La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/12/2024 | FRANCE | N°21PA05211

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 31 décembre 2024, 21PA05211


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société ETF a demandé au tribunal administratif de Paris, sauf à ordonner une expertise avant dire-droit, d'établir le décompte général et définitif du marché de travaux ayant pour objet la réalisation des études et des travaux de signalisation et de télécommunication d'un tronçon de ligne ferroviaire reliant Oloron-Sainte-Marie à Bedous, notifié le 5 décembre 2014, et de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 2 741 024,95 euros hors taxes (HT), soit 3 1

59 318 euros toutes taxes comprises (TTC), au titre du solde du marché, en assortissant cette ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ETF a demandé au tribunal administratif de Paris, sauf à ordonner une expertise avant dire-droit, d'établir le décompte général et définitif du marché de travaux ayant pour objet la réalisation des études et des travaux de signalisation et de télécommunication d'un tronçon de ligne ferroviaire reliant Oloron-Sainte-Marie à Bedous, notifié le 5 décembre 2014, et de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 2 741 024,95 euros hors taxes (HT), soit 3 159 318 euros toutes taxes comprises (TTC), au titre du solde du marché, en assortissant cette condamnation des intérêts moratoires.

SNCF Réseau a demandé au tribunal administratif, à titre reconventionnel, de condamner la société ETF à lui verser la somme de 142 505,62 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter du 27 juillet 2018 et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1911920 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a fixé le solde du marché à la somme de 139 325,62 euros HT en faveur de SNCF Réseau et a condamné la société ETF à lui verser cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2018, eux-mêmes capitalisés à compter du 27 juillet 2019.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 septembre 2021 et 20 octobre 2022, la société ETF, représentée par Me Mokhtar, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'ordonner, avant dire-droit, une expertise sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;

3°) d'établir le décompte général du marché et de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme totale de 2 741 024,95 HT, augmentée des intérêts moratoires à compter du 29 août 2018 ;

4°) de mettre à la charge de SNCF Réseau la somme de 25 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, faute d'exposer les motifs pour lesquels il rejette sa demande d'expertise ;

- son mémoire de réclamation satisfait aux exigences de l'article 13.35 du cahier des clauses et conditions générales (CCCG) applicables au marché de travaux litigieux et SNCF Réseau ne peut lui opposer une fin de non-recevoir tirée de son insuffisante motivation dès lors qu'elle y a répondu sur le fond ;

- ses demandes financières figuraient intégralement dans le projet de décompte final adressé le 29 juillet 2016, tel que complété par le projet de décompte final additionnel du 29 juin 2018 établi à la demande de SNCF Réseau, et ne sont dès lors pas nouvelles ;

- s'agissant de la réclamation portant sur les surcoûts liés à la rédaction d'une note d'organisation générale, elle s'est bornée à corriger l'erreur matérielle entachant la somme des trois postes de préjudice ;

- s'agissant d'un marché à prix unitaires, sa demande au titre des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés est recevable et fondée à hauteur de la somme de 661 224 euros HT pour les prix nouveaux provisoires 1 à 24 résultant de travaux ordonnés par ordres de service (OS), sur lesquels elle a émis des réserves, et à hauteur de la somme de 366 947 euros HT pour les prix nouveaux provisoires 25 à 75 correspondant à des travaux demandés par ordre de service et indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art ;

- elle a subi un préjudice financier résultant, d'une part, du décalage de la date de commencement des travaux et, d'autre part, des modifications apportées à la conception des ouvrages en cours de chantier, qui ont désorganisé ce dernier et en ont augmenté la durée ;

- la réalisation de travaux supplémentaires lui a causé un préjudice financier dès lors qu'ils ont conduit à un accroissement de la masse initiale des travaux de l'ordre de 26 % ;

- les modifications apportées par SNCF Réseau au calendrier de réalisation des travaux et aux ouvrages ont également nécessité la mobilisation de plusieurs ateliers de travaux, chefs de chantier et personnel d'encadrement supplémentaires ; ces modifications ont par ailleurs généré un manque à gagner, des surcoûts de frais de chantier, de sous-traitance imprévue, de réaffectation de personnel, outre des frais de rédaction d'une note d'organisation générale et d'établissement d'un mémoire en réclamation, des coûts liés au changement de moteur du passage à niveau 34, des frais financiers sur les surcoûts avancés, le décalage de la perception des frais généraux, la marge non réalisée et des retards dans le règlement des acomptes ;

- la demande au titre des pénalités de retard, d'un montant en définitive de 227 000 euros, n'est pas fondée dans la mesure où ce retard est résiduel et où, en tout état de cause, la date d'achèvement des travaux aurait dû être repoussée du fait du maître d'ouvrage et ne pouvait faire l'objet de deux dates distinctes pour les deux lots ;

- les réfactions opérées par SNCF Réseau portent sur des prestations ou travaux mis en régie sans respecter la procédure prévue par les stipulations des articles 80 et 81 du CCCG Travaux ;

- elles ne sont pas fondées en ce qu'elles portent sur du matériel qui n'a pas été fourni par SNCF Réseau ou, en tout état de cause, lui a été restitué ;

