Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le comité social et économique de la société Oger International, M. A... D..., M. B... C... et l'Union locale CGT Saint-Ouen ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 3 mai 2024 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi et du travail et des solidarités d'Ile-de-France homologuant le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Oger International.
Par un jugement n° 2407032 du 26 août 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 octobre et 9 décembre 2024, le comité social et économique de la société Oger International, M. D..., M. C... et l'Union locale CGT Saint-Ouen, représentés par Me Koskas, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement du 26 août 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du 3 mai 2024 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi et du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France homologuant le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Oger International ;
3°) de mettre à la charge de la société Oger International le versement au comité social et économique de la société Oger International, à M. D..., à M. C... et à l'Union locale CGT Saint-Ouen de la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration n'a pas examiné de manière approfondie le caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens réels de la société Oger International ; la note d'information transmise par la société dans le cadre de la procédure d'information-consultation est dénuée de toute référence aux moyens de l'entreprise ; l'administration ne pouvait se contenter des engagements financiers de l'actionnaire de la société Oger International et de la garantie de l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) ;
- l'administration ne peut légalement homologuer le document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Oger International dès lors que les mesures qu'il prévoit sont insuffisantes au regard des moyens dont dispose la société ; la société Oger International faisant l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et non de liquidation judiciaire, l'administration était tenue de prendre en considération les moyens réels de l'entreprise, appréciés au regard de ses actifs disponibles et indisponibles, notamment son important patrimoine immobilier qui, au surplus, était mobilisable et disponible à brève échéance ; aucun poste de reclassement interne n'étant proposé par la société Oger International, la mention d'une mesure d'accompagnement au reclassement interne revêt un caractère artificiel ; la société Oger International n'a pas recherché si des postes étaient disponibles au sein de l'ensemble des sociétés du groupe, en particulier au sein de la société Projexia International Maroc qui bénéficie d'une excellente situation économique ; les mesures proposées pour un reclassement externe manquent de pertinence et sont insuffisantes ; le financement de l'ensemble de ces mesures est insuffisant ; le plan de sauvegarde de l'emploi mis en œuvre en 2017 par la société Oger International comportait davantage de mesures d'accompagnement au reclassement interne ainsi que des mesures d'accompagnement au reclassement à l'étranger, et ces mesures étaient financièrement plus favorables pour les salariés ; les salariés n'ont pas pu avoir accès aux propositions de reclassement externe auprès de la société Ingerop, la société Oger International ayant suspendu leurs messageries professionnelles et n'ayant pas procédé par lettre recommandée comme cela était pourtant prévu par le plan de sauvegarde de l'emploi ; aucun reclassement interne ou externe n'a eu lieu, ce qui démontre le caractère inapproprié et insuffisant du plan de sauvegarde de l'emploi ; à la date de la décision d'homologation, aucun abondement par l'actionnaire n'était intervenu ; il est intervenu le 30 mai 2024.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2024, la ministre du travail et de l'emploi conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 20 novembre et 30 décembre 2024, la société Oger International et la Selarl BL et Associés, prise en la personne de Me Langet, administrateur judiciaire de la société Oger International, représentées par Me Le Manchec, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Union locale CGT Saint-Ouen la somme de 5 000 euros, du comité social et économique de la société Oger International la somme de 500 euros et de M. C... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de Me Baradat pour le comité social et économique de la société Oger International et autres,
- et les observations de Me Le Manchel pour la société Oger International et son administrateur judiciaire.
Trois notes en délibéré ont été présentées pour le comité social et économique de la société Oger International et autres, le 14 janvier, le 15 janvier et le 20 janvier 2025.
Deux notes en délibéré ont été présentées pour la société Oger International le 17 janvier 2025.
Considérant ce qui suit :
1. La société Oger International, dont le capital est détenu à 100% par la société AMK Capital Investment, a pour activité le conseil en ingénierie et en management de projet, principalement dans le secteur de la construction et de l'ingénierie civile. Par un jugement du 14 mars 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire de cette société et désigné la Selarl BL et Associés, prise en la personne de Me Langet, en qualité d'administrateur judiciaire. Par une décision du 3 mai 2024, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Oger International. Par une ordonnance du 22 mai 2024, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Bobigny a autorisé l'administrateur judiciaire de la société Oger International à procéder à soixante-deux licenciements pour motif économique, en application de l'article L. 631-17 du code de commerce. Le comité social et économique (CSE) de la société Oger International, l'Union locale CGT Saint-Ouen, présente au sein de l'entreprise, M. D..., en sa qualité de représentant des salariés dans la procédure de redressement judiciaire et en son nom propre, et M. C..., délégué syndical CGT de la société Oger International, agissant en son nom propre, ont saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 3 mai 2024 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France. Par un jugement du 26 août 2024, dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. / (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 1233-58 du même code : " I.-En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4./ (...) / II.-Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. / Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, [qui prévoit que l'administration vérifie le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe],sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité social et économique fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur ".
4. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise, il lui appartient, s'il est saisi de moyens tirés de ce que l'administration aurait inexactement apprécié le respect des conditions auxquelles l'homologation est subordonnée, de se prononcer lui-même sur le bien-fondé de l'appréciation portée par l'autorité administrative sur les points en débats au vu de l'ensemble des pièces versées au dossier. Il lui appartient ainsi de rechercher, au vu non de la seule motivation de la décision administrative mais de l'ensemble des pièces du dossier, si l'autorité administrative a effectivement vérifié le respect des conditions mises en cause et si elle a pu à bon droit considérer qu'elles étaient remplies, sans s'arrêter, sur ce dernier point, sur une erreur susceptible d'affecter, dans le détail de la motivation de la décision administrative, une étape intermédiaire de l'analyse faite par l'administration.
En ce qui concerne la prise en compte du patrimoine immobilier de la société Oger International :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 631-1 du code de commerce : " Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. / Cette condition s'apprécie, s'il y a lieu, pour le seul patrimoine engagé par l'activité ou les activités professionnelles. / La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30. La demande prévue au quatrième alinéa de l'article L. 626-29 peut être formée par le débiteur ou l'administrateur judiciaire ".
6. D'autre part, il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que, lorsque l'administration est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, dans le cas des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, d'une part, que l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur a recherché, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient et, d'autre part, que le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise. Pour l'application de ces dispositions, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles sur le territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir à ces postes. En outre, les moyens du groupe s'entendent de ceux, notamment financiers, dont disposent l'ensemble des entreprises placées sous le contrôle d'une même entreprise dominante et les moyens de l'entreprise de ceux, notamment financiers, dont elle dispose. Il s'ensuit que les moyens de l'entreprise qui doivent être pris en considération, en vue notamment d'abonder le plan de sauvegarde de l'emploi, doivent s'entendre des moyens qui peuvent être mobilisés immédiatement ou à bref délai.
7. Il ressort des pièces du dossier que le 19 février 2024, la société Oger International a déposé une déclaration de cessation des paiements auprès du tribunal de commerce de Bobigny. Par un jugement du 14 mars 2024, le tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société avec une période d'observation de six mois, fixé provisoirement au 19 février 2024 la date de cessation des paiements " motivée par l'annuité non réglée " et désigné un juge-commissaire et un administrateur judiciaire. Le tribunal de commerce de Bobigny a ainsi considéré que la société Oger International, qui se trouvait en état de cessation des paiements, était dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Il ressort des pièces du dossier que les mesures de formation d'adaptation et d'aide à la mobilité géographique afin de faciliter le reclassement interne des salariés au sein des entreprises du groupe situées en France, d'une part, et les mesures d'accompagnement externe des salariés, d'autre part, prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, sont financées par la société AMK Capital Investment, unique actionnaire de la société Oger International, qui s'est engagée à abonder le budget du plan de sauvegarde de l'emploi à hauteur de 200 00 euros. L'administrateur judiciaire a sollicité l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) pour la prise en charge des aides au titre des frais annexes, liés à la formation, à la création d'entreprise et à la mobilité géographique des salariés. En outre, il ressort du courrier du 15 avril 2024 adressé par la société AMK Capital Investment à l'administrateur judiciaire de la société Oger International qu'elle s'est engagée à verser " le montant correspondant au dépassement du plafond de l'AGS pour ce qui concerne les indemnités légales et conventionnelles, les charges sociales, les préavis et les primes " pour un montant maximum de 1 500 000 euros.