il soit statué sur l'appel interjeté. Il n'y a pas lieu, dès lors, d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 811-16 du code de justice administrative.

8. En second lieu, le SMTU du Grand Nouméa ne saurait utilement invoquer les dispositions précitées de l'article R. 811-17 du code de justice administrative qui ne lui sont pas applicables.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins de sursis à exécution du SMTU du Grand Nouméa doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Le SMTU du Grand Nouméa qui succombe dans la présente instance n'est pas fondé à demander le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a par ailleurs pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Ménaouer sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa et à la société Ménaouer.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 février 2025.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA03389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03389
Date de la décision : 12/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : ELMOSNINO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-12;24pa03389 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award