Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 mars 2023 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2309591/8 du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 26 octobre 2023 et 8 novembre 2023, Mme A... C... B..., représentée par Me Alagapin-Graillot, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le tribunal n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- il a entaché sa décision d'une erreur de fait s'agissant de sa durée de séjour en France ;
- il a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :
- elles sont entachées d'une insuffisance de motivation ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- elles ont été prises en méconnaissance de son droit à être entendue ;
- elles sont entachées d'un vice de procédure, faute de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elles sont entachées d'erreurs de fait s'agissant de la durée de son séjour en France et des motifs exceptionnels, notamment professionnels, qu'elle fait valoir ;
- elles violent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaissent les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston,
- et les observations de Me Gauthier, substituant Me Alagapin-Graillot, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C... B..., ressortissante thaïlandaise née le 28 mai 1989, est entrée en France le 27 juillet 2013 selon ses déclarations. Le 28 décembre 2021, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 mars 2023, le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance du titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 3 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par Mme B..., ont suffisamment motivé leur jugement.
3. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La requérante ne peut donc utilement se prévaloir du défaut d'examen complet de sa situation, de l'erreur de fait ou de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacheraient le jugement attaqué du tribunal administratif pour en demander l'annulation pour irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, Mme B... reprend ses moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation, de la méconnaissance de son droit à être entendue, du défaut d'examen complet de sa situation et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle ne développe toutefois au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
6. A supposer établi que Mme B... réside en France de façon continue depuis le 27 juillet 2013, elle ne justifiait pas de plus de dix ans de présence en France à la date de l'arrêté en litige, soit le 27 mars 2023. Dès lors, contrairement à ce qu'elle soutient, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.
7. Il ressort des pièces du dossier que si Mme B... démontre de sa présence en France pour l'année 2013, elle ne justifie pas suffisamment, eu égard aux pièces versées aux débats, de sa présence sur le territoire pour l'année 2014, pour laquelle elle ne verse qu'un courrier de la société Numéricable du 12 janvier, une attestation de la Croix-Rouge du 21 mars faisant état de ce qu'elle est bénévole au sein de l'association, une facture du centre de santé de la Croix-Rouge à Paris faisant état de soins reçus le 12 octobre, ainsi qu'une facture de magasin, et pour l'année 2015, pour laquelle elle ne verse qu'une facture de magasin en date du 18 juillet et une facture d'hôpital pour des soins reçus le 24 juin. Si elle verse également, au titre de ces deux années plus particulièrement contestées par le tribunal administratif, diverses photographies issues de réseaux sociaux, celles-ci témoignent non pas des dates auxquelles elles ont été prises, mais seulement des dates auxquelles elles ont été postées, de sorte qu'elles ne sauraient être regardées comme justifiant de sa présence en France. Ainsi, si Mme B... justifie de sa présence sur le territoire à compter de l'année 2016, soit depuis sept ans à la date de l'arrêté contesté, cette circonstance ne saurait toutefois, à elle seule, constituer un motif exceptionnel. S'agissant de ses activités professionnelles, l'intéressée justifie d'une activité de cuisinière depuis le mois de février 2018, et non pas depuis son entrée en France en 2013 comme elle le soutient. En outre, si l'intéressée produit des documents relatifs à un emploi de cuisinière ou de commis de cuisine exercé au sein de la société " Maman Thaworn " à compter du 1er février 2018, à l'exercice de ces mêmes fonctions dans les sociétés " Papa Huad " entre mai et septembre 2018, " Japathai " de décembre 2018 à mars 2019, de nouveau au sein de la société " Maman Thaworn ", à temps partiel entre juin 2019 et mai 2020, au sein de la société " Ban Bua " entre septembre 2020 et février 2021, et enfin au sein de la société " DDH Restauration " depuis janvier 2021, certains de ces documents, notamment les bulletins de salaire, sont toutefois émaillés de contradictions s'agissant de certaines mentions, notamment celles relatives aux numéros de sécurité sociale de l'intéressée et à son ancienneté dans les postes occupés. De plus, pour les mois de janvier et février 2021, l'intéressée produit des bulletins de paie établis par les sociétés Ban Bua et DDH Restauration de sorte que, au vu des pièces du dossier, elle aurait travaillé simultanément à temps plein pour ces deux entreprises, cette circonstance étant de nature à jeter un doute sur la valeur probante des documents produits. Par ailleurs, si la requérante soutient déclarer ses revenus en France, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle n'a effectué ses déclarations de revenus que pour les années 2018 et 2019 ainsi qu'en 2021, et que les montants déclarés à l'administration fiscale pour les années 2018 et 2020 sont peu cohérents avec les montants résultant des fiches de paie produites. S'agissant de sa vie privée, Mme B..., qui est célibataire et sans enfant en France, n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans. Enfin, ainsi que le fait valoir le préfet en défense, l'intéressée ne maîtrise que mal la langue française malgré sa durée de séjour, la circonstance qu'elle ait obtenu le niveau A1.1 en Français en juin 2023, postérieurement à l'arrêté attaqué, n'étant pas de nature à justifier une intégration particulièrement forte dans la société française. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préfet de police de Paris, qui n'a pas entaché son arrêté d'erreurs de faits, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que Mme B... ne justifiait ni de considérations humanitaires, ni de circonstances exceptionnelles au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant son admission au séjour au titre du travail.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont seraient entachées les décisions attaquées doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. En premier lieu, les moyens dirigés contre les décisions portant refus de titre de séjour d'une part, et obligation de quitter le territoire d'autre part, ayant été écartés, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale, ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant comme pays de destination la Thaïlande, pays dont elle a la nationalité, le préfet de police de Paris aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme B....
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience 17 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme Bruston, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2025.
La rapporteure,
S. BRUSTONLa présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA04477 2