Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour.
Par un jugement n° 2320687/6-2 du 1er mars 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 4 avril et 30 août 2024, M. C... B..., représenté par Me Chauvin-Hameau-Madeira, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 du préfet de police de Paris ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte et, en tout état de cause, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Chauvin-Hameau-Madeira, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation par son conseil à la part contributive de l'Etat ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de verser cette somme à son profit au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges, en considérant qu'il n'établissait pas l'indisponibilité de son traitement médicamenteux et en remettant ainsi en cause le sens de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) alors même que celui-ci n'a jamais été produit à l'instance, ont méconnu le principe du contradictoire et ont entaché leur jugement d'une erreur de droit ;
S'agissant de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- en se fondant exclusivement sur sa condamnation pénale sans examiner les autres éléments relatifs à sa situation personnelle, le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et a entaché, pour ce motif, sa décision d'une erreur de droit ;
- sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- l'avis du collège de médecins de l'OFII du 21 janvier 2022 ne lui a pas été communiqué ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 et du 11° de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet de police ne conteste pas l'avis du collège de médecins de l'OFII du 21 janvier 2022 selon lequel son état de santé nécessite des soins dont l'interruption peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut pas bénéficier effectivement du traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
Par un courrier enregistré le 13 mai 2024, le préfet de police de Paris a produit l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration du 21 janvier 2022, sollicité par la cour le 6 mai 2024.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 30 août 2024 à 12h.
Par une décision du 18 avril 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de . . . a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D... C... B..., ressortissant équatorien né le 8 février 1964, entré en France le 1er juin 1997 selon ses déclarations, a été mis en possession le 18 novembre 2006 d'un premier titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable jusqu'au 17 novembre 2007, qui a été régulièrement renouvelé. Le 17 août 2021, il a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 juillet 2023, le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par un jugement du 1er mars 2024, dont M. C... B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". Aux termes de l'article L. 432-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à l'étranger qui cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de cette carte dont il est titulaire (...). ". Et aux termes de l'article L. 411-4 du même code : " La carte de séjour pluriannuelle a une durée de validité de quatre ans, sauf lorsqu'elle est délivrée : (...) / 11° A l'étranger mentionné à l'article L. 425-9 ; dans ce cas, sa durée est égale à celle des soins. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice d'information destinée à l'étranger de la préfecture de police du 3 août 2001 sur laquelle a été reportée les informations concernant la situation de l'intéressé, que M. C... B... a été mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour le 5 février 2001. Cette autorisation a été renouvelée jusqu'à la délivrance de son premier titre de séjour en qualité d'étranger malade le 18 décembre 2006, titre dont le requérant soutient sans être contesté qu'il a été renouvelé jusqu'au 24 janvier 2018, avant que ne lui soit délivré une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 19 septembre 2020 dont il a sollicité le renouvellement. Par un avis du 21 janvier 2022, le collège des médecins de l'OFII a estimé que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, l'Equateur, il ne pourra y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que les soins devaient être poursuivis pour une durée de vingt-quatre mois.
4. Il ressort des termes de la décision en litige que pour refuser de renouveler la carte de séjour pluriannuelle délivrée à M. C... B... en sa qualité d'étranger malade, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que, d'une part, la présence sur le territoire français de l'intéressé, qui a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 26 novembre 2020 à une peine de deux ans d'emprisonnement dont quatorze mois avec sursis pour des faits de mise de local privé à la disposition d'une personne s'y livrant à la prostitution et de proxénétisme aggravé en raison d'une pluralité de victimes commis entre le 1er février et le 2 juillet 2018, constitue une menace pour l'ordre public et, d'autre part, l'intéressé étant célibataire et sans charge de famille en France, le refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
5. Il ressort du bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé que par un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 26 novembre 2020, ainsi qu'il a déjà été dit, M. C... B... a été condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement dont quatorze mois avec sursis, avec interdiction de détenir une arme soumise à autorisation pendant cinq ans et confiscation du produit de l'infraction, pour des faits de mise de local privé à la disposition d'une personne s'y livrant à la prostitution et de proxénétisme aggravé en raison d'une pluralité de victimes commis entre le 1er février et le 2 juillet 2018. Il ressort de ce document qu'il a effectué toute sa peine à domicile sous surveillance électronique. Par une ordonnance du 10 novembre 2021, le juge d'application des peines lui a accordé une réduction supplémentaire de peine d'un mois et quinze jours pour avoir fourni des efforts sérieux de réadaptation sociale. Il ressort également des pièces du dossier que depuis 2022, il bénéficie d'un logement social situé dans un autre arrondissement de Paris que celui dans lequel était situé le logement où il habitait au moment des faits commis en 2018 qui étaient, selon ses déclarations, motivés par une importante dette locative. Il est accompagné dans son projet de réinsertion sociale en tant que personne transgenre par l'association Acceptess-T et participe bénévolement aux activités de cette association. Dans ces conditions, le risque de récidive de M. C... B... est faible. Si dans son mémoire en défense, le préfet de police invoque des faits d'exhibition sexuelle commis par l'intéressé le 6 décembre 2006 et le 1er juin 2007, ces faits anciens, qui au surplus ne fondent pas la décision en litige, ont donné lieu à des condamnations légères, soit respectivement à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 500 euros. Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à tort que le préfet de police a considéré qu'à la date de la décision attaquée, la présence en France de M. C... B... représentait une menace pour l'ordre public et qu'il lui a refusé, pour ce motif, le renouvellement de son titre de séjour.
6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Le présent arrêt implique que le préfet de police de Paris, ou tout préfet territorialement compétent, procède au réexamen de la demande de M. C... B... de renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle au titre de son état de santé, sur le fondement du 11° de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, ce qui implique qu'il sollicite l'avis du collège des médecins de l'OFII, et qu'il lui délivre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
8. La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... B... ayant été rejetée, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. C... B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement 2320687/6-2 du 1er mars 2024 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 4 juillet 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. C... B..., sur le fondement du 11° de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer dans l'attente à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à M. C... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... C... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police de Paris.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- . . . , présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- . . . , première conseillère,
- . . . , première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
La rapporteure,
Signé
... La présidente,
Signé
...
Le greffier,
Signé
...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01563