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31/12/2024 | FRANCE | N°23PA03071

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 31 décembre 2024, 23PA03071


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 12 août 2022 par laquelle le maire de la commune du Mont-Dore a résilié son contrat à durée indéterminée, sans préavis ni indemnité, d'enjoindre à cette commune de le réintégrer dans son poste de travail et de condamner ladite commune à lui verser une indemnité d'éviction ainsi que 500 000 francs CFP en réparation du préjudice moral subi ou, à titre subsidiaire, de lui pay

er 71 jours de congés payés.



Par un jugement n° 2200401 du 11 mai 2023, le Tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 12 août 2022 par laquelle le maire de la commune du Mont-Dore a résilié son contrat à durée indéterminée, sans préavis ni indemnité, d'enjoindre à cette commune de le réintégrer dans son poste de travail et de condamner ladite commune à lui verser une indemnité d'éviction ainsi que 500 000 francs CFP en réparation du préjudice moral subi ou, à titre subsidiaire, de lui payer 71 jours de congés payés.

Par un jugement n° 2200401 du 11 mai 2023, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 juillet 2023, le 10 octobre 2023 et le 16 avril 2024 M. A..., représenté par la société d'avocats Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200401 du 11 mai 2023 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler la décision du 12 août 2022 par laquelle le maire de la commune du Mont-Dore a résilié son contrat à durée indéterminée, sans préavis ni indemnité ;

3°) d'enjoindre à la commune du Mont-Dore de le réintégrer dans son poste de travail ;

4°) de condamner la commune du Mont-Dore à lui verser une indemnité d'éviction ;

5°) de condamner la commune du Mont-Dore à lui verser une somme de 500 000 francs CFP en réparation du préjudice moral subi ;

6°) à titre subsidiaire, de condamner la commune du Mont-Dore à lui payer 71 jours de congés payés ;

7°) de mettre à la charge de la commune du Mont-Dore le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'est pas revêtu des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché de partialité, le Tribunal ayant rejeté ses conclusions subsidiaires relatives aux congés payés avant de se prononcer sur ses conclusions principales ;

- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de ce qu'il avait agi de bonne foi ;

- la décision de résiliation de son contrat a été prise par un auteur incompétent ;

- il n'a pas commis de faute de nature à justifier la sanction de résiliation de son contrat ;

- il se trouvait en situation de lanceur d'alerte faisant obstacle à cette résiliation ;

- en tout état de cause la sanction prononcée est disproportionnée au regard des faits reprochés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 et 12 janvier 2024, la commune du Mont-Dore, représentée par Me Briant, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 12 000 euros soit mis à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge de l'excès de pouvoir est incompétent pour statuer sur une demande de réintégration et sur une demande indemnitaire et les conclusions formées à ce titre sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;

- la délibération n° 182 du 4 novembre 2021 prise en application du titre IV de la loi du pays n° 2021-4 du 12 mai 2021 relative à la fonction publique de Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cadet pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent contractuel depuis 2016 de la commune du Mont-Dore en qualité de chargé d'études, en dernier lieu en qualité d'agent de droit public à la suite de l'intervention de la délibération n° 182 du 4 novembre 2021 prise en application du titre IV de la loi du pays n° 2021-4 du 12 mai 2021 relative à la fonction publique de Nouvelle-Calédonie, a été nommé régisseur par intérim par un arrêté du maire de la commune du Mont-Dore du 22 juillet 2021. Par lettre du 1er avril 2022, M. A... a dénoncé auprès du procureur de la République de Nouméa les détournements de fonds de son prédécesseur à la régie. Par une décision du 12 août 2022, le maire de la commune du Mont-Dore a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de résiliation de son contrat, sans préavis ni indemnité. M. A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de la commune à indemniser le préjudice moral subi.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il résulte de la combinaison des articles R. 741-7, R. 751-2 et R. 751-4-1 du code de justice administrative que seule la minute du jugement doit comporter la signature manuscrite du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier, et que sont notifiées aux parties des expéditions qui ne mentionnent que les noms et fonctions des trois signataires. Il suit de là que la circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée au requérant ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement, dont il ressort des pièces du dossier que la minute est revêtue des signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes du jugement, notamment de ses points 8 et 9, que le Tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments avancés au soutien d'un moyen, a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que M. A... avait agi de bonne foi dans les dénonciations qu'il a adressées au procureur de la République, à une association et à un organe de presse.

