Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société des mobiliers urbains pour la publicité et l'information (SOMUPI) a demandé au tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler le contrat de concession de services relatif à la conception, la fabrication, la pose, l'entretien, la maintenance et l'exploitation de mobiliers urbains d'information à caractère général ou local supportant de la publicité, conclu le 16 mai 2019 par la Ville de Paris avec la société Clear Channel France ou, subsidiairement, de résilier ce contrat .
Par un jugement n° 1917079 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 mai 2023, 26 juin 2023, 10 mai 2024 et 17 juillet 2024, la société SOMUPI, représentée par Me Salon, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal d'annuler le contrat de concession de services relatif à la conception, la fabrication, la pose, l'entretien, la maintenance et l'exploitation de mobiliers urbains d'information à caractère général ou local supportant de la publicité, conclu le 16 mai 2019 par la Ville de Paris avec la société Clear Channel France ;
3°) à titre subsidiaire de résilier ce contrat ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, car il n'est pas signé, d'autre part, pour insuffisance de motivation dans la réponse au moyen tiré de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire au titre de la garantie bancaire ;
- l'offre de la société Clear Channel France était irrégulière et l'autorité concédante a méconnu l'article 25 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 en ne l'éliminant pas alors qu'elle ne respecte pas les prescriptions du cahier des charges et du projet de contrat imposant une garantie bancaire à première demande à hauteur du montant de la redevance minimale garantie, qui ne pouvaient être modifiées en cours de consultation ;
- l'autorité concédante a méconnu les principes d'intangibilité des offres et d'égalité de traitement des candidats en acceptant que la société Clear Channel France complète son offre hors délai ;
- l'autorité concédante a méconnu le droit à l'information des conseillers de Paris.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 avril et 12 juin 2024, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard - Froger, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société SOMUPI au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société SOMUPI ne sont pas fondés, outre que certains sont inopérants.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 avril et 11 juin 2024, la société Cityz Media S.A.S., anciennement dénommée Clear Channel France, représentée par la Selarl Cabanes Avocats, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la société SOMUPI au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société SOMUPI ne sont pas fondés, outre que certains sont inopérants.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution des contrats de concession ;
- l'ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession ;
- le décret n°2016-86 du 1er mars 2016 relatif aux contrats de concession ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Salon pour la société SOMUPI,
- les observations de Me Froger pour la ville de Paris,
- et les observations de Me Pezin pour la société Clear Channel France.
Une note en délibéré a été présentée pour la société des mobiliers urbains pour la publicité et l'information le 4 février 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis de concession publié au Bulletin officiel des annonces des marchés publics et du Journal officiel de l'Union européenne, le 26 juillet 2018, la Ville de Paris a engagé une consultation en vue de l'attribution d'un contrat de concession de services relatif à la conception, la fabrication, la pose, l'entretien, la maintenance et l'exploitation de mobiliers urbains d'information à caractère général ou local, supportant de la publicité. Par une délibération n°2019 DFA, le Conseil de Paris, siégeant en formation de conseil municipal, a, lors de sa séance des 1er, 2, 3 et 4 avril 2019, autorisé la maire de Paris à signer ce contrat de concession avec la société Clear Channel France. Par un courrier du 5 avril 2019, la Société des Mobiliers Urbains pour la Publicité et l'Information (SOMUPI) a été informée par l'autorité concédante du rejet de son offre et de ce que le contrat de concession avait été attribué à la société Clear Channel France dont l'offre avait été considérée comme la meilleure sur le critère financier. La société SOMUPI a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler le contrat de concession de services relatif à la conception, la fabrication, la pose, l'entretien, la maintenance et l'exploitation de mobiliers urbains d'information à caractère général ou local supportant de la publicité, conclu le 16 mai 2019 par la Ville de Paris avec la société Clear Channel France, à titre subsidiaire, de résilier ce contrat. Par un jugement du 16 mars 2023, dont la société SOMUPI relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué ne serait pas signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience doit être écarté comme manquant en fait.
3. En second lieu, les premiers juges ont répondu de façon circonstanciée aux points 7 à 9 du jugement attaqué au moyen tiré de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire au titre de la garantie bancaire, la critique apportée par la société requérante sur la teneur du raisonnement et de l'argumentation du tribunal relevant du bien-fondé du jugement attaqué et étant sans incidence sur sa régularité. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de motivation dans la réponse à ce moyen doit donc également être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 25 du décret du 1er février 2016 : " Les offres inappropriées ou qui ne respectent pas les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation sont éliminées. / Est inappropriée l'offre qui est sans rapport avec l'objet de la concession parce qu'elle n'est manifestement pas en mesure, sans modifications substantielles, de répondre aux besoins et aux exigences de l'autorité concédante spécifiés dans les documents de la consultation ". Aux termes de l'article 46 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 : " Les autorités concédantes peuvent organiser librement une négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans des conditions prévues par voie réglementaire. La négociation ne peut porter sur l'objet de la concession, les critères d'attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation ".