- elle est fondée à être indemnisée du retard de règlement de certaines situations de travaux ;

- les sommes mises à la charge de SNCF Réseau devront porter intérêts moratoires calculés à compter de l'expiration d'un délai de 60 jours mentionné à l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières suivant la notification du projet de décompte final, soit le 29 juin 2018 ;

- elle a formulé des réserves sur les ordres de service 6101 et 6106.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 juillet et 18 novembre 2022, SNCF Réseau, représentée par Me Memlouk, demande à la Cour de rejeter la requête de la société ETF et de mettre à la charge de cette dernière la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de l'appelante est forclose, dans la mesure où son mémoire en réclamation ne respecte pas les stipulations de l'article 13.35 du CCCG applicables au marché public litigieux ;

- elle est également en partie irrecevable dans la mesure où des montants mentionnés dans le mémoire en réclamation ne figuraient pas dans le projet de décompte final et où d'autres montants, figurant dans la demande présentée en première instance, n'étaient pas mentionnés dans le mémoire en réclamation ;

- la demande présentée au titre des retards de règlement des acomptes, accueillie par le tribunal administratif, est dépourvue de portée ;

- en tout état de cause, les demandes sont infondées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 ;

- l'ordonnance n° 2015-855 du 15 juillet 2015 ;

- le cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux passés par Réseau ferré de France (RFF) ou la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), dans son édition du 24 octobre 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de Me Bajn, pour la société ETF,

- et les observations de Me Lucas, pour SNCF Réseau.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'année 2014, Réseau Ferré de France, aux droits duquel a succédé l'établissement public puis la société SNCF Réseau, a confié à la société Systra un mandat de maîtrise d'ouvrage déléguée pour la passation d'un marché de travaux ayant pour objet la réalisation des études et des travaux de signalisation et de télécommunication sur un tronçon de ligne ferroviaire reliant Oloron-Sainte-Marie à Bedous, dit " marché n° 6 ". Les lots 1 et 2 du marché, " ligne Oloron-Sainte-Marie à Bedous " et " gare d'Oloron-Sainte-Marie ", ont été attribués à la société ETF pour un montant total estimé à 3 981 989,26 euros HT selon la notification de la commande en date du 5 décembre 2014. Alors que ces travaux devaient initialement débuter le 30 octobre 2014 et être achevés le 15 janvier 2016, la société SNCF Réseau a en définitive notifié à la société ETF, par ordre de service (OS) n° 6106 du 18 janvier 2016, sa décision de réviser les échéances et de proroger les délais d'exécution, au 30 avril 2016 pour le lot 1 et au 25 mars 2016 pour le lot 2. La réception des travaux a eu lieu, avec réserves, le 11 mai 2016. Celles-ci ont été levées le 1er septembre suivant.

2. Par lettre du 29 juillet 2016 reçue le 2 août suivant, la société ETF a transmis à la société Systra, maître d'ouvrage délégué, son projet de décompte final (PDF) arrêté à la somme de 6 065 185,26 euros HT, intégrant une demande de rémunération complémentaire d'un montant total de 2 086 593,78 euros HT pour les deux lots, soit 868 823,78 euros au titre de travaux restant à facturer, dont 716 750,66 euros du fait de prix nouveaux, et 1 217 770 euros pour l'indemnisation de divers préjudices financiers qu'elle estimait avoir subis. Le 29 juin 2018, elle a établi un " mémoire complémentaire au projet de décompte final " par lequel elle a sollicité la rémunération de la somme de 2 847 669,07 euros HT, soit 3 417 292,89 euros TTC, pour solde de tout compte au titre du marché, en sa faveur.

3. Par ordre de service n° 6113 du 25 juillet 2018 reçu le 27 juillet suivant, la société Systra a notifié à la société ETF le décompte général (DG) pour un montant de 3 761 096,18 euros HT, faisant apparaître un solde créditeur au bénéfice de SNCF Réseau de 260 410,64 HT, soit 263 092,77 euros TTC.

4. Par courrier du 5 septembre 2018, la société ETF a adressé à SNCF Réseau un mémoire en réclamation dans lequel, tout en déclarant " réitérer l'ensemble des demandes formulées lors de la présentation du décompte général adressé le 29 juillet 2016 ", elle a sollicité, pour solde de tout compte, le paiement de la somme réclamée le 29 juin 2018. Par courrier du 5 mars 2019, la société Systra lui a répondu que le solde du décompte s'élevait, après octroi d'une rémunération complémentaire de 103 822,63 euros HT, à la somme de 3 844 918,81 euros HT, hors pénalités de 227 000 euros, soit un solde de 3 617 918,81 HT, correspondant, compte tenu des acomptes réglés à hauteur de 3 774 506,82 euros HT, à un trop-perçu par la société ETF de 142 505,62 euros TTC.