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise sur la " valeur vénale en l'état d'un ensemble immobilier à usage de bureaux au 2ème trimestre 2024 " établi le 17 mai 2024 que la société Oger International est propriétaire d'un immeuble à Saint-Ouen dans lequel est notamment situé son siège social et dont la valeur vénale a été estimée, eu égard à l'incertitude liée à la crise immobilière actuelle et au caractère atone du marché des bureaux actuellement dans le secteur, très fortement impacté par la crise, à 20 500 000 euros. Les requérants soutiennent que cet important patrimoine immobilier aurait dû être pris en considération par la DRIEETS au titre des moyens dont dispose la société Oger International et se prévalent notamment d'un courrier du 5 mars 2024 par lequel la société AMK Capital Investment a demandé à la société Oger International de procéder à la vente de son immeuble, cette vente étant présentée comme l'une des conditions préalables à son soutien financier, avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Ils se prévalent également du rapport sur le projet d'organisation en période d'observation d'avril 2024 du cabinet Secafi selon lequel la vente de ce bien immobilier, dont la valeur a été estimée en mars 2023 à plus de 60 millions d'euros, aurait permis d'apurer le passif existant avant la déclaration de cessation de paiement, pour 8,4 millions d'euros ainsi que le passif généré durant la période d'observation, de financer le PSE (à hauteur de 6 millions d'euros) et de rembourser la dette envers les actionnaires de l'entreprise (18 millions d'euros). Toutefois, d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 6, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens dont l'entreprise dispose doivent s'entendre des moyens qui peuvent être mobilisés immédiatement ou à bref délai. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, cet immeuble, dont il n'est pas établi qu'il aurait pu être aliéné avant la résolution du plan de sauvegarde et l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire prononcées par le jugement du 14 mars 2024 du tribunal de commerce de Bobigny, aurait pu trouver rapidement un acquéreur, dans un secteur de l'immobilier en forte crise ainsi qu'il vient d'être dit, et que cet actif aurait ainsi présenté un caractère disponible à bref délai permettant d'en affecter une partie au financement de mesures du plan de sauvegarde de l'emploi à la date à laquelle celui-ci a été élaboré afin de prévoir des mesures plus favorables aux salariés. D'autre part, il n'appartenait pas à l'administration, s'agissant du choix de ne pas vendre le bien immobilier avant de procéder aux licenciements, de porter une appréciation sur ce qui relève de la gestion de l'entreprise et de l'administrateur judiciaire, sous le contrôle du juge-commissaire qui, le 22 mai 2024, a autorisé la société à procéder aux licenciements. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en ne prenant pas en considération le patrimoine immobilier de la société Oger International au titre des moyens dont elle dispose dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, la décision en litige serait entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.
En ce qui concerne l'examen des moyens de financement du plan de sauvegarde de l'emploi :
9. A la date du jugement du 14 mars 2024 du tribunal de commerce de Bobigny prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et désignant un administrateur judiciaire, la société se trouvait en état de cessation des paiements depuis le 19 février 2024 et, depuis janvier 2024, son financement était pris en charge par son actionnaire, la société AMK Capital Investment. Dans ces conditions, et alors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, son patrimoine immobilier ne pouvait être regardé comme un actif disponible à bref délai, la société Oger International n'était pas en mesure d'abonder financièrement le plan de sauvegarde de l'emploi. Elle ne disposait ainsi pas de moyens financiers que la DRIEETS, qui a procédé au contrôle de la suffisance des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des engagements financiers de l'actionnaire de la société et de la garantie de l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, aurait également dû prendre en compte après les avoir évalués. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas examiné de manière suffisamment approfondie le caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens permettant notamment de financer ces mesures doit être écarté.
En ce qui concerne l'appréciation portée par la décision d'homologation litigieuse sur le caractère suffisant des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens dont dispose l'entreprise :
10. En premier lieu, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, ainsi qu'il a déjà été dit au point 6, l'employeur doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles sur le seul territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administrateur judiciaire de la société Oger International n'était pas tenu de rechercher des postes disponibles au sein de la filiale de cette dernière, la société Projexia International Maroc, implantée au Maroc. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'administrateur judiciaire a procédé à une recherche des postes disponibles au sein de la filiale de la société Oger International située en France, c'est-à-dire la société Projexia International.
