Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a été regardée comme demandant au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 23 novembre 2020 transmise par le service d'information aux agents et par laquelle il lui a été refusé l'octroi de la prime spéciale d'installation, d'une part, et de mettre à la charge de l'Etat une astreinte de 100 euros par jour de retard ainsi qu'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part.
Par un jugement n° 2106294 du 21 avril 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 23 novembre 2020 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du 21 avril 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que le motif d'annulation retenu par le tribunal n'est pas fondé.
La requête a été communiquée à Mme B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 89-259 du 24 avril 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Admise au concours de recrutement d'agent administratif principal des finances publiques de 2ème classe, Mme B... a été affectée en qualité de fonctionnaire stagiaire à la trésorerie municipale de Lyon à compter du 11 juin 2018. Etant également lauréate du concours d'inspecteur des finances publiques, elle a intégré l'Ecole nationale des finances publiques à Clermont-Ferrand du 1er septembre 2018 au 30 avril 2019, avant d'être affectée en stage à la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis à compter du 1er mai 2019 puis d'y être titularisée le 1er septembre 2019. Par une décision du 13 décembre 2019, révélée par un message adressé le même jour à Mme B... via la plateforme informatique dénommée " service d'information des agents " (SIA) et exploitée par la direction générale des finances publiques, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a rejeté la demande de l'intéressée tendant à bénéficier de la prime spéciale d'installation prévue par le décret n° 89-259 du 24 avril 1989 au motif que son intégration dans le corps des inspecteurs des finances publiques ne constitue pas un accès à un premier emploi d'une administration de l'Etat dès lors qu'elle n'a pas préalablement démissionné de son emploi d'agent administratif principal des finances publiques de 2ème classe stagiaire. Par une décision du 23 novembre 2020, également révélée par un message du même jour via le SIA, le même ministre a rejeté le recours gracieux de Mme B... dirigé contre la décision du 13 décembre 2019. Par ailleurs, par une décision du 11 mars 2021, révélée par un courriel du même jour, le même ministre a rejeté le recours " hiérarchique " de Mme B... dirigé contre la décision du 23 novembre 2020. Après avoir considéré que l'intéressée demandait l'annulation de la décision du 23 novembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil, par un jugement du 21 avril 2023, a prononcé l'annulation de cette décision et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant au prononcé d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique fait appel de ce jugement en tant que le tribunal a annulé la décision du 23 novembre 2020.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 de ce code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
3. Aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables / Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci est applicable aux relations entre l'administration et ses agents ". Aux termes de l'article L. 411-2 de ce code : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai / (...) ". Aux termes de l'article L. 411-7 du même code : " (...) le silence gardé pendant plus de deux mois sur un recours administratif par l'autorité compétente vaut décision de rejet ". Aux termes de l'article L. 112-3 du même code : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception / (...) ". Aux termes de l'article R. 112-5 du même code : " L'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 comporte les mentions suivantes : / 1° La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée / (...) / Il indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision (...) ".
4. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
5. La présentation, dans le délai imparti pour introduire un recours contentieux contre une décision administrative, d'un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, contre cette décision a pour effet d'interrompre ce délai. Il en va notamment ainsi lorsque, faute de respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, le délai dont dispose le destinataire de la décision pour exercer le recours juridictionnel est le délai découlant de la règle énoncée au point 4. Lorsque le recours administratif fait l'objet d'une décision explicite de rejet, un nouveau délai de recours commence à courir à compter de la date de notification de cette décision. Si la notification de la décision de rejet du recours administratif n'est pas elle-même assortie d'une information sur les voies et délais de recours, l'intéressé dispose de nouveau, à compter de cette notification, du délai découlant de la règle énoncée au point 4 pour saisir le juge. En cas de silence gardé par l'administration sur le recours administratif, le délai de recours contentieux de droit commun contre la décision administrative contestée recommence à courir dès la naissance d'une décision implicite de rejet du recours administratif lorsque l'autorité administrative a accusé réception de ce dernier recours et que l'accusé de réception comporte les indications prévues à l'article R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration. A défaut, l'intéressé dispose, pour introduire son recours contentieux contre la décision administrative qu'il conteste, à compter du jour où il a eu connaissance de la décision implicite de rejet de son recours administratif, du délai raisonnable découlant de la règle énoncée au point 4.
6. Aux termes du I de l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ". Aux termes de l'article 6 de cette ordonnance : " Le présent titre s'applique aux administrations de l'Etat, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs ainsi qu'aux organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ". Aux termes de l'article 7 de la même ordonnance : " (...) / les délais à l'issue desquels une décision (...) de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut (...) intervenir (...) implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er / (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 13 décembre 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a rejeté la demande de Mme B... tendant à bénéficier de la prime spéciale d'installation prévue par le décret n° 89-259 du 24 avril 1989 au motif que son intégration dans le corps des inspecteurs des finances publiques ne constitue pas un accès à un premier emploi d'une administration de l'Etat dès lors qu'elle n'a pas préalablement démissionné de son emploi d'agent administratif principal des finances publiques de 2ème classe stagiaire. Dès lors que la notification de la décision du 13 décembre 2019 n'est pas assortie d'une information sur les voies et délais de recours, il résulte de la règle énoncée au point 4 que Mme B... ne peut exercer de recours juridictionnel contre cette décision au-delà d'un délai raisonnable, qui est en l'espèce d'un an, soit jusqu'au 27 janvier 2021, l'intéressée devant être regardée comme ayant eu connaissance de la décision du 13 décembre 2019 le 27 janvier 2020, date de son recours gracieux dirigé contre cette décision. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 3 et 6, et alors même que, par des messages des 4 mars 2020, 5 mars 2020, 13 mai 2020 et 26 juin 2020, le SIA a indiqué à l'intéressée que son dossier était en cours d'instruction, que le délai de deux mois à l'issue duquel le silence du ministre sur ce recours gracieux vaut décision implicite de rejet a été suspendu le 12 mars 2020, alors qu'il courait depuis un mois et seize jours, avant de reprendre pour la durée restante, à compter du 24 juin 2020, de sorte qu'une décision implicite de rejet du recours gracieux est née le 7 juillet 2020. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait été informée sur les voies et délais de recours, l'intéressée disposait d'un nouveau délai d'un an, pour introduire son recours contentieux contre la décision du 19 décembre 2019, à compter du jour où elle a eu connaissance de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu'une décision expresse de rejet du recours gracieux est intervenue le 23 novembre 2020, laquelle s'est substituée à la décision implicite de rejet du 7 juillet 2020, qu'elle comporte la mention exacte des voies et délais de recours et qu'elle doit être regardée comme ayant été notifiée à Mme B... au plus tard le 11 janvier 2021, date de son recours " hiérarchique " contre la décision du 23 novembre 2020, de sorte que l'intéressée avait jusqu'au 12 mars 2021 pour demander au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de la décision du 13 décembre 2019 ainsi que celle de la décision du 23 novembre 2020 prise sur recours gracieux. Or, comme l'a fait valoir à bon droit le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en première instance, Mme B... n'était pas recevable à contester ces décisions en raison de la tardiveté de sa demande qui n'a été présentée devant le Tribunal administratif de Montreuil que le 10 mai 2021.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les moyens soulevés en première instance par Mme B..., que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 23 novembre 2020 par laquelle le ministre a rejeté la demande de Mme B... tendant à bénéficier de la prime spéciale d'installation.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2106294 du Tribunal administratif de Montreuil du 21 avril 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02664