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11/02/2025 | FRANCE | N°23PA01777

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 11 février 2025, 23PA01777


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Thaï Union Europe a demandé au tribunal administratif de Montreuil :



1°) de lui accorder la restitution partielle des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 en tant qu'elles procèdent de la réintégration d'une quote-part de frais et charges de 5 % sur les dividendes servis par des sociétés filiales, assortie des i

ntérêts moratoires correspondants ;



2°) de lui accorder la restitution partielle des cotisati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Thaï Union Europe a demandé au tribunal administratif de Montreuil :

1°) de lui accorder la restitution partielle des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 en tant qu'elles procèdent de la réintégration d'une quote-part de frais et charges de 5 % sur les dividendes servis par des sociétés filiales, assortie des intérêts moratoires correspondants ;

2°) de lui accorder la restitution partielle des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016 en tant qu'elles procèdent de la réintégration d'une quote-part de frais et charges de 5 % sur les dividendes servis par des sociétés filiales au lieu de celle de 1 % leur étant applicables, assortie des intérêts moratoires correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2103464 du 1er mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 avril et 4 décembre 2023, la société Thaï Union Europe, représentée par Me Renoux et Me Damas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer, d'une part, la restitution de l'impôt acquitté sur le montant de la quote-part de frais et charges réintégrée en 2015 pour un montant de 227 977 euros, ainsi que les intérêts moratoires y afférents, et d'autre part, la restitution de la différence entre l'impôt acquitté sur le montant de la quote-part de 5% réintégrée en 2016 et l'impôt calculé sur le montant de la quote-part de 1% dont elle aurait dû bénéficier au titre de cette même année pour un montant de 495 718 euros, ainsi que les intérêts moratoires y afférents ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le deuxième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à la loi de finances rectificative pour 2015, crée une différence de traitement injustifiée entre les dividendes perçus par les sociétés mères de leurs filiales françaises ou de leurs filiales établies dans un État membre de l'Union européenne et ceux qu'elles perçoivent de leurs filiales situées dans un État tiers à l'Union ; il est de ce fait incompatible avec les dispositions de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

- la différence de traitement litigieuse ne poursuit pas un objectif légitime ;

- les moyens employés ne sont pas proportionnés à l'objectif visé ;

- l'article 216, I du code général des impôts, dans sa rédaction postérieure à la loi de finances rectificative pour 2015, crée une différence de traitement injustifiée entre les dividendes perçus par les sociétés mères de leurs filiales françaises ou de leurs filiales établies dans un État membre de l'Union européenne et ceux qu'elles perçoivent de leurs filiales situées dans un État tiers ; il est de ce fait incompatible avec les dispositions de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

- la différence de traitement litigieuse ne poursuit pas un objectif légitime ;

- les moyens employés ne sont pas proportionnés à l'objectif visé ;

- les juridictions administratives sont compétentes pour apprécier ces incompatibilités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'arrêt C-386/14 de la Cour de justice de l'Union européenne du 2 septembre 2015 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,

- et les observations de Me Damas, représentant la société Thaï Union France Holding.

Considérant ce qui suit :

1. La Société Thaï Union Europe a absorbé, en 2017, la société Thaï Union France Holding 2, qui était, pour les exercices en litige, la société mère d'un groupe fiscalement intégré, au sens de l'article 223 A du code général des impôts, auquel appartenaient notamment les sociétés Thaï Union Europe et Établissements Paul Paulet. Au titre des exercices clos en 2015 et 2016, la société tête de groupe a perçu des dividendes, versés par des filiales détenues à plus de 95 % et établies dans des pays tiers à l'Union européenne, qui ont été exonérés d'impôt sur les sociétés en application du régime mère-fille, à l'exclusion d'une quote-part de frais et charges de 5 % réintégrée par cette société dans les bases imposables à l'impôt sur les sociétés qu'elle a déclarées au titre des exercices clos en 2015 et 2016. Par une réclamation du 23 février 2018, la société Thaï Union Europe relève appel du jugement du 1er mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge partielle de ces cotisations primitives en tant qu'elles procèdent, au titre de l'exercice clos en 2015, de la réintégration de cette quote-part de 5 % et, au titre de l'exercice clos en 2016, de la réintégration de cette quote-part de 5 % au lieu de celle de 1 % qui devrait, selon elle, être désormais appliquée aux distributions de dividendes en cause.

2. L'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation comparable est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.

