Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2307042 du 25 janvier 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Mirtchev, demande à la Cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montreuil du 25 janvier 2024 ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 mai 2023, mentionné ci-dessus ;
4°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, avec autorisation de travail, durant ce réexamen, dans le même délai et sous la même astreinte ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à Me Mirtchev, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en particulier en ce qui concerne les moyens tirés de l'absence d'examen sérieux de sa situation, de violations de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, et n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation ;
- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure au regard des articles L. 432-13 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison du défaut de consultation de la commission du titre de séjour ;
- elle a été prise en violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur de droit au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle repose sur une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles L. 423-23 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle repose sur une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 20 novembre 1989 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 22 juin 1990 à Gouniang (Sénégal) qui soutient être entrée sur le territoire français en 2013, s'est vu délivrer le 29 août 2018, en raison de son état de santé, un titre de séjour, mention " vie privée et familiale ", qui a été renouvelé jusqu'au 18 juillet 2022. Par un arrêté du 4 mai 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de changement de statut, tendant à l'obtention d'un titre de séjour en raison de sa situation de famille, et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. Mme A... fait appel du jugement du 25 janvier 2024, par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, visée ci-dessus : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application de ces dispositions, l'admission provisoire de Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a répondu à l'ensemble des moyens soulevés par Mme A..., en particulier aux moyens tirés de l'absence d'examen sérieux de sa situation, de violations de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et d'une erreur manifeste d'appréciation. Ainsi, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés au soutien de ces moyens, ont suffisamment motivé leur jugement. Le bien-fondé de ce jugement est sans incidence sur sa régularité.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
5. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué, de l'insuffisance de sa motivation, de l'absence d'examen de la situation de Mme A..., d'une violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un vice de procédure au regard de l'article L. 432-13 de ce code en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
6. En deuxième lieu, Mme A... n'établit pas avoir déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour dans le cadre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les moyens qu'elle tire d'un vice de procédure au regard de cet article en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, et d'une erreur de droit au regard de ce même article, doivent donc être écartés.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
8. Mme A... établit, par la production de divers documents médicaux, avoir résidé en France à partir du mois de juin 2014, et avoir été titulaire à partir de 2018 de plusieurs contrats de travail comme agent d'agent d'entretien, dont, en dernier lieu, un contrat de travail à durée indéterminée conclu en mars 2021. Si elle fait valoir qu'elle a donné naissance à deux enfants nés en France en 2014 et 2021, qui y sont scolarisés, elle ne conteste pas vivre séparée de leur père, qui est également de nationalité sénégalaise. Si elle produit une convention parentale conclue avec ce dernier, elle ne fournit aucune précision sur sa situation, notamment au regard du séjour, et sur sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Elle ne conteste pas non plus ne pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Dans ces conditions, elle ne démontre pas que l'arrêté attaqué aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ou à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus, ou qu'il reposerait sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.
9. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen selon lequel la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour, ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris les conclusions à fin d'injonction et les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Mme A... est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 février 2025.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01076