5. A la suite de ce courrier, la société ETF a demandé au tribunal administratif de Paris, après avoir ordonné le cas échéant et avant dire-droit une expertise, d'établir le décompte général du marché, de fixer le solde dû et de condamner SNCF Réseau à lui verser les sommes de 1 128 171 euros HT au titre des travaux supplémentaires, de 1 504 594 euros HT en réparation des préjudices subis dans l'exécution du marché, de 447 516 euros HT au titre des réfactions opérées et de 247 000 euros HT au titre des pénalités de retard appliquées, les sommes versées portant intérêts moratoires à compter de la transmission du mémoire en réclamation. SNCF Réseau a demandé au tribunal, à titre reconventionnel, de condamner la société ETF à lui verser la somme de 142 505,62 euros TTC portant intérêts moratoires à compter du 27 juillet 2018, avec capitalisation.

6. Par un jugement du 22 juillet 2021 dont la société ETF relève appel, le tribunal, après avoir fixé le solde du marché à la somme de 139 325,62 euros HT en faveur de SNCF Réseau, a condamné la société ETF à verser à cette dernière la somme de 139 325,62 euros HT, cette somme portant intérêts au taux légal à compter 27 juillet 2018, avec capitalisation.

Sur la régularité du jugement :

7. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...) ".

8. Le tribunal a motivé le rejet des demandes indemnitaires et pécuniaires de la société ETF en des termes impliquant, implicitement mais nécessairement, qu'il estimait inutile d'ordonner l'expertise sollicitée à cet égard. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision des premiers juges serait sur ce point entachée d'irrégularité.

Sur les fins de non-recevoir opposées par SNCF Réseau à la demande de première instance :

En ce qui concerne les stipulations des articles 13.31 et 13.32 du CCCG Travaux :

9. Aux termes de l'article 13.31 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux (CCCG Travaux) passés par Réseau Ferré de France (RFF) ou par la Société Nationale des Chemins de Fer Français (SNCF), du 24 octobre 2001, auquel renvoie l'article 2.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Dans les quarante-cinq jours suivant la date d'établissement du procès-verbal de réception des travaux, l'entrepreneur dresse et remet au maître d'œuvre le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché ". L'article 13.32 poursuit : " Sous peine de forclusion l'entrepreneur joint au projet de décompte final toutes les réserves antérieurement formulées. L'entrepreneur est lié par les indications figurant dans un projet de décompte final, sauf sur le montant définitif des intérêts moratoires de paiement (...) ".

10. Il en résulte que le projet de décompte final dont le constructeur saisit le maître d'œuvre après réception des travaux a vocation à retracer l'ensemble des sommes auxquelles peut prétendre l'entrepreneur du fait de l'exécution du marché, afin de permettre à ce dernier, s'il le souhaite, de rectifier ce projet dans le cadre de l'établissement du décompte général.

11. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une réunion tenue en avril 2018 entre la société ETF, d'une part, et SNCF Réseau et la société Systra, maître d'ouvrage délégué, de l'autre, il a été proposé à la société ETF d'apporter les éléments propres à justifier les demandes exposées dans son projet de décompte final. Il ne peut lui être fait grief d'avoir, le 27 juin 2018, par son " mémoire complémentaire au projet de décompte final du 28 juillet 2016 et sur le rapport d'analyse Systra du 5 avril 2018 ", contesté pour la première fois les réfactions de prix et pénalités de retard envisagées par la maîtrise d'ouvrage, dont elle avait eu connaissance à cette occasion. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que la révision des demandes qu'elle avait présentées dans son projet de décompte final aurait répondu à une sollicitation de la maîtrise d'ouvrage. Par ailleurs, si, dans son courrier du 5 mars 2019, la société Systra a fait droit à certaines des réclamations contenues dans le mémoire de réclamation du 5 septembre 2018 reprenant le document du 27 juin 2018, elle a pour autant expressément rappelé que seules les réclamations formulées dans le projet de décompte final avaient pu être prises en compte, dans la limite des montants alors présentés. La société ETF ne peut ainsi être regardée comme ayant été autorisée par son cocontractant à majorer les demandes présentées le 29 juillet 2016. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a accueilli la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de ses demandes en tant qu'elles excédaient celles figurant dans son projet de décompte final, tant en ce qui concerne les travaux pour lesquels elle sollicitait des prix nouveaux, pour un montant porté de 719 750,66 à 1 028 171 euros et incluant pour la première fois un prix nouveau n° 75, qu'en ce qui concerne l'indemnisation de différents préjudices, portée de 1 217 770 à 1 504 595 euros et incluant de nouveaux préjudices tels que la sous-couverture des frais généraux, les frais financiers liés aux surcoûts avancés et au décalage de la perception des frais généraux, le manque à gagner du fait de la marge non réalisée et les frais de constitution du mémoire complémentaire.

En ce qui concerne les stipulations de l'article 13.35 du CCCG Travaux :

12. Aux termes de l'article 13.35 du CCCG applicable aux marchés de travaux de la SNCF : " L'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour signer et renvoyer au maître d'œuvre (le) décompte général, sans ou avec réserves. / Si la signature est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / Si la signature est donnée avec réserve, l'entrepreneur doit motiver ces réserves dans un mémoire de réclamation joint au renvoi du décompte qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires, en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et n'ayant pas fait l'objet de paiement définitif. Le règlement du différend intervient alors selon les modalités indiquées à l'article 85. Dans le cas où les réserves n'affectent qu'une partie du décompte, l'entrepreneur est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte sur lesquels ces réserves ne portent pas. Le décompte général devient définitif lorsque l'ensemble des réclamations a été traité ".

