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04/02/2025 | FRANCE | N°24PA00492

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 04 février 2025, 24PA00492


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La Sarlu B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 545 PR du 23 juin 2023, publié au Journal officiel de la Polynésie française le 30 juin 2023, portant autorisation de création et d'exploitation d'une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora, à Nunue, au docteur F... A....



Par un jugement n° 2300368 du 16 janvier 2024, le tribunal administratif de la Polynésie française a an

nulé cet arrêté.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarlu B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 545 PR du 23 juin 2023, publié au Journal officiel de la Polynésie française le 30 juin 2023, portant autorisation de création et d'exploitation d'une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora, à Nunue, au docteur F... A....

Par un jugement n° 2300368 du 16 janvier 2024, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 janvier et 9 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Tang, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 janvier 2024 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de rejeter la demande de la Sarlu B... et de M. B... présentée devant le tribunal administratif de la Polynésie française ;

3°) de mettre à la charge de M. B... et de la Sarlu B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre ou, à tout le moins, ont insuffisamment motivé leurs réponses, aux moyens tirés du défaut d'intérêt à agir de la société B... et de M. B... et du caractère inapplicable du premier paragraphe de l'article 25 de la délibération du 20 octobre 1988 ;

- ils n'ont pas suffisamment précisé la notion " de desserte optimale de la population résidente ", ni celle d'" optimalité " de la satisfaction des besoins en médicaments de la population concernée par l'implantation de l'officine de pharmacie ;

- ils ont omis de répondre aux moyens tirés de ce que son projet remplissait les conditions d'ouverture au public, d'accessibilité, de disponibilité pour les gardes et de sécurité prévus par l'article 25 de la délibération du 20 octobre 1988 et que l'implantation de son officine avait eu pour effet immédiat une baisse des prix ainsi qu'une amélioration des possibilités offertes à l'ensemble de la population de la partie sud de Bora-Bora d'accéder plus facilement à une offre de soins ;

- la société B... et M. B... ne justifient pas d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 23 juin 2023 dès lors que, d'une part, M. B... ne peut pas solliciter une autorisation pour ouvrir et exploiter une seconde officine de pharmacie en vertu de l'article 26 de la délibération du 20 octobre 1988 et, d'autre part, l'ouverture de l'officine de pharmacie autorisée par l'arrêté en litige n'aura qu'un impact limité sur l'officine gérée par M. B... ; leur demande est ainsi irrecevable ;

- le premier alinéa de l'article 25 de la délibération du 20 octobre 1988 est dépourvu de portée normative du fait de l'imprécision juridique des termes de réponse " optimale " et de " quartier d'accueil " ; le président de la Polynésie française ne pouvait se fonder sur ces dispositions ; la cour doit limiter son contrôle à la question de savoir si l'implantation de la nouvelle pharmacie apporte une amélioration de la desserte en médicaments de la population installée à proximité de cette officine ;

- ces dispositions, qui fixent des conditions restrictives à l'exercice de la liberté d'entreprendre, méconnaissent, du fait de leur imprécision, l'exigence constitutionnelle de clarté de la norme, l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité et le principe de sécurité juridique ;

- elles méconnaissent la liberté d'entreprendre ;

- le premier alinéa de l'article 25 de la délibération du 20 octobre 1988 étant divisible du reste des aliénas de cet article, il ressort de ces derniers que la desserte optimale de la population concernée par l'ouverture d'une deuxième officine de pharmacie doit résulter des seules conditions d'accès permanent du public et de la mise en place d'un service de garde et d'urgence satisfaisant et, ensuite, des critères fixés par l'arrêté n° 610 CM du 9 mai 1989 ; il s'ensuit que pour apprécier l'importance de la population desservie par la nouvelle officine, la population à prendre en compte est celle du ou des secteurs dans lesquels l'officine sera implantée ; il revient à la Polynésie française d'apprécier si la nécessité de desservir la population de façon optimale implique de localiser la future officine à un emplacement déterminé ; le contrôle du juge administratif sur cette décision est un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation ; en l'absence de décision de la Polynésie française appréciant si la nécessité de desservir la population de façon optimale impose de localiser la future officine à un emplacement déterminé, cette appréciation ne peut s'effectuer qu'en prenant en considération la population résident à proximité de l'officine ;