5. L'article 1.6 du cahier des charges en cause dispose que : " Le concessionnaire devra constituer une garantie bancaire à première demande pour le paiement de la redevance ". Son article 3.1 dispose que : " Le projet de contrat (annexe 2 du présent dossier de consultation) doit être complété et amendé en mode suivi des modifications apparentes. / Toute modification contractuelle ne peut être justifiée que par une optimisation du cadre contractuel ou un ajustement du projet de contrat à l'offre du candidat et doit impérativement respecter les conditions et limites indiquées dans le cahier des charges et le projet de contrat transmis ". Le projet de contrat de concession, annexé au règlement de la consultation, stipule, à son article 23.3 : " Afin de garantir le paiement de la redevance visée à l'article 21 ci-dessus, le concessionnaire devra obtenir de sa banque, dans un délai de trois mois à compter de la signature de la présente convention, une garantie bancaire à première demande à hauteur du montant de la redevance minimale garantie, dont la mise en jeu sera exigible par simple demande de la Ville de Paris, en cas de défaillance financière du concessionnaire ". Ce projet de contrat donnait ainsi la possibilité aux candidats de proposer les modifications qu'ils jugeaient nécessaires à l'ajustement de ce projet à leur offre tout en respectant les principes fixés dans le dossier de consultation. En réponse aux questions posées le 7 août 2018 dans le cadre de la procédure, la Ville de Paris a répondu, le 5 septembre 2018, que le concessionnaire devait constituer, à l'exclusion de toute autre forme de garantie, la garantie bancaire à première demande définie dans le cahier des charges mais que les candidats pouvaient proposer des modifications dans le respect de l'article 3.1 de ce cahier des charges.
6. S'il résulte du dossier de consultation que l'engagement des candidats sur l'obtention d'une garantie bancaire à première demande, garantissant la sécurité du versement de la redevance minimale garantie proposée, constituait une condition minimale, aucune prescription n'interdisait aux candidats de proposer des modifications quant aux modalités de cette garantie bancaire à première demande. En proposant une garantie bancaire trimestrielle renouvelable, eu égard aux modalités de recouvrement trimestriel définies par l'article 21.6 du projet de contrat, la société Clear Channel France n'a pas présenté une offre inappropriée qui aurait pour effet de compromettre la sécurité financière du contrat. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que cette adaptation présenterait, entre les entreprises concurrentes, un caractère discriminatoire Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'autorité concédante était tenue d'éliminer l'offre de la société Clear Channel France au vu de son caractère inapproprié au sens de l'article 25 du décret du 1er février 2016.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance susvisée du 29 janvier 2016 : " I. - Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. (...) ". Le respect du principe d'égalité entre les candidats qui découle de ces dispositions exige que, lorsque des négociations sont menées avec plusieurs entreprises à la suite de la remise des offres et que l'autorité délégante fixe à ces entreprises un délai de remise de nouvelles offres, elle est tenue aux mêmes exigences que lors de la procédure de publicité et de recueil des offres et, en particulier, ne peut légalement proroger ce nouveau délai pour une partie seulement des entreprises intéressées.
8. La société SOMUPI soutient que la société Clear Channel France a complété son offre postérieurement à la date de remise des offres finales. A appui de ce moyen, elle se prévaut du refus de la Ville de Paris de lui communiquer les documents cités par le premier adjoint à la maire de Paris au cours de la séance du Conseil de Paris du 1er avril 2019. Il résulte toutefois de l'instruction qu'aucun élément ni aucune pièce du dossier ne permet d'établir la réalité de l'allégation de la société requérante alors que la Ville de Paris fait valoir au contraire qu'hormis le rapport d'analyse des offres, qui a bien été communiqué, aucun autre document n'existait et ne pouvait donc être communiqué à la société SOMUPI. Par suite, le moyen tiré de ce que la société Clear Channel France aurait produit des documents ou modifié son offre après la date de remise des offres finales doit être écarté.
9. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information des conseillers de Paris doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 12 et 13 du jugement attaqué.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société SOMUPI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
11. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SOMUPI, au titre du même article, d'une part, une somme de 1 500 euros à verser à la ville de Paris, d'autre part, la même somme de 1 500 euros à verser à la société Cityz Media S.A.S..
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société des mobiliers urbains pour la publicité et l'information est rejetée.
Article 2 : La société des mobiliers urbains pour la publicité et l'information versera, d'une part, une somme de 1 500 euros à la ville de Paris, d'autre part, une somme de 1 500 euros à la société Cityz Media S.A.S, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société des mobiliers urbains pour la publicité et l'information, à la ville de Paris et à la société Cityz Media S.A.S.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 février 2025.
Le rapporteur,
D. PAGES La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23PA2306