13. D'une part, il résulte de l'instruction qu'en réponse au mémoire de réclamation adressé au maître d'œuvre le 5 septembre 2018, la société Systra, agissant pour le compte de SNCF Réseau, dans un courrier du 5 mars 2019, a opposé l'irrecevabilité de certains chefs de réclamation contenus dans ce mémoire en se prévalant uniquement de la forclusion prévue par les stipulations de l'article 13.32 du CCCG Travaux, relatif au projet de décompte final. Elle ne s'est en revanche pas prévalue de la forclusion stipulée à l'article 13.35 du même cahier et a répondu à l'entrepreneur, au fond, en lui accordant un montant complémentaire de 103 822,63 euros HT au titre des travaux supplémentaires, à titre d'indemnisation de frais et par diminution de la somme réclamée au titre des pénalités, portant le montant du décompte général à la somme de 3 844 918,81 euros HT hors pénalités. Le maître d'ouvrage doit ainsi être regardé comme ayant renoncé, au profit de la société ETF, qui est réputée l'avoir accepté, à l'application de la clause de l'article 13.35 précité. Par suite, compte tenu du principe de loyauté des relations contractuelles, SNCF Réseau ne peut plus, devant le juge du contrat, invoquer à son profit la méconnaissance de ces stipulations pour soutenir que le mémoire adressé par la société ETF le 5 septembre 2018 n'était pas un mémoire de réclamation au sens de l'article 13.35 du CCCG Travaux, faute de motivation suffisante de ses réserves.

14. D'autre part, en tout état de cause, il résulte de l'instruction que le mémoire adressé au maître d'œuvre par la société ETF le 5 septembre 2018, à la suite de la notification du décompte général du marché, se référait, en le joignant, au mémoire complémentaire au projet de décompte final du 27 juin 2018, et que ce document exposait, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement était demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par le maître d'ouvrage, tirée de ce que le mémoire du 5 septembre 2018 ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 13.35 du CCCG Travaux, ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne les stipulations de l'article 85.3 du CCCG Travaux :

15. Aux termes de l'article 85.3 du CCCG Travaux : " L'entrepreneur ne peut porter devant le tribunal que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans le mémoire de réclamation remis au maître d'œuvre ". Par suite, la société ETF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accueilli la fin de non-recevoir tiré de l'irrecevabilité de sa demande d'indemnisation des surcoûts liés à la rédaction d'une nouvelle note d'organisation générale pour un montant excédant celui sollicité dans son mémoire en réclamation, quand bien même elle aurait entendu corriger une erreur de calcul.

Sur l'établissement du décompte :

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

16. Aux termes de l'article 10 du CCCG Travaux : " Contenu et caractère des prix. (...) / 10.11. Les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux (...) / 10.22. Dans le silence du marché, les prix sont considérés comme fermes. Selon les stipulations du marché, les prix sont : soit fermes et, s'il y a lieu, actualisables, soit révisables en raison des variations des conditions économiques (...) ". Aux termes de l'article 14 du même cahier : " Paiement du prix des travaux non prévus. / 14.1. Le présent article concerne les travaux dont la réalisation ou la modification est décidée par ordre de service et pour lesquels le marché ne prévoit pas de prix. / (...) Les prix nouveaux sont calculés dans les mêmes conditions économiques que les prix du marché et de manière à être passibles de la minoration ou de la majoration si le marché en comporte. / Le maître d'œuvre notifie à l'entrepreneur par ordre de service des prix provisoires, arrêtés après consultation de l'entrepreneur, pour le paiement des travaux nouveaux ou modificatifs. Ils sont obligatoirement assortis d'un sous-détail ou d'une décomposition. / Les prix provisoires sont appliqués pour l'établissement des décomptes jusqu'à la fixation des prix définitifs. / 14.2. L'entrepreneur est réputé avoir accepté les prix provisoires si, dans le délai d'un mois suivant l'ordre de service par lequel ces prix lui ont été notifiés, il n'a pas présenté d'observation au maître d'œuvre en indiquant, avec les justifications utiles, les prix qu'il propose (...) ". Les prix nouveaux mentionnés par ces stipulations ne sont applicables que pour les travaux qui n'étaient pas prévus par le contrat et qui sont réalisés par l'entrepreneur en application d'un ordre de service. En l'absence d'un tel ordre de service, l'entreprise a le droit d'être indemnisée du coût des travaux supplémentaires indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art, si la personne publique ne s'est pas préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation.