- en vertu du principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre, il est en droit d'obtenir, dès lors qu'il remplit les conditions de diplôme et de qualification professionnelle, l'autorisation d'ouverture d'une officine de pharmacie ; les limites posées par l'article 25 de la délibération du 20 octobre 1988 à l'exercice de son activité de pharmacien outrepassent les nécessités de la préservation de l'intérêt général en matière de santé publique ;

- son projet remplit le critère " d'optimalité " en ce sens que l'ouverture de son officine a permis d'ouvrir à la concurrence un marché jusqu'alors monopolistique et de faire baisser les prix pratiqués sur les médicaments non remboursés par l'assurance maladie ainsi que sur les autres produits de soins et les équipements ; le critère de l'ouverture à la concurrence n'a pas été pris en considération alors qu'il est plus important que celui tenant au respect d'une " distance idéale " entre les deux officines, distance qui, en outre, n'est pas précisée ;

- la notion de quartier n'étant pas précisée par les textes, c'est la notion plus large de secteur ou des secteurs de la commune concernée par l'implantation de l'officine de pharmacie qui doit être retenue ; le découpage de la commune en quartier effectué par l'institut de la statistique de Polynésie française (ISPF) n'a qu'une vocation statistique et ne saurait être retenu ; il s'ensuit que le district de Nunue 3, considéré comme le quartier de desserte de l'officine à créer, est trop restrictif pour apprécier la population résidant à proximité de son officine de pharmacie ;

- eu égard aux temps de trajet entre la limite nord de la commune d'Anau et les deux officines de pharmacie, son projet permet de couvrir les besoins en médicaments de la population de la commune d'Anau qui, en vertu de la jurisprudence du Conseil d'Etat, Mme E..., doit être prise en compte ;

- son projet permet de répondre de manière optimale aux besoins en médicaments de la population touristique hébergée à la pointe Matira et dans la partie limitrophe de la commune d'Anau, laquelle est importante au vu du nombre de chambres proposées dans les établissements hôteliers et les pensions de famille ainsi que du taux de remplissage estimé à 80 % selon les dernières statistiques de l'ISPF ;

- l'article 67 de l'arrêté n°610 CM du 9 mai 1989 dispose que l'offre de soins doit être appréciée au niveau de la commune ; son projet d'officine de pharmacie, qui est situé à 4, 1 km du cabinet d'un médecin et à 3,2 km du centre médical de Bora-Bora, remplit ce critère ; en tout état de cause, sur l'île de Bora Bora, la distance maximale à parcourir entre un cabinet médical et le domicile d'un patient ne peut pas dépasser 16 km ; ce critère a perdu de son sens avec le développement de la médecine à distance et l'établissement de feuilles de soins et d'ordonnances numérisées ;

- une officine de pharmacie ne peut s'ouvrir que si elle est assurée d'équilibrer son exploitation, ce qui ne sera pas le cas à Anau.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 juillet et 19 novembre 2024, la Sarlu B... et M. B..., représentés par Me Dumas, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de déclarer illégal l'article 4 de l'arrêté n° 2645 CM du 25 novembre 2019 en ce qu'il ajoute un critère tiré de la maîtrise d'une langue polynésienne qui est une condition étrangère à la protection de la santé publique telle que visée par la délibération du 20 octobre 1988 ;

3°) de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 350 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- eu égard à la proximité de l'emplacement de l'officine de pharmacie pour laquelle M. A... a sollicité l'autorisation d'ouverture et de la pharmacie de la Sarlu B... dont M. B... est le gérant, ils justifient de leur qualité et de leur intérêt à agir contre l'arrêté du 23 juin 2023 ; leur demande présentée devant le tribunal est recevable ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;

