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22/01/2025 | FRANCE | N°23PA03078

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 22 janvier 2025, 23PA03078


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL MDH Ingenor a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.



Par un jugement n° 2012667/1-2 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et des mémoires enregis

trés les 11 juillet 2023, 8 et 27 mars 2024, la SARL MDH Ingenor, représentée par Me Guidet, demande à la Cour :



1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL MDH Ingenor a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 2012667/1-2 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 juillet 2023, 8 et 27 mars 2024, la SARL MDH Ingenor, représentée par Me Guidet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité, dès lors qu'elle a été privée de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

- elle justifie de l'existence de la dette comptabilisée au passif du compte courant d'associé " Ingenor Littoral ", qui figurait au bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2002, et qui n'a pas disparu ;

- la dette devrait être réintégrée au résultat seulement au moment de la dissolution de la filiale ;

- la dette a été apurée au bilan de clôture de l'exercice 2022 ;

- les provisions pour créances douteuses et pour dépréciation de titres réintégrées au résultat de l'exercice clos en 2012 par l'administration sont justifiées en raison de la situation nette négative des sociétés concernées et de ce qu'elles ne réalisent aucun chiffre d'affaires ;

- les bilans des filiales produits au titre de l'exercice clos en 2022 montrent la cohérence des écritures comptables et attestent de la permanence de leur situation déficitaire et de l'absence d'actif susceptible d'être revalorisé ;

- la doctrine administrative référencée BOI-BIC-DECLA-30-10-20-30 prévoit qu'après dix années écoulées depuis la clôture des livres, ceux-ci sont présumés ne plus exister.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,

- et les observations de Me Guidet, représentant la société MDH Ingenor.

Une note en délibéré a été présentée le 10 janvier 2025 par la société MDH Ingenor.

Considérant ce qui suit :

1. La société MDH Ingenor relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, ou, si son dirigeant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au vérificateur de donner au contribuable, avant l'envoi de la proposition de rectification, une information sur les redressements qu'il envisage de lui notifier.

3. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la procédure de contrôle menée à l'encontre de la société requérante, des interventions sur place ont eu lieu les 8 janvier 2015, 6 février 2015 et 27 mars 2015, Mme A..., dirigeante de l'entreprise n'ayant pas donné suite à la proposition de rendez-vous formulée par le vérificateur le 9 février 2015 pour la période du 23 février au 6 mars 2015 et ayant demandé le report au 27 mars 2015 du rendez-vous fixé par l'administration au 17 mars 2015. Alors qu'une nouvelle intervention était fixée au 15 avril 2015, Mme A... a demandé un nouveau report, l'avant-veille par courriel, demande également acceptée par le service, qui a proposé une nouvelle date d'intervention entre le 20 et le 24 avril. En l'absence de réponse de Mme A..., l'administration l'a informée par un courriel du 24 avril que le vérificateur se présenterait dans les locaux du contrôle le 30 avril. Une nouvelle réponse dilatoire ayant été envoyée par Mme A..., qui se contentait de faire référence à la fixation d'un rendez-vous futur en présence de l'ancien dirigeant de l'entreprise, l'administration a, par courriel du 27 avril envoyé à la même adresse électronique que le courriel précédent, confirmé le rendez-vous du 30 avril en laissant à Mme A... la possibilité de proposer un autre rendez-vous dans un délai rapproché. En l'absence de réponse de l'intéressée, le vérificateur s'est rendu le 30 avril au siège de l'entreprise, où il a pu constater l'absence de Mme A.... Dans ces conditions, et compte tenu de l'attitude adoptée par sa dirigeante, la société requérante ne saurait valablement soutenir avoir été privée de la garantie attachée à l'existence d'un débat oral et contradictoire.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de prendre en compte, pour la détermination de l'actif net à la clôture de l'exercice, toutes les dettes qui sont mises à la charge de la société envers des tiers si ces dettes sont, à la date de la clôture de l'exercice, certaines dans leur principe et dans leur montant. Il appartient au contribuable de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.

5. L'administration fiscale a constaté à l'ouverture de l'exercice 2012 une dette de 126 981 euros comptabilisée au passif du compte 451515 " compte courant d'associé Ingenor Littoral ". Cette écriture a été réintégrée au bilan de clôture de l'exercice 2012, premier exercice non prescrit. En se bornant à produire des écritures comptables établies par elle-même non assorties de pièces justificatives de nature à en étayer le contenu, la société requérante n'établit pas l'existence d'une dette contractée à l'égard de la société Ingenor Littoral. Elle ne l'établit pas non plus en se prévalant de ce que l'administration n'établirait pas la disparition de cette dette, en invoquant des considérations générales sur la nécessité de rembourser des dettes contractées à l'égard d'actionnaires ou à faire état de la plausibilité de la dette en cause et des difficultés à réunir des documents permettant d'attester de la réalité d'opérations anciennes. Aucun élément ne permettant de constater l'existence de la dette litigieuse à la clôture du premier exercice non prescrit, le moyen tiré de ce que cette dette ne pourrait être réintégrée au résultat de l'intéressée qu'au moment de la dissolution de sa filiale ne peut qu'être écarté. La circonstance que la dette ne figure plus au passif du bilan de la société requérante de l'exercice clos en 2022 n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de sa réintégration au bilan de clôture du premier exercice non prescrit à la date où le rehaussement a été notifié.

6. En second lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". D'une part, une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. D'autre part, pour les redressements qui portent sur des provisions, il appartient, au préalable, au contribuable de justifier, non seulement du montant des sommes correspondantes, mais de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

7. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a réintégré au résultat de l'exercice clos en 2012 des provisions pour dépréciation d'éléments d'actifs pour un montant de 373 247 euros. La société requérante soutient que ces provisions, inscrites à son bilan à la clôture de l'exercice 2002 et réévaluées par la suite, correspondent notamment, d'une part, à des créances douteuses sur des filiales à hauteur de 342 866 euros et, d'autre part, à des provisions pour dépréciation des titres de ces mêmes filiales à hauteur de 15 244 euros. Si elle fait valoir la situation nette négative des sociétés concernées et le fait qu'elles ne réalisent aucun chiffre d'affaires, elle ne produit aucun document de nature à étayer ses allégations relatives à la situation à la clôture de l'exercice 2012, un simple historique de constitution des provisions réalisé par elle-même ne pouvant être regardé comme suffisant à cet égard. Les bilans des filiales produits au titre de l'exercice clos en 2022, postérieur de dix années à l'exercice en cause, alors même qu'ils établiraient les difficultés des sociétés concernées, ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations qui précèdent.

8. En troisième lieu, la doctrine administrative référencée BOI-BIC-DECLA-30-10-20-30, qui prévoit qu'après dix années écoulées depuis la clôture des livres, ceux-ci sont présumés ne plus exister, qui ne saurait être regardée comme dispensant le contribuable d'apporter la preuve de la réalité des écritures de dettes et de provisions figurant à l'actif de son bilan, ne contient en tout état de cause aucune interprétation de la loi fiscale différente de ce qui précède invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société MDH Ingenor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société MDH Ingenor est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société MDH Ingenor et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA03078 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03078
Date de la décision : 22/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : SELARL GUIDET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-22;23pa03078 ?
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