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05/02/2025 | FRANCE | N°24PA03863

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 05 février 2025, 24PA03863


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juin 2024 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2417354/3-3 du 29 juillet 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 29 août 202

4, M. A..., représenté par Me Partouche, demande à la Cour :



1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juin 2024 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2417354/3-3 du 29 juillet 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 août 2024, M. A..., représenté par Me Partouche, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2417354/3-3 du 29 juillet 2024 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté litigieux ;

4°) d'enjoindre au préfet de police, ou à tout préfet territorialement compétent, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou une attestation de demandeur d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre au préfet de police de lui fixer un rendez-vous en vue de la remise et l'étude de son dossier de demande d'asile et de titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 1 500 euros à verser à Me Partouche en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée.

Il soutient que :

- l'auteur de l'acte n'était pas compétent pour le signer ;

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen individuel et approfondi de sa situation ;

- le jugement ne répond pas à ce moyen ;

- le jugement est lui-même insuffisamment motivé ;

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet de police ne pouvait l'édicter alors qu'il n'ignorait pas sa démarche de régularisation ;

- il n'a jamais été informé de ce qu'il était susceptible d'être éloigné vers la Slovénie et non son pays d'origine, et n'a donc jamais été invité à formuler ses observations sur ce sujet ;

- la décision de renvoi vers son pays d'origine est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il était considéré comme demandeur d'asile en Slovénie en vertu du règlement Dublin ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de non-refoulement prévu par l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951.

La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 6 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 novembre 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 3 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Segretain a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 10 février 1989, est entré en France en 2022 selon ses déclarations. Par un arrêté du 19 juin 2024, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit. M. A... relève appel du jugement du 29 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 3 janvier 2025. Par suite, les conclusions tendant au bénéfice, à titre provisoire, de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, si le requérant soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité faute pour les premiers juges d'avoir répondu à son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige, il ressort de sa demande de première instance que le requérant n'a pas soulevé ce moyen, auquel le tribunal n'était dès lors pas tenu de répondre.

4. En deuxième lieu, il ressort du point 5 du jugement attaqué que le tribunal s'est référé à l'ensemble des motifs de droit et de fait pour examiner le caractère suffisant de la motivation de l'arrêté en litige. Par suite, il n'a pas omis de statuer sur le moyen, la circonstance qu'il ait, en conclusion de ce point, écarté le " défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle " au lieu de mentionner le défaut de motivation de l'arrêté, avant d'écarter, " pour les mêmes motifs ", " le moyen tiré du défaut d'examen ", constituant seulement une coquille qui, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la régularité du jugement.

5. Enfin, si le requérant soutient que le jugement n'est pas motivé en fait, il ressort notamment des points 5, 7, 9 et 12 que le tribunal s'est référé à la situation personnelle de M. A... et qu'il est suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 2024-00349 du 15 juin 2024 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de police, le préfet de police a donné à Mme B... C..., attachée d'administration d'Etat, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, l'arrêté en litige vise l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement duquel il a été pris, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et indique les éléments relatifs à la situation personnelle de M. A..., en particulier la circonstance que l'intéressé ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire. L'arrêté relève également qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté en litige est suffisamment motivé.

8. Enfin, si le requérant soutient qu'il n'a jamais été informé de ce qu'il était susceptible d'être éloigné vers la Slovénie et non son pays d'origine, et qu'il n'a donc jamais été invité à formuler ses observations sur ce sujet, le préfet de police a fait valoir en défense devant le tribunal, sans être contesté sur ce point, que M. A... avait fait l'objet d'une audition par les services de police le 19 juin 2024, avait ainsi été entendu sur sa situation administrative, et mis à même de faire valoir ses observations sur une éventuelle mesure d'éloignement. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...). "

10. Il est constant que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français et ne s'est, par la suite, pas vu délivrer de titre de séjour. S'il fait valoir que le préfet de police ne pouvait ignorer sa démarche de régularisation, dès lors qu'il lui avait adressé un courriel le 25 mars 2024, il ressort des pièces du dossier que par ce courriel, resté sans réponse, il se bornait à communiquer au préfet un jugement antérieur du tribunal administratif de Paris annulant une précédente obligation de quitter le territoire, à rappeler que sa demande d'asile déposée le 1er juillet 2022 avait été rejetée du fait du règlement Dublin et à indiquer que " la période de sanction de 18 mois est dépassée pour faire une nouvelle demande ". Il ne peut ainsi, par ces seuls éléments, être regardé comme ayant formé une demande d'asile ou sollicité un

rendez-vous en vue du dépôt d'une demande d'asile. Dans ces conditions, M. A... s'était, à la date de l'arrêté en litige, maintenu sur le territoire sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Par suite, le préfet de police a pu l'obliger à quitter le territoire sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans commettre d'erreur de droit ni entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En deuxième lieu, si le requérant soutient que la décision de renvoi vers son pays d'origine est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il était considéré comme demandeur d'asile en Slovénie en vertu du règlement Dublin, ladite décision prévoit sa reconduite à destination du pays dont il a la nationalité, ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible. La décision en litige n'est dès lors pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Enfin, le requérant, qui se borne à faire valoir que, après le décès de son père, ses demi-frères l'auraient torturé, envoyé en prison et menacé de mort, ne verse aucune pièce pour étayer ses allégations. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, le principe de non-refoulement prévu par l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2024 du préfet de police. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction et d'astreinte, et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bories, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2025.

Le rapporteur,

A. SEGRETAINLa présidente,

C. BORIES

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 24PA03863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03863
Date de la décision : 05/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BORIES
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : PARTOUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-05;24pa03863 ?
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