11. En second lieu, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures de formation d'adaptation et d'aide à la mobilité géographique, notamment la prise en charge des frais de déplacement entre l'ancien et le nouveau domicile du salarié pendant une période de trois mois à hauteur de 400 euros et des frais de déménagement pour un montant maximum de 1 500 euros, afin de faciliter le reclassement interne des salariés au sein de la société du groupe située en France, c'est-à-dire la société Projexia International. Si les requérants soutiennent qu'en l'absence de toute possibilité de reclassement interne, ces mesures présentent un caractère artificiel, il ressort des pièces du dossier que l'administrateur judiciaire a procédé, ainsi qu'il a déjà été dit, à une recherche des postes disponibles au sein de la société Projexia International et qu'en tout état de cause, le budget du plan de sauvegarde de l'emploi " sera mutualisé entre les différentes mesures afin de répondre au mieux aux besoins réels d'accompagnement ". S'agissant du reclassement externe des salariés, il ressort des pièces du dossier que l'administrateur judiciaire a, par des courriers en date du 5 avril 2024, procédé à une recherche des postes disponibles au sein de la fédération française du bâtiment, de la société MACC, qui était liée par un partenariat avec la société Oger International entre 2018 et 2023, et auprès de la commission paritaire nationale de l'emploi du bâtiment relevant de la convention collective appliquée par la société Oger International. Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des aides à la formation d'adaptation avec une prise en charge des frais pédagogiques à hauteur de 1 000 euros par salarié, des aides à la formation de reconversion pour un montant de 2 000 euros par salarié, des aides à la création ou à la reprise d'entreprise pour un montant de 2 000 euros par salarié ainsi que des aides pour l'accompagnement à la mobilité géographique. Enfin, la mise en place d'une cellule d'appui à la sécurisation professionnelle est prévue. Il ressort des pièces du dossier que les difficultés économiques de la société Oger International se sont accentuées depuis la fin de son partenariat avec la société MACC en 2023 et que ses pertes ont été évaluées à 7 693 466 euros pour un chiffre d'affaires de 12 329 889 euros au titre de 2023. Il ressort également des pièces du dossier que les mesures d'accompagnement au reclassement externe des salariés sont financées, ainsi qu'il a déjà été dit, par la société AMK Capital Investment, unique actionnaire de la société Oger International, qui s'est engagée à abonder le budget du plan de sauvegarde de l'emploi à hauteur de 200 00 euros ou sont prises en charge par l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS). En outre, la société AMK Capital Investment s'est engagée à verser " le montant correspondant au dépassement du plafond de l'AGS pour ce qui concerne les indemnités légales et conventionnelles, les charges sociales, les préavis et les primes " pour un montant maximum de 1 500 000 euros. Au vu de l'ensemble de ces éléments, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne pouvait légalement homologuer le document unilatéral arrêtant ce plan de sauvegarde de l'emploi au motif qu'il était insuffisant au regard des moyens de l'entreprise. Est sans incidence sur cette appréciation la circonstance que le plan de sauvegarde de l'emploi mis en œuvre en 2017 par la société Oger International aurait comporté davantage de mesures d'accompagnement au reclassement interne et que ces mesures étaient financièrement plus favorables pour les salariés, dès lors que la situation économique de la société Oger International en 2017, où elle faisait notamment l'objet d'une procédure de sauvegarde judiciaire, et celle de 2024 sont différentes. Enfin, les requérants ne peuvent utilement invoquer la circonstance que les abondements du plan de sauvegarde de l'emploi n'auraient finalement pas été versés par l'actionnaire de la société Oger International ou que ce plan n'aurait pas été entièrement exécuté, les salariés n'ayant pas pu avoir accès et répondre aux propositions de reclassement externe auprès de la société Ingerop et aucun reclassement de salarié n'ayant eu lieu, cette circonstance étant postérieure à la décision en litige dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. En tout état de cause, il ressort des relevés du compte courant de la société Oger International, présentés en appel, que la société AMK Capital Investment a versé les sommes de 1 524 049, 80 euros et 200 000 euros les 30 mai et 9 juillet 2024.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Oger International, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent le CSE de la société Oger International, M. D..., M. C... et l'Union locale CGT Saint-Ouen au titre des frais liés à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CSE de la société Oger International, de M. C... et de l'Union locale CGT Saint-Ouen Ville de Paris les sommes sollicitées par la société Oger International et la Selarl BL et Associés sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du comité social et économique de la société Oger International et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Oger International et la Selarl BL et Associés sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au comité social et économique de la société Oger International, à M. A... D..., à M. B... C..., à l'Union locale CGT Saint-Ouen, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à la société Oger International et à la Selarl BL et Associés.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.
La rapporteure,
V. Larsonnier La présidente,
C. Vrignon-Villalba
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA04389 2