Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2303661 du 27 mars 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2024, M. A..., représenté par Me Lemichel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 mars 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté mentionné ci-dessus du 22 février 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent à titre principal de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, pour insuffisance de motivation s'agissant de la réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de séjour, les premiers juges n'ayant pas fait mention de l'absence de référence à l'article 3 -1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, d'autre part, pour défaut de réponse au moyen relatif à l'absence de menace sur l'ordre public ;
S'agissant des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :
- ces décisions sont insuffisamment motivées et sont entachées d'un défaut d'examen ;
- elles méconnaissent l'article L. 435-1 et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elles méconnaissent l'article L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnait les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les observations de Me Lemichel pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien, né le 15 octobre 2000, qui soutient être entré en France le 16 juillet 2016 et y résider depuis lors, a sollicité le 12 mai 2022 son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 22 février 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans. M. A... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 27 mars 2024, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen opérant tiré de ce que le comportement du requérant ne constitue pas une menace sur l'ordre public. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen d'irrégularité du jugement.
3. Il y a donc lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil et sur ses conclusions d'appel.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise notamment l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constitue le fondement de la demande de de titre de séjour, expose avec une précision suffisante les éléments relatifs à la situation du requérant pris en compte par le préfet de la Seine-Saint-Denis pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité, notamment sa situation familiale et y compris la circonstance qu'il est père d'un enfant né en 2022. Par suite, le refus de titre de séjour attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivé même s'il ne vise pas l'article 3 - 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation du requérant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
7. En l'espèce, M. A... se prévaut d'une présence en France depuis le 16 juillet 2016, date à laquelle alors âgé de seize ans il serait entré sur le sol français et où il aurait été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, de la présence de sa compagne en situation régulière avec laquelle il a eu un enfant né le 29 janvier 2022 ainsi que de son intégration socio-professionnelle. Toutefois, le requérant ne justifie pas de son entrée en France en 2016 et il n'établit y résider habituellement que depuis avril 2017. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... s'est maintenu sur le territoire en dépit d'une précédente mesure d'éloignement prise par un arrêté préfectoral du 19 août 2019. Si le requérant soutient que le préfet s'est mépris en considérant qu'il n'a pas exercé de recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté, cette erreur est en l'espèce sans incidence dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le recours de M. A... a été rejeté par le tribunal administratif de Caen le 27 décembre 2019 ainsi qu'en appel devant la cour administrative d'appel de Nantes le 18 février 2020. Par ailleurs, la communauté de vie dont se prévaut le requérant avec sa compagne en situation régulière est de moins de trois ans à la date de la décision attaquée et donc récente. M. A... n'établit, en outre, pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ni l'impossibilité pour lui d'y reconstituer la cellule familiale dès lors que sa compagne a également la qualité de ressortissante ivoirienne. Enfin, les circonstances que le requérant, qui se prévaut de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle en qualité de " menuisier installateur " obtenu en 2019, a exercé des emplois au sein d'entreprises d'intérim en qualité de serveur et de manœuvre de juin 2019 à janvier 2022, et qu'il a été investi au sein d'un club sportif à Lisieux, ne sont pas de nature à constituer un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions précitées de l'article L4 35-1 un du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En quatrième lieu, le préfet ne s'est fondé sur la menace sur l'ordre public que pour édicter l'interdiction de retour sur le territoire français mais non la décision de refus de séjour litigieuse. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L 412-5 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté comme inopérant à l'encontre de la décision de refus de séjour.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ".
10. Eu égard à la situation de M. A... telle qu'exposée au point 7, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'il emporte sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés.
11. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
12. Ainsi qu'il a été dit au point 7, le requérant n'établit pas l'impossibilité pour lui de reconstituer sa cellule familiale en Côte-d'Ivoire eu égard notamment à la circonstance que sa conjointe est également une ressortissante ivoirienne. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit donc être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français vise le 3° de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il résulte des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été, comme en l'espèce, rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation des actes administratifs. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.
14. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation du requérant avant de prendre la mesure d'éloignement litigieuse.
15. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus en ce qui concerne le refus de séjour.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
16. Aux termes de l'article L.612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
17. En premier lieu, la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans vise les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise notamment que le requérant s'est déjà soustrait à l'exécution d'une procédure d'éloignement, que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public et est donc suffisamment motivée.
18. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant a bien fait l'objet d'une procédure pour usage de faux documents administratifs, même si elle a été classée sans suite, outre une interpellation pour une conduite sans permis de conduire. Ces faits sont de nature à caractériser une menace sur l'ordre public. Dès lors, eu égard à la situation de M. A... telle qu'exposée au point 7, l'arrêté attaqué en tant qu'il fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ne méconnait pas les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 22 février 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2303661 du 27 mars 2024 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 février 2025.
Le rapporteur,
D. PAGES La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24PA01926