- le projet de création d'officine pharmaceutique de M. A... ne permet pas de répondre aux besoins en médicaments de la population des secteurs d'Anau et de Faanui qui concernent plus de 5 000 habitants, soit environ la moitié de la population de l'île, ni même de la population saisonnière dès lors que la majorité des hôtels est implantée sur des motus situés en face des communes d'Anau et de Faanui ; à supposer même que la fréquentation touristique serait plus importante à Nunue, ce projet serait contraire aux intérêts de la population locale et aboutirait à privilégier les intérêts touristiques ;

- la proximité du collège-lycée de Bora Bora et le dispositif de livraison de médicaments ne peuvent être valablement pris en considération dès lors que ces critères ne sont pas prévus par la délibération du 20 octobre 1988 ;

- la bonne maîtrise d'une langue polynésienne ne peut être retenue comme un critère déterminant dès lors qu'il n'est pas prévu par le législateur et qu'il est étranger à la protection de la santé publique visée par la délibération du 20 octobre 1988 ;

- l'article 4 de l'arrêté n° 2645 CM du 25 novembre 2019 est illégal en ce qu'il ajoute un critère tiré d'une bonne maîtrise d'une langue polynésienne dès lors que le conseil des ministres n'est pas compétent pour ajouter ce critère et que les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 25 novembre 2019 sont ainsi, sur ce point, entachées d'incompétence négative ; en outre, ces dispositions portent atteinte à la liberté du commerce ;

- l'arrêté en litige est illégal en raison de l'illégalité de l'article 4 de l'arrêté n° 2645 CM du 25 novembre 2019 modifié ;

- en tout état de cause, la bonne maîtrise d'une langue polynésienne par M. A..., à la supposer établie, ne serait pas suffisante à elle seule pour pallier au défaut des autres critères à respecter comme la prise en compte de la localisation de l'officine et de l'offre de soins dans la commune ;

- M. A... n'est pas le seul à solliciter l'autorisation de création et d'exploitation d'une officine de pharmacie ; les demandes des autres pharmaciens sont systématiquement rejetées ; en tout état cause, il ne s'agit pas d'un critère pouvant être retenu ;

- les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 23 juin 2023 ont perdu tout intérêt du fait de la modification du droit applicable et de la nouvelle autorisation d'ouverture délivrée à M. A... ; en tout état de cause, cette modification conforte le bien-fondé du jugement attaqué.

Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2024, la Polynésie française, représentée par Me Jourdainne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 février 2023 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de rejeter les demandes de la Sarlu B... et de M. B... présentées devant le tribunal administratif de la Polynésie française ;

Elle soutient que :

- faute de démontrer que le projet de M. A... serait susceptible d'avoir des conséquences pour leurs propres activités, la Sarlu B... et M. B... ne justifient pas d'un intérêt à agir contre l'arrêté du 23 juin 2023 ; leur demande est irrecevable ;

- le projet de création et d'exploitation d'une officine de pharmacie doit s'apprécier au regard de l'ensemble des critères fixés par l'article 25 de la délibération du 20 octobre 1988 et l'article 67 de l'arrêté n° 610 CM du 9 mai 1989 ;

- l'article 25 de la délibération du 20 octobre 1988 ne prévoit pas que le quartier d'accueil d'un projet d'officine doit être situé dans la zone la plus peuplée de l'île de Bora Bora ;

- la commune de Nunue est la commune la plus peuplée de l'île ; sa population augmente comme l'atteste le nombre de permis de construire délivrés en 2022 et 2023 ; le projet de M. A... ne situe donc pas dans le secteur le moins peuplé de la commune de Nunue ; son projet permet de desservir les habitants de la commune d'Anau ;

- l'emplacement proposé par M. A... pour l'implantation d'une seconde officine contribue à une répartition juste et équilibrée de l'offre pharmaceutique sur l'ensemble de l'île de Bora Bora dès lors notamment qu'elle est située à bonne distance de la pharmacie actuelle (4 450 mètres), qu'elle permet de desservir le sud de l'île qui est dépourvu de toute offre pharmaceutique et de pourvoir ainsi aux besoins de la population résidente et de la population touristique ;