S'agissant des prix nouveaux n° 1, 2, 10 B et 3 à 24 :

17. Il résulte de l'instruction que les prix nouveaux provisoires n° 1, 2 et 10B, fixés par OS n° 6109 du 19 février 2016, ont été acceptés sans réserve le 23 février suivant par la société ETF. Les prix nouveaux provisoires n° 3 à 9 et 11 à 24 ont été fixés par l'OS n° 6112 du 11 octobre 2016, dont la copie versée au dossier par la société ne comporte ni réserve ni signature de son représentant. Faute d'établir qu'elle s'y serait opposée dans le délai d'un mois à compter de la notification des ordres de service, ainsi que l'exige l'article 14.2 du CCCG Travaux, la société requérante est réputée avoir accepté ces prix. Par conséquent, ainsi que le soutient SNCF Réseau, l'évaluation effectuée à ce titre par le maître d'œuvre ne peut qu'être prise en compte. La société requérante indiquant que la discussion porte uniquement sur la valorisation des prix nouveaux, ses prétentions sur ce point ne peuvent qu'être rejetées.

S'agissant des prix nouveaux " non présentés " n° 25 à 74 :

18. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux pour lesquels ces prix nouveaux sont demandés auraient fait l'objet d'ordres de service émis par SNCF Réseau ou son mandataire. Si la société requérante soutient qu'ils ont été analysés par le maître d'ouvrage délégué le 6 avril 2018 dans un courrier dont l'existence ne serait pas contestée et qu'ils doivent, par suite, être regardés comme ayant été acceptés par SNCF Réseau, elle ne produit, pas davantage en appel qu'en première instance, le courrier dont elle se prévaut et dont l'intimée fait valoir qu'il n'était pas destiné à l'entrepreneur, mais constituait une simple note d'analyse provisoire établie par la société Systra pour l'informer des réclamations de la société ETF. D'autre part, elle se borne à soutenir que ces travaux se seraient " révélés indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ", sans apporter aucun élément de justification à l'appui de cette allégation - alors qu'il lui appartenait au besoin de provoquer en temps utile l'établissement de constatations contradictoires conformément au cahier des clauses administratives particulières et à l'article 12 du CCCG Travaux - et à affirmer que " la seule question est donc celle de leur valorisation ". Par suite, elle ne justifie pas de son droit à rémunération au titre de la réalisation des travaux supplémentaires objets des prix nouveaux " non présentés " nos 25 à 74.

En ce qui concerne les préjudices financiers :

19. Hors le cas de sujétions techniques imprévues, dont il n'est pas question en l'espèce, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché dans la mesure où celle-ci justifie qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique, commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre.

S'agissant du délai d'exécution des travaux :

20. Aux termes de l'article 20.2 du CCCG Travaux : " Prolongation ou report des délais d'exécution : 20.21 Lorsque des circonstances non imputables à l'entrepreneur, ou à tout intervenant de son fait, le justifient, la personne responsable du marché peut décider la prolongation du délai d'exécution soit de l'ensemble, soit d'une ou plusieurs tranches de travaux, ou de certains ouvrages, parties d'ouvrages, ou ensembles de prestations, ou le report du début de cette exécution. / Cette décision est notifiée à l'entrepreneur par ordre de service ".

21. Il résulte de l'instruction que la période de préparation devait, en vertu de l'acte d'engagement et du cahier des clauses administratives particulières dans sa version du 25 juillet 2014, commencer au plus tard à une date décalée du 18 au 30 octobre 2014, le planning des travaux devant être arrêté durant cette période en concertation avec l'ensemble des maîtres d'œuvre et des entreprises, en fonction notamment des contraintes imposées par la co-activité avec les autres marchés, que le délai d'exécution des travaux débuterait à compter des ordres de service émis par les maîtres d'œuvre dès que les conditions en seraient réunies et que les prestations objet du marché devaient être achevées le 15 janvier 2016. Par un courrier du 29 octobre 2014, la société Systra a notifié à la société ETF l'autorisation d'engager l'ensemble des prestations, en l'informant de la prochaine régularisation de la date de démarrage au 3 novembre 2014. Le marché a été notifié le 15 janvier 2015 et la date de commencement tant de la période de préparation que des travaux eux-mêmes a en définitive été fixée au 20 janvier 2015 par ordre de service n° 6101 du 21 janvier 2015, signé avec réserves le 2 février 2015 par la société ETF, laquelle a demandé un recalage des délais accordés. Par l'OS n° 6106 du 18 janvier 2016, sur lequel elle a également émis des réserves, la société s'est vu notifier le décalage de la date d'achèvement des prestations au 30 avril 2016 pour le lot 1 et au 25 mars 2016 pour le lot 2.

22. La société ETF se prévaut de modifications dans la conception des ouvrages décidées par ordres de service. Elle invoque, à ce titre, les OS nos 6102 du 28 septembre 2015, 6103 du 23 octobre 2015, 6104 du 10 décembre 2015 et 6107 du 19 février 2016, par lesquels SNCF Réseau lui aurait demandé de très importantes modifications dans la conception des ouvrages, avec pour conséquence une désorganisation du chantier et la prolongation de sa durée. S'il est constant que, par ces ordres de service, le maître d'ouvrage a procédé à des modifications des travaux initialement prévus dans les documents contractuels, il ne résulte pas de l'instruction que celles-ci seraient constitutives de fautes commises par la personne publique. Au surplus, la société ETF n'a pas émis de réserve dans les délais requis par le CCCG Travaux sur ces quatre OS et ne peut à cet égard se prévaloir utilement des réserves émises ultérieurement sur l'OS n° 6106 du 18 janvier 2016, d'une nature distincte.