4. En troisième, lieu il ressort des pièces du dossier que M. A... ayant soulevé, au soutien de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision attaquée du 12 août 2022, le moyen tiré de ce qu'elle était entachée d'un vice de procédure faute pour la commune de l'avoir préalablement indemnisé pour des jours de congés payés non pris, le Tribunal n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité en ayant écarté ce moyen avant de statuer sur les moyens de sa demande relatifs à la légalité interne de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 12 août 2022 :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

5. Le requérant reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.

6. Aux termes de l'article 100 de la délibération du 4 novembre 2021 prise en application du IV de la loi du pays n° 2021-4 du 12 mai 2021 relative à la fonction publique de Nouvelle-Calédonie : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : 1° l'avertissement ; 2° le blâme ; 3° l'exclusion temporaire des fonctions, avec retenue sur rémunération, pour une durée maximale de six mois ; 4° la mutation disciplinaire ; 5° le cas échéant, l'abaissement d'échelon ; 6° la résiliation de l'acte engagement ; 7° la résiliation de l'acte engagement sans préavis, ni indemnité. " L'article 14 de la même délibération dispose que : " A la fin de son acte engagement ou en cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, l'agent contractuel qui, du fait de son employeur, n'a pu bénéficier de la totalité de ses congés annuels a droit à une indemnité compensatrice ".

7. Aux termes de l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, rendu applicable en Nouvelle-Calédonie par l'article 167 de cette même loi : " Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. "

8. Enfin, l'article 40 du code de procédure pénale dispose que : " (...)Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. "

9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des motifs énoncés dans la décision attaquée du 12 août 2022, que la sanction prononcée à l'égard de M. A... n'a pas pour motif le fait qu'il ait, comme lui en fait obligation de l'article 40 du code de procédure pénale, dénoncé les détournements de fonds public dont s'est rendu coupable son prédécesseur à la régie, mais le fait qu'il a, par un courrier du 29 mai 2022, informé l'association B... de ce que les instances municipales avaient délibérément omis d'engager une procédure disciplinaire et de saisir le procureur de la République à raison du détournement des fonds de la régie constaté en juillet 2021, et le fait qu'il a également dénoncé ce même comportement de la municipalité à un organe de presse locale.

11. Il ressort de ces mêmes pièces qu'en réponse au courrier de signalement adressé par M. A... le 1er avril 2022, le procureur de la République de Nouméa a informé celui-ci, par un courrier du 14 avril 2022, de ce qu'une procédure pénale était engagée à l'encontre du précédent régisseur du chef d'abus de confiance au préjudice de la commune du Mont-Dore. Il est également constant que le précédent régisseur auteur des détournements de fonds a présenté sa démission le 15 août 2021, un mois après la découverte de ses agissements. Si M. A... soutient qu'à la suite d'un conflit l'opposant à la commune sur son contrat de travail, qu'il a porté devant le tribunal du travail alors compétent, il n'avait pas été informé par la commune de l'engagement de poursuites pénales contre son prédécesseur ni de la démission de celui-ci, une telle circonstance, à la supposer établie, est en tout état de cause sans incidence sur le caractère de mauvaise foi de sa dénonciation, auprès de l'association B... ainsi qu'auprès d'un organe de presse, d'une supposée carence délibérée de la commune à faire sanctionner ce détournement de fonds, compte tenu des informations reçues précédemment du procureur de la République. La circonstance que M. A... n'a pas été entendu comme témoin dans cette instance pénale, tout comme le fait que la commune du Mont-Dore n'a pas engagé de procédure disciplinaire avant que n'intervînt la démission de l'auteur des faits sont, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur le caractère fautif de sa dénonciation, de mauvaise foi, du comportement des autorités communales.

12. Dans ces circonstances, M. A... n'est pas fondé à revendiquer la protection due aux agents en situation de lanceur d'alerte au sens des articles 6 à 16 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, ni à soutenir qu'il n'a commis aucune faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

13. Il ressort ensuite des pièces du dossier qu'au vu des éléments que lui avait transmis M. A... l'association B..., par un courrier du 27 mai 2022, a saisi la Haute autorité pour la transparence de la vie publique en dénonçant une violation par le maire et les agents de la commune du Mont-Dore de l'article 40 du code de procédure pénale, ainsi que des infractions pénales commises par ces mêmes agents, destinées à faire échec à l'application de la loi. Compte tenu de la gravité de ces faits non établis, et de leur retentissement sur l'image et le fonctionnement des services de la commune, alors même que M. A... n'a fait l'objet d'aucune précédente sanction disciplinaire il n'est pas plus fondé en appel qu'en première instance à soutenir que la sanction de résiliation de son acte d'engagement sans préavis ni indemnité serait disproportionnée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le maire de la commune du Mont-Dore, faisant application du 7°de l'article 100 de la délibération du 4 novembre 2021 prise en application du IV de la loi du pays n° 2021-4 du 12 mai 2021, a prononcé à son égard la sanction disciplinaire de résiliation de son acte d'engagement, sans préavis ni indemnité. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation de la commune à lui verser une indemnité d'éviction ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

15. Il résulte par ailleurs des termes précités de l'article 14 de la délibération du 4 novembre 2021 que M. A... n'est pas fondé à demander que la commune du Mont-Dore soit condamnée à lui verser une indemnité correspondant à 71 jours de congés payés.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune du Mont-Dore qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros à verser à la commune du Mont-Dore sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. C... A... versera à la commune du Mont-Dore une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la commune du Mont-Dore.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Laforêt, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

L. CHANALa République mande et ordonne au ministre chargé des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA03071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03071
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY- POUPOT - VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-31;23pa03071 ?
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