- le nombre des clients des cinq hôtels situés à la pointe Matira à Nunue s'élève à 153 136 au titre de 2021 et à 194 910 au titre de 2022, soit une augmentation de 27,14 % ; la durée moyenne du séjour est de 3,7 jours en 2022 ; dans ces conditions, la présence de cette population saisonnière, à laquelle doit s'ajouter les employés et les touristes fréquentant les cinquante places des établissements de la petite hôtellerie, est suffisamment stable et importante pour être prise en considération ;

- les quarante-cinq élèves de l'internat du collège-lycée de Bora Bora, résidant ainsi sur place, doivent être comptabilisés dans la population résidente du quartier d'accueil du projet d'officine de pharmacie ; la proximité de l'établissement scolaire comptant environ 1 400 personnes doit être prise en considération ;

- le projet de M. A... remplit l'ensemble des critères fixés par l'article 67 de l'arrêté n° 610 CM du 9 mai 1989 ; le tribunal n'a pas examiné ces critères ;

- afin de tenir compte des particularités insulaires polynésiennes, le projet de création de la seconde officine de pharmacie sur la commune de Bora Bora devrait être apprécié au regard de l'approvisionnement en médicaments de la population résidant au sein d'une " zone théorique d'influence ", concept proposé par l'autorité de la concurrence dans son avis n° 2017-A-03 du 6 novembre 2017 ; en l'espèce, cette zone correspondrait à une zone située au sud de Vaitape, comprenant notamment la pointe de Matira et le collège-lycée de Bora Bora, alors que l'officine de pharmacie existante ferait partie d'une seconde " zone théorique d'influence " située au nord de Vaitape, englobant le centre-ville de Vaitape ;

- le projet de création d'une officine présenté par M. A... répond de façon optimale aux besoins en médicaments de la population de la " zone théorique d'influence " située au sud de Vaitape, zone dans laquelle se situe également des praticiens médicaux, de nombreux hôtels, le collège-lycée de Bora Bora et le site touristique de l'île.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 ;

- l'arrêté n° 610 CM du 9 mai 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... et M. A..., pharmaciens, ont sollicité en août 2020 la délivrance d'une licence pour la création et l'exploitation d'une officine de pharmacie sur le territoire de la commune de Bora Bora. Leurs demandes ont été rejetées. En février 2021, ils ont réitéré leurs demandes. Par un arrêté n° 322 PR du 1er juin 2021, le président de la Polynésie française a autorisé M. A... à créer et exploiter une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora, à Nunue, sur la terre Paparoa 1. Par un arrêté du 2 juin 2021, il a rejeté la demande de Mme C.... Par un jugement n° 2100084 - 2100374 du 8 février 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté n° 322 PR du 1er juin 2021 autorisant M. A... à exploiter une officine de pharmacie à Nunue. Par un arrêt n° 22PA01853 du 20 octobre 2023, la cour a rejeté la requête de M. A... tendant à l'annulation de ce jugement. Par une décision du 11 juillet 2024, le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi en cassation de M. A....

2. Le 28 février 2022, M. A... a, à nouveau, déposé un dossier de demande de création et d'exploitation d'une officine située sur le même emplacement que dans sa précédente demande, c'est-à-dire dans la commune de Bora Bora, à Nunue, sur la terre Paparoa 1. Par un arrêté n° 488 PR du 7 juin 2022, le président de la Polynésie française a accordé l'autorisation sollicitée. Saisi par la Sarlu B... et par M. B..., d'une part, et par Mme C..., d'autre part, le tribunal administratif de la Polynésie française a, par un jugement du 28 février 2023, annulé cet arrêté. Saisie par la Polynésie française et M. A..., la cour a, par un arrêt rendu le même jour que le présent arrêt, rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce jugement.