23. La société ETF fait valoir, également, l'augmentation de la masse des travaux, de l'ordre de 26 % selon le chiffrage qu'elle opère. Toutefois, d'une part, pour les motifs indiqués aux points 16 à 18, elle n'est pas fondée à se prévaloir de ce chiffrage et, d'autre part, la seule augmentation de la masse des travaux ne révèle pas, par elle-même, une faute de la part du maître de l'ouvrage.

24. Compte tenu de ce qui précède, il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait commis une faute en se limitant à décaler la date d'achèvement des prestations du 15 janvier au 30 avril 2016 pour le lot 1 et au 25 mars 2016 pour le lot 2, pour tenir compte de la notification tardive du marché, pour partie compensée par la possibilité d'anticiper la période de préparation, ainsi que des demandes de travaux supplémentaires ou de modifications des travaux initialement prévus, formulées durant l'exécution des travaux.

S'agissant des surcoûts résultant des modifications et perturbations des conditions initiales de réalisation des travaux :

25. La société appelante se prévaut des demandes de modifications et perturbations des conditions de réalisation des travaux, que révéleraient les comptes rendus de chantier pour une dizaine de passages à niveaux, les gares de Bedous et de Bidos et la mise en place des détecteurs de chute de rochers, entraînant des décalages dans la réalisation des travaux et les opérations de contrôle. Elle fait également valoir la planification défaillante des travaux et les nombreuses fiches d'adaptation qui ont dû être rédigées. Toutefois, ce faisant, elle n'invoque aucune faute précise imputable au maître d'ouvrage s'agissant de la direction du marché mais se prévaut uniquement de manquements de la part du maître d'œuvre principal, lequel, en vertu de l'acte d'engagement, assurait la coordination des deux lots, la maîtrise d'œuvre totale du lot 1 " ligne Oloron-Sainte-Marie à Bedous " et celle, résiduelle, du lot 2, " gare d'Oloron-Sainte-Marie ". Or elle n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de SNCF Réseau en raison de fautes qu'aurait commises le maître d'œuvre principal. Par conséquent, les demandes d'indemnisation des préjudices invoqués relatifs à la mobilisation d'ateliers et de chefs de chantiers supplémentaires, à l'accroissement de l'encadrement du chantier, à la diminution du chiffre d'affaires, aux surcoûts de frais de chantier, de recours à la sous-traitance, de réaffectation de personnel et de rédaction d'une note d'organisation générale, ainsi qu'aux coûts consécutifs au changement de moteur du passage à niveau 34 ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées. Enfin, ses conclusions ayant été accueillies sur ce point par les premiers juges, la société ETF est dépourvue d'intérêt à demander l'indemnisation, à hauteur de 3 180 euros, du retard de règlement de certains acomptes.

En ce qui concerne les moins-values :

S'agissant de la mise en régie :

26. Aux termes de l'article 80 du CCCG Travaux : " Mesures coercitives : 80.1 A l'exception des cas prévus au paragraphe 2 de l'article 82, lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux stipulations du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. / Ce délai, sauf le cas d'urgence, n'est pas inférieur à quinze jours à compter de la date de notification de la mise en demeure. / 80.2 Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie peut être ordonnée (...) dans les conditions définies aux articles 81 (...) ". Aux termes de l'article 81.1 du même cahier : " Au sens du présent CCCG, la mise en régie est la décision par laquelle le maître de l'ouvrage dessaisit l'entrepreneur défaillant de travaux que celui-ci avait été chargé d'effectuer et en poursuit l'exécution lui-même, sous sa responsabilité et aux frais et risques de l'entrepreneur, en payant personnel, matériel et matériaux, et frais d'ordonnancement, de pilotage et de coordination, le cas échéant, suivant les modalités précisées au paragraphe 2 de l'article 11 ". L'article 81.2 poursuit : " Pour établir la régie, laquelle peut n'être que partielle, il est procédé, l'entrepreneur étant présent ou ayant été dûment convoqué, à la constatation des travaux exécutés et des approvisionnements existants, ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel de l'entrepreneur et à la remise à celui-ci de la partie de ce matériel qui n'est pas utile à l'achèvement des travaux poursuivis en régie " et l'article 81.3 : " L'entrepreneur dont les travaux sont mis en régie est autorisé à en suivre l'exécution, en vue de sauvegarder ses intérêts, sans pouvoir entraver les ordres du maître d'œuvre ; il peut cependant émettre des réserves motivées sur l'exécution des travaux ". Enfin, l'article 81.5 prévoit que : " Les excédents de dépenses qui résultent de la régie sont à la charge de l'entrepreneur ".

27. Il résulte de ces stipulations qu'une décision de mise en régie doit être précédée d'une mise en demeure adressée au titulaire du marché, par laquelle la personne responsable du marché enjoint à ce dernier d'exécuter le contrat dans un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. En cas de mise en régie irrégulière, l'entreprise titulaire du marché est en droit de se voir reverser les excédents de dépenses mis à sa charge au titre de cette mise en régie.

28. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 13 avril 2016, la société Systra a notifié à la société ETF la mise en régie partielle du marché, affectant les travaux, contrôles et vérifications techniques des passages à niveau 58 et 60 et de l'un des deux centres torche prévus. Le décompte général, notifié à la société ETF le 25 juillet 2018, fait apparaître une réfaction de 447 515,91 euros HT, dont il résulte de l'instruction, au vu notamment des échanges mentionnés par le mémoire de réclamation, qu'elle comporte, pour un montant de 278 231,91 euros HT, la mise à la charge de cette société, tout d'abord, des travaux réalisés en régie pour l'équipement des passages à niveau 58 et 60, ensuite, de prestations d'encadrement de travaux ainsi que de la réalisation de plans de niveau d'exécution dans le cadre de la fiche de modification du programme du MOE n° 21 et, enfin, de travaux de télécommunication, réalisés en lieu et place de la société. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la décision de poursuivre ces prestations et travaux, relevant d'une mise en régie partielle du marché, aurait été mise en œuvre après mise en demeure de la société ETF, contrairement à ce que prévoient les stipulations précitées du CCCG Travaux. La mise en régie est ainsi intervenue dans des conditions irrégulières, sans que la circonstance, invoquée par SNCF Réseau, que la société ETF a été informée de la réalisation des travaux et prestations en ses lieu et place et de l'ensemble des réfactions pratiquées soit de nature à pallier cette irrégularité. Par suite, SNCF Réseau, qui n'est pas fondée à se prévaloir des clauses de l'article 58 du CCCG Travaux relatives aux dommages immatériels subis par le maître de l'ouvrage, ne pouvait faire supporter à la société ETF les excédents de dépenses résultant de cette mise en régie. Cette société est ainsi fondée à soutenir que la réfaction a été imputée à tort.

S'agissant du remboursement du matériel mis à disposition par SNCF Réseau et non restitué :

29. Il résulte de l'instruction que SNCF Réseau a appliqué une réfaction pour la mise à disposition de matériel non restitué, pour un montant total de 169 284 euros. D'une part, s'agissant du matériel destiné à la réalisation des travaux des passages à niveaux 58 et 60 par les entreprises substituées du fait de la mise en régie, la société ETF conteste sa fourniture par SNCF Réseau en se bornant à produire deux constats contradictoires de chantier faisant état de ce que " l'ensemble du matériel nécessaire aux travaux devra être fourni par ETF ". S'agissant, d'autre part, de trente-neuf blocs NSA POS SI OR et des mécanismes de sortie 84 du passage à niveau 42, la société ETF soutient les avoir restitués sans apporter de justification à l'appui de son affirmation. Dans ces conditions, SNCF Réseau doit être regardée comme ayant été fondée à imputer la moins-value à la société ETF à ce titre.

30. Il résulte de ce qui précède que la société ETF est seulement fondée, en ce qui concerne les moins-values, à demander la réintégration dans le décompte général de la somme de 278 231,91 euros HT.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

31. Aux termes de l'article 6.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Pénalités de retard dans l'exécution des travaux : Si les travaux ne sont pas terminés dans les délais définis à l'article 5 de l'acte d'engagement, il sera appliqué, dès le premier jour de retard et jusqu'à la date d'achèvement des travaux, une pénalité de 10 000 euros HT par jour retard à partir de la date d'achèvement des travaux définie à l'article 5 de l'acte d'engagement ".

32. Il résulte de l'instruction que de nouveaux délais ont été fixés par l'OS n° 6106 du 18 janvier 2016 déjà cité, reportant le terme des travaux, initialement prévu au 15 janvier 2016, au 30 avril pour le lot 1 et au 25 mars 2016 pour le lot 2. Les travaux du lot 1 ont été achevés le 11 mai 2016 et ceux du lot 2 le 8 avril 2016, en conséquence de quoi, en application des clauses contractuelles, le montant des pénalités de retard réclamées à la société ETF a été fixé à la somme de 240 000 euros, ramenée le 5 mars 2019 à 220 000 euros.

33. D'une part, il résulte des stipulations précitées de l'article 20.21 du CCCG Travaux que la personne responsable du marché peut décider de prolonger le délai d'exécution soit de l'ensemble, soit d'une ou de plusieurs tranches de travaux, ou de certains ouvrages, parties d'ouvrages ou ensemble de prestations. SNCF Réseau justifie en l'espèce la fixation de dates d'achèvement distinctes par le temps nécessaire à la réalisation des vérifications techniques et des essais. Alors au surplus que le lot 2 correspond aux travaux affectant la gare d'Oloron-Sainte-Marie, ouverte à la circulation des trains à certains moments de la journée, et que la société ETF avait elle-même initialement prévu dans son offre l'achèvement du lot 2 neuf mois avant le lot 1, elle n'est pas fondée à soutenir que les deux lots ne pouvaient pas faire l'objet de dates d'achèvement distinctes.