Sur les conclusions à fin de restitution des impositions établies au titre de l'exercice clos en 2015 :

3. Aux termes de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'exercice clos en 2015 : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participante au cours de la même période ". Aux termes de l'article 223 A du même code : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe (...) / Seules peuvent être membres du groupe les sociétés ou les établissements stables qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues aux articles 214 et 217 bis (...) / Les sociétés du groupe et, sous réserve de la réglementation étrangère qui leur est applicable, les sociétés intermédiaires doivent ouvrir et clore leurs exercices aux mêmes dates (...) ", et aux termes de son article 223 B, dans sa rédaction applicable : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun (...) / Le résultat d'ensemble est diminué de la quote-part de frais et charges afférente aux produits de participation perçus par une société du groupe d'une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et aux produits de participation perçus par une société du groupe d'une société intermédiaire pour lesquels la société mère apporte la preuve qu'ils proviennent de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et n'ayant pas déjà justifié des rectifications effectuées en application du présent alinéa ou du troisième alinéa. (...) ".

4. Par son arrêt Groupe Steria SCA c. Ministère des finances et des comptes publics (aff. C-386/14) du 2 septembre 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un Etat membre relative à un régime d'intégration fiscale en vertu de laquelle une société-mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d'une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l'intégration, alors qu'une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre Etat membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option. Il résulte de cette interprétation que l'administration n'est pas fondée à refuser à une société mère intégrante le bénéfice de la neutralisation de la quote-part pour frais et charges, instituée par l'article 223 B du code général des impôts en faveur des groupes fiscalement intégrés, à raison des dividendes qui lui sont distribuées par ses filiales établies dans un autre Etat membre pour autant que ces filiales, si elles avaient été résidentes, auraient été objectivement éligibles au régime d'intégration fiscale, sur option, en vertu de l'article 223 A de ce code. Il résulte par conséquent des dispositions précitées du code général des impôts ainsi que de l'arrêt susmentionné de la Cour de justice de l'Union européenne que la neutralisation de la quote-part de frais et charges pour les dividendes versés par leurs filiales bénéficie non seulement aux groupes fiscalement intégrés dont toutes les filiales sont établies en France, mais aussi à ceux dont certaines filiales sont établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne, sous réserve que ces filiales remplissent les autres conditions d'éligibilité au régime de l'intégration fiscale.

5. La société Thaï Union Europe soutient qu'en neutralisant la quote-part de frais et charges de 5 % due dans le cadre du régime mère-fille dans le cas où celle-ci est afférente aux produits de participation perçus par une société du groupe d'une société membre du groupe, le deuxième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à la loi de finances rectificative pour 2015, crée une différence de traitement injustifiée, fondée sur la résidence, entre les dividendes de leurs filiales françaises ou de leurs filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne et ceux qu'elles perçoivent de leurs filiales situées dans un Etat tiers à l'Union Européenne, différence de traitement qui serait incompatible avec les stipulations combinées de l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel.

6. Ainsi que l'a d'ailleurs relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-699 QPC du 13 avril 2018, Société Life Sciences Holdings France, lors de leur adoption, les dispositions en cause de l'article 223 B du code général des impôts tendaient à définir l'un des avantages attachés à l'intégration fiscale afin de garantir aux groupes se plaçant sous ce régime, qui ne concernait que des sociétés mères et filiales françaises, un traitement fiscal équivalent à celui d'une unique société dotée de plusieurs établissements. Ce faisant, le législateur a entendu inciter à la constitution de groupes nationaux, soumis à des conditions particulières de détention caractérisant leur degré d'intégration et, par suite, poursuivre un objectif d'utilité publique légitime.

7. L'extension du dispositif de neutralisation aux quotes-parts de frais et charges afférentes aux dividendes perçus de filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne trouve sa justification dans le nécessaire respect, pour ce qui concerne les situations entrant dans leur champ d'application, des stipulations de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui interdisent les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre et qui, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt précité C-386/14 du 2 septembre 2015, s'opposent à une législation " en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d'une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l'intégration, alors qu'une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre Etat membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option ", la Cour de justice ayant pour cela estimé que la neutralisation de la quote-part pour frais et charges n'était pas un avantage inhérent au régime de l'intégration fiscale faute de lien direct entre cet avantage et un désavantage résultant de la neutralisation des opérations internes au groupe. En outre, le respect des exigences découlant du droit de l'Union européenne constitue un objectif d'intérêt public légitime de nature à justifier une différence de traitement entre des situations au demeurant comparables, selon qu'elles sont ou non régies par ces règles.

8. Par ailleurs, si la loi, ainsi interprétée dans le respect du droit de l'Union européenne, a pour effet d'exclure du bénéfice de la neutralisation les quotes-parts pour frais et charges afférentes aux dividendes provenant de filiales établies en dehors de l'Union européenne, il n'en résulte pas une absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et les buts poursuivis. Dans ces conditions, la différence de traitement en cause peut être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable. La société Thaï Union Europe n'est ainsi pas fondée à se prévaloir, pour demander la non-réintégration de la quote-part de frais et charges dans son résultat de l'exercice clos en 2015, d'une méconnaissance des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel.