3. Le 28 février 2023, M. A... a déposé deux dossiers de demandes d'ouverture d'une officine de pharmacie à Bora Bora, l'une située à Anau et l'autre située à Nunue, au même emplacement que dans ses précédentes demandes. Seul le projet d'implantation d'une officine de pharmacie à Nunue a été retenu par l'administration et a fait l'objet d'une autorisation par l'arrêté n° 545 PR du 23 juin 2023. Par un jugement du 16 janvier 2024, le tribunal administratif de la Polynésie française a, à la demande de la Sarlu B... et de M. B..., annulé cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes de l'article 25 de la délibération de l'assemblée de la Polynésie française du 20 octobre 1988 relative à certaines dispositions concernant l'exercice de la pharmacie, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Les créations (...) d'officines de pharmacie ouvertes au public doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. (...) ". Aux termes de l'article 26 de cette même délibération, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " (...) L'ouverture d'une nouvelle officine dans une commune de plus de 5 000 habitants où une licence a déjà été accordée peut être autorisée par voie de création à raison d'une autorisation par tranche entière supplémentaire de 5 000 habitants recensés dans la commune pour la deuxième officine et à raison d'une autorisation par tranche entière supplémentaire de 7 000 habitants pour les suivantes, à l'exception de la commune de Papeete. (...) /Il ne peut être accordé plus d'une autorisation de création d'officine au même pharmacien. / La population dont il est tenu compte est la population municipale totale, telle qu'elle est issue du dernier recensement général de la population ou, le cas échéant, des recensements complémentaires, publiés au Journal officiel de la Polynésie française. (...) ".

5. Il n'est pas contesté que selon le recensement effectué en 2017, le nombre d'habitants de la commune de Bora Bora, qui comprend trois communes associées, Nunue, Faanui et Anau, a dépassé le seuil de 10 000 habitants, permettant ainsi l'ouverture d'une seconde officine de pharmacie.

6. La société B..., qui exploite depuis juin 2004, la seule officine de pharmacie de la commune de Bora Bora, et M. B..., pharmacien et gérant de cette société, se prévalent, pour justifier de leur intérêt à agir, de la circonstance que l'activité de leur pharmacie sera impactée par l'ouverture d'une seconde pharmacie située sur le même emplacement géographique. Il ressort des pièces du dossier que les pharmacies de la société B... et de M. A... sont situées dans la commune de Nunue et qu'une distance de 4,4 km les sépare. Toutefois, selon le découpage retenu par l'Institut de la statistique de la Polynésie française et sur lequel il convient de se fonder pour identifier les " quartiers d'accueil " des officines mentionnés par les dispositions de l'article 25 de la délibération de l'assemblée de la Polynésie française du 20 octobre 1988, citées au point 4, la pharmacie de la société B... est implantée dans le secteur 143 A de Nunue et n'est donc pas située dans le même quartier d'accueil que la pharmacie de M. A..., dont l'ouverture a été autorisée par l'arrêté en litige, qui se trouve dans le secteur 143 B. En outre, il ressort des dispositions de l'article 26 de cette même délibération, citées au point 4, que M. B... ne peut pas obtenir une autorisation de création pour une seconde officine de pharmacie. Dans ces conditions, et alors que l'officine de pharmacie de la société B... perdra nécessairement sa situation de monopole avec l'ouverture d'une seconde pharmacie sur l'île de Bora Bora, de faible superficie et bordée par une route circulaire de 32 km, la société B... et M. B... sont dépourvus d'intérêt à agir pour demander l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2022 autorisant M. A... à ouvrir et exploiter une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora, à Nunue. Par suite, leur demande présentée devant le tribunal est irrecevable et c'est donc à tort que les premiers juges y ont fait droit.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... et la Polynésie française, que ces derniers sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté n° 545 PR du 23 juin 2023, portant autorisation de création et d'exploitation d'une officine de pharmacie dans la commune de Bora Bora, à Nunue, au docteur F... A....

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la Sarlu B... et à M. B... la somme qu'ils demandent au titre des frais liés à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Sarlu B... et de M. B... la somme que M. A... demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300368 du 16 janvier 2024 du tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la Sarlu B... et M. B... devant le tribunal administratif de la Polynésie française et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à la Sarlu B..., à M. D... B... et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

C. Vrignon-Villalba

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00492 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00492
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL GROUPAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;24pa00492 ?
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