34. D'autre part, la société ETF soutient que les différentes perturbations extérieures ayant impacté les conditions de réalisation des travaux auraient dû conduire à prolonger la durée d'exécution des travaux jusqu'au 30 juin 2016. Toutefois, l'article 2.62 du CCCG Travaux prévoit que : " Lorsque l'entrepreneur estime que les prescriptions d'un ordre de service appellent des réserves de sa part, il doit, sous peine de forclusion, les présenter par écrit au maître d'œuvre dans les quinze jours à compter de la date de notification de cet ordre. (...) ". Or si la société ETF invoque l'importance des modifications induites par les OS nos 6102, 6103, 6104 et 6107, elle n'a pas émis de réserves dans les délais prévus par ces stipulations, ainsi qu'il a été dit au point 22. Si elle se prévaut également des fiches d'adaptation rédigées entre mars et mai 2016, il ne résulte pas de l'instruction que les modifications ainsi prévues auraient fait obstacle au respect des délais contractuels. Enfin, si elle invoque la défaillance de SNCF Réseau à lui fournir le matériel nécessaire pour le lot 2, elle n'apporte pas d'élément à l'appui de cette allégation. Par suite, la société ETF n'est pas fondée à soutenir que le maître d'ouvrage aurait insuffisamment décalé la date d'achèvement des travaux, eu égard à la notification tardive du marché et aux travaux supplémentaires sollicités, et qu'elle ne serait pas responsable du retard constaté dans l'exécution du contrat ainsi modifié.

35. Il résulte de ce qui précède, compte tenu de la pénalité, non contestée, de 7 000 euros appliquée au titre de l'article 6.11 du CCAP, faute de clôture de l'ensemble des fiches de non-conformité bloquante, que la société ETF n'est pas fondée à contester les pénalités mises à sa charge par SNCF Réseau, pour un montant de 227 000 euros.

En ce qui concerne le solde du marché :

36. Le décompte général arrêté à la suite de l'instruction du mémoire en réclamation de la société ETF, tel qu'il figure dans le courrier du 5 mars 2019, s'établit, hors pénalités, à la somme de 3 844 918,81 euros HT, à laquelle il convient d'ajouter la somme de 3 180 euros HT due à la société requérante en conséquence des retards de paiement, admise par les premiers juges et non remise en cause par le présent arrêt, et celle de 278 231,91 euros HT, ainsi qu'il résulte du point 28, soit un total de 4 126 330,72 euros HT. Déduction faite des acomptes déjà versés par SNCF Réseau à hauteur de 3 774 506,82 euros HT, le solde en faveur de la société ETF s'élève à la somme de 351 823,90 euros HT, à laquelle s'applique la TVA à 20 %, soit 70 364,78 euros. Les pénalités applicables à la société ETF s'élevant à la somme de 227 000 euros, non soumise à TVA, le solde créditeur en faveur de la titulaire du marché s'élève à la différence entre les sommes de 422 188,68 euros et 227 000 euros, soit 195 188,68 euros TTC.

37. Il résulte de tout ce qui précède que la société ETF est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fixé le solde du marché à la somme de 139 325,62 euros HT euros en faveur de SNCF Réseau et rejeté ses conclusions dans la mesure mentionnée ci-dessus.

Sur les intérêts sur le solde du marché :

38. Aux termes de l'article 13.11 du CCCG Travaux applicable : " (...) Le paiement est effectué 60 jours à compter de la date d'émission de la facture, selon le mode stipulé au marché, sous réserve de la vérification des mentions de la facture et de l'exécution des travaux (...) / Si les sommes dues à l'entrepreneur au titre de son marché ne sont pas réglées dans le délai contractuel de paiement, l'entrepreneur a droit à des intérêts de retard à hauteur de trois fois le taux d'intérêt légal. Ces intérêts sont calculés à compter du jour suivant l'expiration du délai contractuel de paiement ".

39. Il résulte de ces stipulations que, dès lors que le titulaire du marché le demande, le défaut de mandatement du solde d'un marché de travaux régi par ce CCCG dans le délai de 60 jours courant à compter de la réception de la facture pour solde de l'entrepreneur ou, comme en l'espèce, de la réception de son mémoire de réclamation sur le décompte général, fait courir à son profit des intérêts moratoires calculés au taux prévu par ces stipulations.

40. Il résulte de l'instruction que la société ETF a accepté le décompte général du marché le 5 septembre 2018 avec réserves, suivant un mémoire de réclamation du même jour. Par suite, compte tenu du délai d'acheminement postal et du délai mentionné ci-dessus de 60 jours, elle a droit aux intérêts moratoires au taux contractuel sur la somme de 195 188,68 euros TTC, à compter du 7 novembre 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

41. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de SNCF Réseau le versement à la société ETF d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par SNCF Réseau au titre des mêmes dispositions doivent en revanche être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le solde du décompte général fixé par l'article 1er du jugement du 22 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris est fixé à la somme de 195 188,68 euros TTC en faveur de la société ETF.

Article 2 : SNCF Réseau est condamnée à payer à la société ETF, à titre de solde du marché, la somme de 195 188,68 euros TTC, assortie des intérêts au taux moratoire contractuel à compter du 7 novembre 2018.

Article 3 : Le jugement du 22 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2.

Article 4 : SNCF Réseau versera à la société ETF une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société ETF et à SNCF Réseau.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Fombeur, présidente de la Cour,

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05211
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : D4 AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-31;21pa05211 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award