Sur les conclusions à fin de restitution des impositions établies au titre de l'exercice clos en 2016 :

9. Aux termes de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'exercice clos en 2016 : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Ce taux est fixé à 1 % de ce même produit, crédit d'impôt compris, perçu par une société membre d'un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis à raison d'une participation dans une autre société membre de ce groupe, ou par une société membre d'un groupe à raison d'une participation dans une société soumise à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales qui, si elle était établie en France, remplirait les conditions pour être membre de ce groupe, en application des articles 223 A ou 223 A bis, autres que celle d'être soumise à l'impôt sur les sociétés en France".

10. Aux termes de l'article 223 A du même code, dans sa rédaction applicable à l'exercice clos en 2016 : " I. Une société, ci-après désignée par les mots : " société mère ", peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les mots : " sociétés du groupe ", ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les mots : " sociétés intermédiaires ", détenus à 95 % au moins par la société mère de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires. (...) III. - Seules peuvent être membres du groupe les sociétés ou les établissements stables qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 214. Seules peuvent être qualifiées de sociétés intermédiaires les sociétés ou les établissements stables qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Pour se constituer société mère dans les conditions du deuxième alinéa du I, une société doit accompagner son option de l'accord de l'entité mère non résidente et des sociétés étrangères mentionnées au même deuxième alinéa. Pour être membre d'un groupe formé dans les conditions dudit deuxième alinéa, une société doit accompagner son accord de celui de l'entité mère non résidente et des sociétés étrangères. Les sociétés membres d'un groupe dans les conditions du même deuxième alinéa ne peuvent simultanément se constituer seules redevables de l'impôt sur les sociétés pour les résultats d'un autre groupe dans les conditions prévues au présent article. Lorsque la société mère opte pour l'application du régime défini au quatrième ou au cinquième alinéa du I, toutes les personnes morales dénuées de capital définies au quatrième alinéa du même I et toutes les banques, caisses et sociétés mentionnées aux articles L. 512-11, L. 512-20, L. 512-55, L. 512-60, L. 512-69 et L. 512-86 du code monétaire et financier ou bénéficiant du même agrément collectif, à l'exception des filiales dont le capital est détenu à 95 % au moins sont obligatoirement membres du groupe et ne peuvent simultanément être mères d'un autre groupe formé dans les conditions prévues au présent article. / Les sociétés du groupe et, sous réserve de la réglementation étrangère qui leur est applicable, les sociétés intermédiaires, l'entité mère non résidente et les sociétés étrangères doivent ouvrir et clore leurs exercices aux mêmes dates ; les exercices ont en principe, une durée de douze mois ". Aux termes de son article 223 B, dans sa rédaction applicable à l'exercice clos en 2016 : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 214 / Les produits de participation perçus par une société du groupe d'une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et les produits de participation perçus par une société du groupe d'une société intermédiaire, d'une société étrangère ou de l'entité mère non résidente pour lesquels la société mère apporte la preuve qu'ils proviennent de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et n'ayant pas déjà justifié des rectifications effectuées en application du présent alinéa sont retranchés du résultat d'ensemble s'ils n'ouvrent pas droit à l'application du régime mentionné au 1 de l'article 145 (...) ".

11. La société Thaï Union Europe soutient que la différence de traitement entre, d'une part, les filiales détenues à plus de 95 % établies hors de l'Union européenne, qui supportent une quote-part de frais et charges au taux de 5 %, et, d'autre part, celles relevant du même taux de détention établies en France ou dans un autre Etat de l'Union Européenne, qui bénéficient d'un taux de quote-part de frais et charges réduit à 1 %, méconnaît les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel.

12. D'une part, comme il a été exposé plus haut, en instaurant le régime de l'intégration fiscale, le législateur a entendu inciter à la constitution de groupes nationaux, soumis à des conditions particulières de détention caractérisant leur degré d'intégration et, par suite, poursuivre un objectif d'utilité publique légitime.

13. D'autre part, l'extension du taux réduit de 1 % de réintégration d'une quote-part de frais et charges aux dividendes perçus de filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne trouve sa justification dans le nécessaire respect, pour ce qui concerne les situations entrant dans leur champ d'application, des stipulations de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui interdisent les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre.

14. Si la loi, ainsi interprétée dans le respect du droit de l'Union européenne, a pour effet d'exclure du bénéfice du taux réduit de 1 % les quotes-parts pour frais et charges afférentes aux dividendes provenant de filiales établies en dehors de l'Union européenne, il n'en résulte pas une absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et les buts poursuivis. Dans ces conditions, la différence de traitement en cause peut être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable en relation avec les principes fondamentaux régissant le marché intérieur de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Thaï Union Europe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Thaï Union Europe et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction des grandes entreprises.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bories, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

C. BORIES

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 23PA01777 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01777
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BORIES
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : GINESTIÉ, MAGELLAN, PALEY-VINCENT & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-11;23pa01777 ?
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